Le bras de fer entre l’État guinéen et la société minière Guinea Alumina Corporation (GAC) entre dans une phase critique. Après plusieurs mois de silence sur l’arrêt des activités de GAC, le gouvernement guinéen est finalement sorti de sa réserve. Lors d’une conférence de presse tenue le 22 mai à Conakry, le ministre secrétaire général de la présidence, le Général Amara Camara, a pointé du doigt les « manquements graves » de l’entreprise à ses engagements contractuels, notamment la non-construction d’une raffinerie d’alumine en Guinée.
« GAC, conformément à sa convention de base, devait développer une raffinerie ici en Guinée. Vingt ans après, il n’y a rien. Rien du tout », a lancé le ministre sur un ton ferme, dénonçant un modèle économique où « la bauxite est extraite ici mais transformée ailleurs…Désormais, personne ne se foutra de la Guinée pour nos ressources et encore moins chez nous », a-t-il dit.
Ce ton offensif s’inscrit dans une nouvelle doctrine de souveraineté économique prônée par les autorités de la transition. Le message est clair : le temps des largesses fiscales sans contrepartie est révolu. L’État menace désormais de « prendre ses responsabilités » si GAC ne se conforme pas aux exigences de la convention.
Face à cette offensive, GAC n’a pas tardé à réagir. Dans un communiqué publié ce mardi 27 mai, l’entreprise se dit contrainte de « répondre publiquement » aux accusations, tout en réaffirmant son attachement à la Guinée et au peuple guinéen.
« GAC a toujours respecté l’ensemble de ses obligations aux termes des accords signés avec l’État guinéen et conteste fermement qu’elle aurait agi différemment. GAC entend réaffirmer son engagement et sa détermination à poursuivre un partenariat durable avec la Guinée », indique le communiqué, rejetant ainsi les propos du ministre secrétaire général de la présidence.
Surtout, GAC conteste vigoureusement tout manquement à ses obligations contractuelles et accuse, à son tour, le gouvernement guinéen d’avoir mis en œuvre, depuis octobre 2024, des mesures qui « vont à l’encontre des engagements contractuels et internationaux de la République de Guinée ». Ces décisions auraient, selon la société, « progressivement paralysé ses opérations » jusqu’à leur arrêt complet en décembre 2024.
Au cœur du différend : le projet de raffinerie d’alumine, véritable serpent de mer de la relation entre GAC et l’État guinéen. Le gouvernement y voit une promesse trahie, tandis que l’entreprise évoque des « défis économiques, techniques et environnementaux majeurs » freinant sa mise en œuvre. Elle affirme avoir soumis plusieurs propositions aux autorités, sans succès, tout en appelant à un retour aux négociations.
« S’agissant d’un projet de raffinerie d’alumine en Guinée, GAC a rappelé, à plusieurs reprises, aux autorités guinéennes que la réalisation d’un tel projet dépend de la résolution de nombreux défis économiques, techniques et environnementaux majeurs. GAC a continué de rechercher activement des solutions permettant la poursuite de ce projet et a soumis, à cette fin, des propositions au gouvernement guinéen », souligne la société.
Au-delà du cas GAC, cette affaire symbolise un tournant dans la gestion des ressources minières en Guinée. Le gouvernement de transition cherche à imposer un nouveau rapport de force avec les multinationales, fondé sur la transformation locale et la souveraineté économique.
Le compte à rebours est lancé. Soit les deux parties renouent le dialogue dans un esprit de compromis, soit la crise s’enlise, avec à la clé des conséquences économiques potentiellement lourdes.
N. Siby