Entre, d’une part, le déni absolu des proches du président camerounais, et de l’autre, le sensationnalisme malsain auquel se livrent les détracteurs de ce dernier, difficile de s’y retrouver. Quoique, au milieu de cette confusion, émerge une quasi-certitude : l’état de santé de Paul Biya, 91 ans, n’est pas au beau fixe. C’est la conclusion que l’on peut tirer des annulations de l’ensemble des rendez-vous diplomatiques auxquels le chef de l’Etat camerounais était pourtant annoncé ces derniers jours. D’abord, l’Assemblée générale des Nations unies, à New York. Ensuite, le sommet de l’OIF, à Paris. Enfin, la rencontre sur le développement durable, à Hambourg.
Alors que manifestement, le dirigeant camerounais, soucieux de faire taire toutes les spéculations sur son état de santé fragile, entendait faire montre d’un activisme diplomatique intense, son organisme n’a pas su aller au-delà de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris et du sommet sino-africain de Pékin, respectivement en juillet et août derniers. Deux premières étapes qui l’ont si essoufflé qu’il est contraint à une pause à Genève, en Suisse. Une alerte dont il devrait décoder le message, au bénéfice du Cameroun et des Camerounais.
Des Camerounais soumis et acquis
Au-delà de la controverse, ces rumeurs sur l’état de santé du président camerounais cachent un message que les dirigeants de Yaoundé s’obstinent à ne pas entendre : de plus en plus gagné par l’âge, Paul Biya est proche de la sortie. Mais plongé dans une sorte d’aveuglement, les collaborateurs du président et les institutions camerounaises se refusent à admettre la réalité. En sorte que personne n’ose même s’avouer à lui-même que la fin est toute proche. Pourtant, quand on a franchi la barre de 90 ans, cela coule de source. A son âge, les bobos de santé du leader camerounais ne devraient même plus surprendre personne. Dans l’intérêt du pays, on devrait lui faire entendre raison et le convaincre de se mettre au repos. Encore que cette retraite, Paul Biya aurait dû la prendre il y a longtemps. D’autant qu’en réalité, depuis des années, sa gestion du pays, il la mène par procuration. Lui-même passant l’essentiel de son temps hors du pays et loin de son palais. Mais comme s’il avait fait boire à ses compatriotes une décoction qui les a rendus si soumis et acquis, son autorité somme toute symbolique continue de prévaloir. Les prétendants au fauteuil présidentiel dans son entourage s’étant résolus à le laisser mourir avant de faire valoir leurs ambitions.
Paul Biya, un président enviable
Conséquence, le Cameroun pâtit de l’immobilisme. Les indicateurs sociaux se dégradent sans cesse. Entre les riches, essentiellement ceux qui sont aux manettes et leurs proches, et les autres, le fossé est béant. Mais les Camerounais, à la fois apathiques et fatalistes, attendent un signe de la Providence. Personne ne veut bousculer le destin. Devenu une sorte de grand-père national, le président est perçu avec une dose de compassion et de bienveillance. Qu’il ne soit pas au pays des mois durant, ça n’offusque plus personne. Qu’on ne l’entende pas ou qu’on ne le montre pas présidant le conseil des ministres, cela non plus, n’est pas un problème. Paul Biya est un président que les autres peuvent envier. Parce qu’à lui, tout est permis. Mais comme on l’a dit, c’est malheureusement au détriment du pays et de son image. Comme on le voit avec cette controverse à propos de son état de santé.
Boubacar Sanso Barry