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RD Congo : quand le politique se défausse sur le militaire

Le mardi 31 décembre, c’est la peine extrême que le tribunal militaire siégeant à Lubero, a infligé à 13 militaires congolais poursuivis tout à la fois pour « lâcheté, dissimulation de munitions, fuite devant l’ennemi et violations de consignes », entre autres. Des accusations en rapport avec la guerre que le pays mène face aux rebelles du M23 qui accroissent chaque jour leur progression dans cette région du Nord-Kivu. En juillet, une cinquantaine de soldats avaient écopé de la même sentence en l’espace d’une semaine. Et c’est la preuve que la situation sécuritaire dans l’est du pays préoccupe les autorités. Au point qu’en mars de l’année dernière, elles avaient été obligées de lever le moratoire de la peine capitale, en vigueur depuis 2003. Expliquant recourir à ses peines extrêmes à des fins « dissuasives et pédagogiques », elles espéraient ainsi arrêter les désertions devenues un véritable fléau face au M23. Sauf que manifestement, ça ne marche pas. Au contraire, cette manœuvre qui tend à masquer la responsabilité des autorités politiques pourrait se retourner contre les dirigeants du pays.

Soldat mal rémunéré et peu équipé

Dans n’importe quelle autre situation, l’argument des autorités congolaises serait recevable. Parce qu’il n’est pas concevable que le militaire dont la mission régalienne est de garantir l’intégrité territoriale abdique sans combattre. Mais dans le cas de la République démocratique du Congo, la sévérité des sanctions que prononce le tribunal militaire s’apparente à une fuite en avant. Elle tend à imputer toute la responsabilité du peu de résistance dont fait preuve le pays face aux rebelles soutenus par le Rwanda, aux seuls soldats au front. Or, à certains égards, cette façon de présenter les choses peut être perçue comme étant injuste à l’égard des soldats congolais. En effet, comment voudrait-on qu’un soldat congolais, très mal rémunéré, n’ayant suivi qu’une formation sommaire et très peu équipé, fasse le poids devant des troupes rebelles armées, payées et commandées directement par Kigali ?

Soldats étrangers et sociétés de sécurité privées

Il s’y ajoute qu’en réalité, les autorités congolaises elles-mêmes ne font pas suffisamment confiance aux militaires de la RDC. Ainsi, de plus en plus, elles recourent à des soldats étrangers et à des sociétés de sécurité privées pour faire face au défi que pose la progression de la rébellion dans l’est du pays. Des militaires et des agents auxquels le pays verse des millions de dollars, alors que les soldats congolais, sous-payés, peuvent cumuler des mois d’arriérés de solde impayés. Dans certains cas, quand les soldats étrangers perçoivent jusqu’à 15 000 dollars mensuels, sont logés dans des hôtels et villas de luxe et circulent à bord des véhicules rutilants, ceux de la RD Congo, perçoivent tout au plus 150 dollars mensuels et doivent se contenter de camionnettes vieillissantes. Pour ce qui est des sociétés de sécurité privées, nos confrères de la Deutswelle en ont récemment identifié deux : une Bulgare, Agemira, avec une vingtaine de personnes et une Roumaine, Ralf, avec un contingent de 800 combattants.

Anciens membres de la Légion étrangère française

Quand les uns conseillent l’armée congolaise, entretiennent les drones et les avions, s’occupent du ravitaillement des soldats et négocient les contrats d’armement, les autres sont affectés à la sécurisation de certaines villes ou d’institutions. Anciens membres de la légion étrangère française aujourd’hui à la retraite, pour beaucoup d’entre eux, le terrain d’opération de la RD Congo est une opportunité de se refaire une santé financière. Pendant ce temps, les soldats congolais qui sont pourtant en première ligne doivent se contenter de subsides, en plus de se voir commander par ces mercenaires importés d’ailleurs.

Jouer avec le feu

En voilà qui est déjà suffisamment frustrant. Mais les autorités, au lieu de tirer les conséquences de ces injustices et de ces choix hasardeux, ne trouvent pas mieux que ces condamnations sévères. Et même au-delà, faisant abstraction donc de ce qui se passe dans l’est du pays, le président Tshisekedi est déjà en campagne pour un troisième mandat. Mais il devrait ne pas trop jouer avec le feu. Car les peines de mort qu’on inflige ainsi aux soldats peuvent finir par exaspérer et se retourner contre ceux qui les édictent. A bon entendeur salut !

Boubacar Sanso Barry

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