La chute est d’une telle brutalité qu’elle devrait servir de leçon à plus d’un. Il y a un peu plus d’un an, il était encore tout-puissant chef d’Etat-major général des armées et faisait office de numéro 2 du CNRD. Mais depuis hier, lesté de son grade général, le même Sadiba Koulibaly n’est même plus membre de l’armée. En plus, il devra purger une peine de cinq ans d’emprisonnement ferme. Comme pour dire que la déchéance n’est jamais loin de l’ascension. En tout cas, la seconde ne met jamais à l’abri de la première.
Il fut un temps, c’est le général Sadiba Koulibaly qui engageait le CNRD, étant signataire de l’essentiel des actes officiels de la junte. Mais son étoile a commencé à pâlir dans le sillage des prévisions du féticheur Mofa Sory, laissant croire que la transition courrait vers un déclin inéluctable. D’autant que le charlatan avait précisé que la menace contre le régime viendrait d’un homme dont la description physique aurait fait pensé à celui qui était encore CEMGA. Coïncidence ou non, c’est au même moment qu’on a sorti du tiroir cette histoire de vol d’armes au camp de Samoroyah. Histoire qui avait débouché sur un procès au cours duquel un des mis en cause citait opportunément le général Sadiba Koulibaly.
N’empêche, quand le 9 mai 2023, il est limogé de son poste de chef d’Etat-major au profit de celui de ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, chargé de la récupération des domaines spoliés de l’Etat, c’est un peu la surprise dans le pays. Ça sent la crise au plus haut sommet de l’Etat. La crise devient encore plus manifeste quand le général décline sa nomination au poste de ministre. Il est alors remplacé cette fois – vingt-quatre heures après sa nomination – par le général à la retraite Ibrahima Kalil Condé, jusque-là gouverneur de la région administrative de Kindia. La détérioration est si brusque que certains conjecturent qu’il a été mis aux arrêts. Rumeurs que les autorités s’empressaient de démentir alors.
Puis, les choses se calment plutôt relativement. Parce que la nomination ultérieure du général Sadiba Koulibaly au poste de chargé d’affaires à l’ambassade de Guinée à Cuba venait rappeler que la confiance est rompue entre lui et les nouveaux maîtres du pays. Ce que son récit sur les conditions peu enviables qu’il a vécues à la Havane n’a fait que conforter. Mais c’est surtout les circonstances de son retour et les échanges avec le général Mamadi Doumbouya et Dr. Morissanda Kouyaté qu’il a rendus publics au cours de son bref procès, qui ont fini de convaincre qu’aucune conciliation n’était plus possible. Même si la descente musclée qu’il y a eu à son domicile le 4 juin dernier était également un signe.
Ensuite, est arrivé le coup de grâce avec cette condamnation à 5 ans d’emprisonnement ferme par le tribunal militaire. A l’issue de seulement deux jours de procès. Il s’y ajoute qu’au soir du verdict, la télévision nationale annonce d’une part, qu’il est déchu de son grade de général, et de l’autre, radié des effectifs de l’armée.
Finalement, entre lui et les auteurs du coup d’Etat du 5 septembre 2021, la greffe n’aura pas pris. Contrairement à ce que les premiers mois de cohabitation avaient pourtant laissé croire. Mais au-delà de la chute d’un homme, qu’on le veuille ou non, tout cela ne rassure point quant à la sérénité dans la gestion du pays.
Boubacar Sanso Barry