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GUINEE : de la nécessité de sortir des logiques court-termistes

Pendant que la Guinée est encore à la croisée des chemins, où l’on est partagé à nouveau entre espoir et incertitudes, il est plus que nécessaire de rappeler les péripéties qui ont conduit au 5 septembre qui fut, quoi qu’on dise, l’opportunité de débarrasser la Guinée d’une démocrature qui virait à la dictature. Dans son livre, Soundiata ou l’épopée mandingue, Feu Djibril Tamsir NIANE ne disait-il pas que « le monde est vieux, mais l’avenir sort du passé » ?

 Il importe de remonter l’histoire récente de la Guinée et rappeler que nous vivons en ce moment, la fin d’une ère entamée par les forces vives en 2006-2007. En effet, les années 2000 qui correspondent au moment où l’espoir suscité par la prise du pouvoir par l’armée en 1984, ainsi que celui nourri par l’avènement du multipartisme intégral environ une dizaine d’années plus tard, se révélaient être des illusions. En tout cas pour ceux parmi les Guinéens qui s’attendaient à un pays gouverné dans le respect des principes démocratiques.

La situation sociopolitique et économique s’est dégradée, créant un terreau de contestations dont les grèves scolaires de 2000 et 2006, sans oublier les soulèvements populaires de 2007 portés par les forces sociales (centrales syndicale et OSC). Les forces sociales ont vu le jour, balisant le terrain aux forces vives (centrales syndicales, OSC et partis politiques) de la nation créées pour répondre au besoin de fédérer les énergies pour faire face à la junte qui s’est accaparée du pouvoir à la mort de Général Lansana Conté, président de la République jusqu’en décembre 2008.

Des acquis au goût d’inachevé

Parmi les résultats positifs de cette dynamique de transformation sociale et politique en Guinée, on peut citer la libération des ondes, la constitutionnalisation du poste de premier ministre, le principe d’une commission électorale nationale indépendante (CENI) politique et en principe paritaire, le régime déclaratif des manifestations, etc.

Des avancées en réalité très fragiles, même trop fragiles pour être capitalisées par les forces du changement. Réduites à leur dimension formelle, elles ont été, fortement effritées pendant les 11 ans de règne d’Alpha Condé qui a usé et abusé de la perversion de l’élite par l’achat des consciences. Une tare plus ou moins normalisée, puis exacerbée avec la politisation à outrance de l’administration publique, la déchirure du tissu social sur fond de communautarisme.

Résultat, la Guinée devient un pays où le patronyme ou l’appartenance politique détermine la possibilité ou non pour des citoyens   de jouir de certains de leurs droits.  La discrimination aidant, les positions dans l’administration, les marchés publics sont devenus l’apanage de certains Guinéens, généralement moins méritants, aux dépens d’autres mieux-disants. Même le droit inaliénable à la vie a été dénié à une catégorie de Guinéens, du fait de la même discrimination.

A l’inverse, politiquement, le vote n’est plus motivé par l’adhésion à un programme de société mais par l’appartenance à la même communauté avec le candidat ou par les gains et privilèges immédiats ou futurs qu’on peut en espérer. Et même quand les électeurs ont décidé de sortir de cet engrainage, le pouvoir a usé de tous les moyens illégaux pour tripatouiller les élections. L’exemple le plus illustratif de cette perversion démocratique, ce sont les élections communales de février 2018 dont les résultats ont été changés par le pouvoir qui s’est même permis d’empêcher l’installation de ceux dont il n’a pas pu trafiquer les résultats.

Malheureusement, une partie de la presse et la société civile censées constituer le dernier rempart face à ce genre de dérives ont été embarquées dans le jeu. La façon dont certains médias ont été mis à contribution dans le processus de déstabilisation de Kéléfa Sall (paix à son âme), alors président de la cour constitutionnelle en est une parfaite illustration. Que dire du fait de banaliser le sujet sur le troisième mandat d’Alpha Condé avec la complicité des mêmes médias ?

Il découle de tout ce qui précède que le coup d’Etat du 5 septembre 2021 peut être perçu comme le point culminant du processus de perversion et de remise en cause des valeurs et principes auquel la Guinée a eu droit ces dernières années.  D’où l’enthousiasme et l’immense espoir que la chute du président Alpha Condé avait soulevés. D’autant qu’au régime népotique et autocratique d’Alpha Condé le colonel Mamadi Doumbouya opposait un discours mettant justement en avant les promesses de rupture et de renouveau. Voilà pourquoi les choses se sont passées sans contestation y compris parmi les factions de l’armée qui n’étaient pas associées au pustch.

Attention au remake de 2008-2010

Mais une année après, il faut admettre que les plus optimistes d’entre nous, pour peu qu’ils soient réalistes, ne peuvent que s’interroger face à ce que bon nombre de nos compatriotes et observateurs considèrent à juste titre comme une transition minée, voire totalement compromise. A ce rythme, on est parti pour revivre les travers dont le pays a pâti sous le règne du président Alpha Condé.

D’où la nécessité pour les acteurs politiques et de la société civile qui comptent dans ce pays de faire une pause. Le tout ne doit pas se ramener simplement à la conquête du pouvoir ou à la finalisation de la Transition. Il importe de faire un diagnostic rigoureux et exhaustif des dysfonctionnements qui minent la marche du pays. Les acteurs politiques et de la société civile guinéens doivent faire montre de hauteur de vue de manière à s’accorder sur un minimum d’objectifs à assigner aux futurs dirigeants du pays, quels qu’ils soient par ailleurs.  Sans prétention aucune, nous pensons que ce check-up suppose un véritable cadre d’échange entre les différents acteurs sociopolitiques et économiques en vue de s’accorder sur le mal guinéen et sur ce qui pourrait en être le remède.

Ce Cadre d’échange qui devrait être convoqué le plus rapidement possible par les principaux acteurs politiques et de la société civile, devrait déboucher sur un document dont le contenu devrait aider à guider le futur président ou la future présidente du pays. Et bien sûr, cela doit se faire sans la participation des autorités de la Transition. Dans un contexte où c’est l’ensemble de la sous-région ouest-africaine qui se trouve en proie à de nombreuses incertitudes en rapport avec ce que d’aucuns appellent déjà la « crise démocratique », les acteurs guinéens devraient mettre l’occasion à profit pour poser les questions qui s’imposent. Et un nouveau code moral engageant tous les acteurs qui comptent doit en sortir. De manière à ce que tout le monde comprenne notamment que le défi de l’heure est d’inculquer aux Guinéens et à leurs futurs dirigeants des valeurs comme le mérite, le civisme, bref tout ce qui peut donner un sens à notre devise nationale, à savoir : travail-justice-solidarité. Ce qui suppose un nouveau modèle politique où les leaders sont choisis parmi ceux qui offrent plus de garanties de compétence, d’honnêteté et de vision.

L’idée est de sortir le pays du schéma actuel qui mène tout droit vers le remake de la transition de 2008-2010, avec une première partie trop agitée qui fait que le second risque d’être bâclée, avec l’organisation d’une élection pour juste porter dans l’urgence un civil à la tête du pays, sans savoir ce qu’il en ferait.

Il s’agira également d’initier une société civile différente de celle qui s’est pervertie et décrédibilisée en s’associant systématiquement, depuis les événements de janvier et février 2007, à la mal gouvernance devenue endémique dans ce pays. Quitte à composer avec les mêmes acteurs, mais il faudrait qu’ils intègrent la nécessité d’adopter un nouveau logiciel.

Par exemple, pour occuper un certain nombre de postes (parmi les plus stratégiques et techniques) désormais, y compris au gouvernement et au niveau des autres institutions, on devrait passer par une procédure de soumission de la proposition de l’exécutif à une enquête parlementaire. Sans aucun risque d’être limogé du jour au lendemain, sans raison valable. Autrement dit, mettre fin à la seule discrétion du chef de l’Etat comme critère « d’éligibilité » aux postes de décision.

Ce conclave entre acteurs politiques et de la société civile doit parallèlement, dans la sérénité et uniquement dans l’intérêt supérieur du pays, poser le débat sur les questions mémorielles afin de conduire l’Etat à faire face à sa responsabilité morale et historique, en travaillant à obtenir un pardon sincère des victimes politiques et de leurs ayant droits. Une telle démarche pourrait permettre de poser les jalons d’une réconciliation vraie entre « l’Etat bourreau » et les citoyens et communautés victimes.

Ainsi, la Guinée pourrait sortir du schéma de « diviser pour régner » qui met dos à dos des victimes des différents événements sur fond de manipulations ethniques, tout en espérant sécher les larmes des victimes et autres héritiers et solder le lourd passif mémoriel qui risque de compromettre définitivement l’avenir du pays.

La Cause Guinée (LCG)

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