Selon le rapport 2025 de Human Rights Watch, la situation des droits de l’homme en Guinée s’est détériorée en 2024. Le pays traverse une phase critique marquée par la répression des libertés publiques, le retard du processus démocratique, notamment le retour à l’ordre constitutionnel et l’exploitation contestée de ses ressources naturelles.
Depuis mai 2022, les militaires au pouvoir ont interdit toute manifestation, utilisant la force pour réprimer les contestations. Le rapport indique que « les forces de sécurité ont fait un usage excessif de la force, notamment de gaz lacrymogènes et de balles réelles, pour disperser ceux qui ont défié l’interdiction, entraînant la mort d’au moins 59 manifestants et autres citoyens depuis 2022, dont au moins 20 en 2024 ». À Conakry, Human Rights Watch a documenté « le meurtre par les forces de sécurité d’au moins huit personnes, dont trois enfants, lors de manifestations qui ont eu lieu dans la capitale », indique le rapport.
Les disparitions forcées demeurent un sujet de préoccupation majeur. Les forces de sécurité ont procédé à l’arrestation d’Oumar Sylla, connu sous le nom de Foniké Menguè, de Mamadou Billo Bah et de Mohamed Cissé, tous trois activistes du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), en juillet 2024. « Le FNDC a déclaré qu’ils ont été torturés lors d’interrogatoires extrajudiciaires. Mohamed Cissé a été libéré le lendemain, tandis qu’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah sont toujours portés disparus. Les autorités n’ont pas encore reconnu leur détention ni révélé l’endroit où ils se trouvent, malgré les demandes de leurs avocats », soutient HRW.
Le retour à l’ordre constitutionnel, initialement prévu pour 2024, est retardé. Bien que les autorités aient promis des élections présidentielles et législatives, celles-ci ont été reportées à 2025. Le rapport souligne qu’« en décembre 2022, la junte militaire s’était engagée à organiser des élections d’ici décembre 2024 dans le cadre d’une feuille de route de transition convenue avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Cependant, le 19 septembre 2024, le ministre des Affaires étrangères, Morissanda Kouyaté, a indiqué que les élections auront lieu en 2025 », souligne Human Rights Watch.
L’exploitation des ressources naturelles exacerbe également les tensions. La Guinée, « qui possède les plus grandes réserves de bauxite au monde », a vu une augmentation rapide de la production. Cependant, cette croissance s’accompagne de graves conséquences pour les populations locales. « L’exploitation de la bauxite […] a conduit des dizaines de milliers d’agriculteurs à perdre leurs terres, souvent sans recevoir de compensation adéquate, et a dégradé les ressources en eau de communautés dans la région de Boké », indique HRW. En parallèle, le projet Simandou, mené par des consortiums multinationaux, suscite des inquiétudes. « Des groupes de la société civile guinéens et internationaux ont exprimé des inquiétudes sur le fait que le projet Simandou aura de graves conséquences sur l’accès à la terre et à l’eau pour les communautés voisines », rappelle l’organisation.
Thierno Amadou Diallo