Le Rwanda est-il parti pour voir ses vœux exaucés ? En tout cas, alors que son implication dans le conflit qui secoue depuis trois ans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) est suffisamment documentée par des observateurs indépendants, cette responsabilité pourrait cependant passer au second plan, au profit de celle de l’ancien président congolais, Joseph Kabila. En effet, à Kinshasa, les autorités, manifestement en proie à une certaine panique liée à l’annonce du retour de Joseph Kabila, ont brusquement fait évoluer leur communication au sujet de la crise dans l’est du pays. L’ancien président occupe désormais le statut qui était jusqu’à dernièrement celui de Paul Kagamé : à savoir celui de parrain politique de l’AFC/M23. Conséquemment, une batterie de mesures a été adoptée contre le prédécesseur de Félix Tshisekedi et son parti, le PPRD. Des mesures dont on se demande bien si elles ne sont pas de nature à isoler davantage le pouvoir congolais qui a pourtant besoin d’un minimum de consensus pour faire face à la crise politico-sécuritaire.
Tshisekedi paranoïaque ?
Le président Félix Tshisekedi et ses collaborateurs versent-ils dans la paranoïa ? Pour l’heure, on dispose de très peu d’informations pour répondre à cette question. Il se trouve en effet que la présence même éphémère de l’ancien président, Joseph Kabila, dans la ville de Goma, sous contrôle des hommes de l’AFC/M23 n’est pas encore prouvée. Or, l’authenticité de cette information largement relayée par les services proches de l’Etat congolais est déterminante pour une saine appréciation des évènements auxquels on assiste de la part en particulier du pouvoir. Certes, il est établi que ni l’ancien président, ni son parti n’ont vigoureusement dénoncé l’agression dont le Congo est responsable de la part des rebelles soutenus par Kigali. Mais en soi, ce n’est pas suffisant pour conclure que Joseph Kabila est de mèche avec l’agresseur. Mais s’il était établi qu’il a récemment séjourné dans une ville occupée et administrée par cet agresseur, cela changerait fondamentalement les choses. Parce qu’à minima, cela démontrerait une entente tacite.
Kabila, nouvel ennemi à abattre
Et c’est donc sans cette preuve cruciale que les autorités congolaises ont subitement décidé de faire de Joseph Kabila le nouvel ennemi public à abattre. Après la perquisition de deux de ses propriétés il y a quelques jours, voilà que des poursuites judicaires sont engagées contre lui et son parti suspendu. Des mesures dont ne sait guère sur quoi elles reposent. En effet, si des poursuites sont annoncées, celles-ci ne sont pas encore allées à leur terme pour servir de base par exemple à la suspension du PPRD. Il découle donc que toutes ces mesures, au lieu d’arranger les choses, sont perçues comme illustratives de la peinture que les opposants font du pouvoir congolais : liberticide voire dictatorial. Ce qui n’est pas pour faciliter l’union sacrée que les autorités appellent de leur vœu face l’agresseur qui rêve de s’emparer du pays en entier. Pire, ces décisions annoncées sans aucune justification plausible renvoient du pouvoir congolais un manque de sérénité qui ne peut rassurer ni les Congolais, ni ceux des partenaires qui voudraient encore parier sur Tshisekedi. Et dans l’éventualité où Kabila serait vraiment en complicité avec les agresseurs, il aura ainsi rendu un grand service à ses partenaires en leur révélant cette faille stratégique dans la défense du pouvoir congolais.
Boubacar Sanso Barry