L’annonce a été faite vendredi matin, via un communiqué de la présidence angolaise. Photos à l’appui, les autorités de Luanda confirmaient la libération, puis l’arrivée dans la capitale angolaise de l’ancien président gabonais Ali Bongo Ondimba, de son épouse Sylvia, et de leur fils Nourredin. Cinq jours plus tôt, les deux derniers, remis en liberté, avaient rejoint l’ex-chef de l’Etat, placé en résidence surveillée depuis son renversement en août 2023 par le général Brice Clotaire Oligui Nguema, aujourd’hui président de la République, investi pour un mandat de cinq ans. Cette libération, qui sonne à la fois comme un signe d’apaisement et comme un marqueur du retour progressif à l’ordre constitutionnel, est accueillie favorablement à plusieurs niveaux. De la famille Bongo au nouveau pouvoir gabonais, en passant par la communauté internationale, chacun semble y trouver son compte. Le sort de l’ancien président représentait une source d’embarras pour de nombreux partenaires du pays.
Comme c’est souvent le cas dans ce type de dossier, la libération d’Ali Bongo et de ses proches est le résultat de tractations diplomatiques discrètes et de pressions subtiles de la communauté internationale. Une mobilisation en partie résultant de l’offense médiatique et plaidoyer juridique efficace menés par les avocats de Sylvia Bongo et de Nourredin, pour dénoncer leur détention. D’ailleurs, c’est en sa qualité de président en exercice de l’Union africaine que le président angolais Joao Lourenço, a publiquement revendiqué un rôle clé dans le dénouement de l’affaire.
Car, même si le fameux « make noise » lancé en septembre 2023 par Ali Bongo n’avait pas trouvé d’écho, les capitales occidentales, de Paris à Washington en passant par Addis-Abeba, suivaient le dossier avec une certaine gêne. Dans ce pays longtemps perçu comme un symbole de la Françafrique, une normalisation trop hâtive des relations avec les nouvelles autorités, sans solution au cas Bongo, aurait fait désordre. Même s’il n’est pas exclu que l’état de santé fragile de l’ancien président ait influé sur la décision finale.
Du côté des autorités gabonaises, et notamment du général-président Brice Oligui Nguema, il existait également un intérêt à se libérer du poids politique et symbolique que représentait la détention de l’ex-président. Dans un contexte de transition et de quête de légitimité, maintenir Ali Bongo en captivité aurait pu s’avérer contre-productif. Sa libération permet aujourd’hui de clore une page, tout en allégeant la pression diplomatique. Elle contribue aussi à renforcer l’image d’un pouvoir soucieux de tourner la page du putsch, en l’emphase sur le climat de normalisation.
Quant à l’ancienne famille présidentielle, ce dénouement marque, sinon une victoire, du moins un soulagement. Ali Bongo semble avoir depuis longtemps accepté la fin de son règne, notamment en raison de son état de santé qui l’empêche de prétendre à tout retour en politique. Pour lui, la fin des ennuis judiciaires de son épouse et de son fils constitue probablement l’ultime soulagement. D’autant que certains Gabonais, en raison du bilan politique et économique contesté de son régime, jugeront peut-être cette libération comme une faveur imméritée. Mais quoi qu’il en soit, les images de l’accueil sobre à l’aéroport de Luanda ressemblent bien au clap de fin d’un règne familial qui aura duré plus d’un demi-siècle au sommet de l’Etat gabonais.
Ainsi s’achève un long feuilleton à forte portée symbolique. La libération de la famille Bongo apparaît comme un compromis utile, qui évite aux nouvelles autorités de s’enliser dans une guerre d’image, tout en permettant à la communauté internationale de sauver la face. Mais elle marque aussi, d’une certaine manière, la fin d’un cycle politique au Gabon. Le départ d’Ali Bongo et des siens, accueilli avec réserve mais sans agitation, semble sceller le crépuscule d’un système dynastique vieux de plus de cinq décennies. Au pays et à ses nouveaux dirigeants de s’atteler donc via la gouvernance, de tourner cette page-là, pour en écrire une autre dont on sera davantage fier dans quelques années.
Boubacar Sanso Barry