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Convivialité féminine ou polémique ? Les dessous des « Soirées Dior »

Depuis quelque temps, un phénomène fait fureur en Guinée : les fameuses « Soirées Dior ». Ces rencontres exclusivement féminines rassemblent des jeunes filles autour de moments de divertissement, organisés tantôt dans des boîtes de nuit, des restaurants ou même dans des domiciles privés. La règle est simple : un seul dress code est autorisé, un boubou aux multiples couleurs. Mais ces soirées ne laissent pas tout le monde indifférent. Pour certains observateurs, elles seraient synonymes de dépravation : consommation d’alcool, usage de chicha et parfois même des comportements jugés indécents. Ces critiques sont allées jusqu’à pousser certaines préfectures à prendre des mesures d’interdiction.

De leur côté, des organisatrices défendent un tout autre visage du concept. Pour elles, les « Soirées Dior » ne sont rien d’autre que des espaces de convivialité féminine, loin de la présence des hommes. L’occasion pour des amies d’un même cercle de se retrouver, de célébrer des anniversaires ou simplement de partager des moments de détente, sans rien de répréhensible.

Pour tenter de mieux comprendre ce phénomène, Ledjely.com est allé à la rencontre de Grâce (nom d’emprunt), organisatrice d’une « Soirée Dior ». Dans cet entretien, elle nous livre sa version et les véritables objectifs de ces initiatives récréatives au féminin.

Lisez !

Ledjely.com : Vous aviez récemment organisé une soirée récréative entre filles appelée « Soirée Dior ». Pour mieux comprendre, pouvez-vous expliquer ce que c’est et comment cela se déroule ?

Grâce : Nous avons organisé notre « Soirée Dior » fin juillet. Tout est parti d’un groupe de discussion entre filles où, en réalité, beaucoup ne se connaissaient pas en face. À l’occasion de l’anniversaire de l’une d’entre nous, nous avons décidé de joindre l’utile à l’agréable : transformer cette fête en « Soirée Dior », un concept à la mode.

Chacune a contribué, soit financièrement, soit en apportant de la nourriture : biscuits, yaourts, plats préparés. Nous avons choisi de consommer uniquement des boissons non alcoolisées : jus, champagne sans alcool, etc. L’idée était de partager un moment convivial, soutenir celle qui fêtait son anniversaire et renforcer nos liens.

Le dress code était clair : un boubou coloré. Même si chacune en possédait déjà, beaucoup ont préféré en commander de nouveaux pour marquer l’occasion. Sur place, nous avons dansé, mangé, coupé le gâteau, tourné des vidéos TikTok et surtout pris du temps pour nous présenter, apprendre à nous connaître et réfléchir à la manière de nous entraider. J’ai par exemple découvert qu’il y avait des infirmières et des coiffeuses dans le groupe, ce qui crée un réseau d’entraide.

Imagine, quand c’est avec un garçon, les filles twerkent beaucoup avec lui, mais tu n’entends jamais un garçon se plaindre. La différence, c’est qu’en réalité, les garçons ne sont pas invités. Or, lorsqu’un garçon est présent et qu’une fille twerke devant lui, il peut rapidement avoir une érection. Cela peut malheureusement mener à du harcèlement, des attouchements ou même un viol, surtout si la personne a consommé de l’alcool.

Mais le twerk fait partie intégrante de certaines danses traditionnelles en Guinée forestière : ne pas savoir twerker, c’est même être considérée comme une mauvaise danseuse. Donc, nous c’est pour s’amuser.

Pour beaucoup, ces moments constituent une occasion pour les filles de poser des actes indécents. Certains vont jusqu’à dire que ces soirées encouragent le lesbianisme, avec des filles qui viendraient habillées en robe mais sans dessous. Que répondez-vous ?

Je pense d’abord qu’il n’y a pas lieu de débattre de ce que les femmes portent. Que l’on mette quelque chose sous sa robe ou pas, cela ne devrait déranger personne, surtout que ces soirées se déroulent uniquement entre filles.

Par ailleurs, il est fréquent que des garçons eux-mêmes demandent à une fille de venir sans rien porter sous sa robe lorsqu’ils se voient en privé. Pourquoi alors critiquer l’habillement des filles entre elles ? Chacune est libre de s’habiller comme elle l’entend, tant que cela ne choque pas celles qui participent.

Ensuite, comment savoir si une participante porte ou non quelque chose sous son boubou ? À moins de fixer quelqu’un avec insistance, ce n’est pas évident. C’est donc surtout de l’imaginaire que de la réalité.

Ils n’ont pas été là, ils n’ont pas vu. Donc, ceux qui n’ont pas vu s’imaginent maintenant. Ils se disent :  Non, sûrement, quand elles sont avec nous, c’est comme ça. Donc, sûrement, quand elles sont entre elles, c’est pareil.

D’ailleurs, lorsqu’on regarde les vidéos qui circulent, voit-on réellement une fille sans dessous ? Non. Ce sont plutôt des suppositions alimentées par ceux qui n’étaient pas présents. En vérité, ce n’est pas ce qui se passe dans ces soirées, mais ce que certains imaginent qui nourrit les rumeurs. Les filles viennent avec des collants.

Plusieurs autorités locales, notamment à Siguiri et à Lola, ont pris des décisions interdisant les « Soirées Dior ». Comment comprenez-vous cette démarche ? Peut-on parler de pression sociale ?

Pour moi, il ne s’agit pas vraiment de pression sociale. Je ne vois pas sur quel fondement ces interdictions reposent, puisque la loi n’interdit pas ces soirées. Les cas d’atteinte à la pudeur évoqués ne sont pas prouvés. Jusqu’ici, je n’ai vu aucune situation concrète liée à une « Soirée Dior » qui puisse justifier une telle mesure.

Certains publient des vidéos ou des photos, mais souvent, ce ne sont pas des filles en boubou dans le cadre de ces soirées. On évoque aussi le lesbianisme, mais il faudrait d’abord en avoir des preuves avant d’en parler.

Je pense que nos autorités ont des priorités plus importantes. Chaque jour, il y a des cas de viols, de harcèlement et de violences qui passent presque sous silence. Mais dès qu’il est question de « Soirée Dior », la réaction est immédiate, comme si Facebook ou les réseaux sociaux dictaient désormais les décisions du pays. Cela donne l’impression que l’État suit plus la tendance que la réalité du terrain.

Interview réalisée par Siby

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