Lors de son récent séjour en Guinée, le procureur adjoint de la Cour pénale internationale (CPI), Mame Mandiaye Niang, n’avait pas été aussi explicite. Du moins devant les médias. Mais il ressort de la déclaration de la CPI relative à ce séjour qu’il avait profité des rencontres qu’il a eues notamment avec le premier ministre et le ministre de la Justice, pour leur faire part des « craintes » que la grâce récemment accordée à l’ancien président de la Transition inspire à son institution. Toutefois, en partant de Conakry, il avait l’assurance des autorités guinéennes le procès en appel relatif aux massacres du stade du 28 septembre se tiendraient bel et bien. Est-ce avec Moussa Dadis dans le box des accusés ? La déclaration ne le dit pas néanmoins.
« Lors de ses rencontres avec le Premier Ministre Amadou Oury Bah et le Ministre de la justice et des droits de l’homme, M. Yaya Kaïraba Kaba, le Procureur Adjoint Niang a fait part de ses craintes de voir la grâce accordée prématurément à l’ancien Président Camara porter fortement atteinte aux efforts déployés par la Guinée pour faire reculer l’impunité », peut-on lire dans la déclaration de la CPI publiée ce vendredi 23 mai 2025. Ces craintes sont notamment justifiées par le fait que Moussa Dadis Camara « est l’un des principaux responsables des crimes commis lors des évènements du 28 septembre 2009 ». En outre, à la suite des échanges qu’il avait également eus avec les victimes, M. Niang a noté : « Aujourd’hui, les victimes sont découragées par l’octroi de cette grâce et redoutent que cette décision ne soit annonciatrice d’autres décisions semblables »
Pourtant, sur la base des engagements pris par la Guinée, dans le cadre du protocole d’accord signé le 28 septembre 2022 avec le Bureau du procureur de la CPI, « il est essentiel que la procédure d’appel dans le procès principal, ainsi que les procédures judiciaires menées à l’encontre des auteurs présumés de crimes liés aux événements du 28 septembre, puissent aboutir », a souligné Mame Mandiaye Niang
Certes, le droit de grâce est une prérogative dévolue aux Etats. Toutefois, « de telles grâces accordées pour crimes contre l’humanité pourraient soulever des doutes quant à la volonté de l’État concerné de rendre justice et aller à l’encontre des obligations qui incombent à un État au regard du droit international d’enquêter sur des crimes internationaux et d’en sanctionner les auteurs », a fait remarquer le procureur adjoint de la CPI.
En dehors des inquiétudes soulevées par cette grâce accordée à Moussa Dadis Camara, le représentant de la CPI et sa délégation ont noté avec satisfaction les actes posés dans le sens de l’indemnisation des victimes et les engagements des autorités en faveur de la poursuite de la procédure via la tenue du procès en appel. Au point qu’en partant de la Guinée, le procureur notant qu’« il n’y a pas de changement de cap », le procureur adjoint s’est dit « rassuré de savoir que le procès se poursuivra au stade de l’appel et qu’il sera mené à son terme, que d’autres procès connexes s’ouvriront et que les réparations des victimes se poursuivront. (…) Le Gouvernement a affiché sa volonté d’apporter le soutien nécessaire à l’appareil judiciaire dans sa quête de justice et le Mémorandum d’accord continuera de guider les engagements mutuels du Bureau et de la Guinée pour que justice soit faite pour les crimes commis en septembre 2009 ».
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