Le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a procédé samedi dernier à un remaniement du gouvernement dirigé par Ousmane Sonko. Des changements importants sont intervenus à la Justice, aux Affaires étrangères et au ministère de l’Intérieur. Mais au-delà des personnes concernées, c’est le remaniement lui-même qui interpelle. Survenant à peine dix-sept mois après l’arrivée au pouvoir du PASTEF, il révèle les débuts difficiles des nouveaux dirigeants. Face aux attentes des Sénégalais, le tandem Sonko-Diomaye découvre la dure réalité de l’exercice du pouvoir, où les promesses ne suffisent pas toujours à résoudre les problèmes. Surtout lorsque des divergences apparaissent déjà au sein de ce duo.
Même si le président et le Premier ministre tentent de minimiser la crise révélée par les critiques publiques d’Ousmane Sonko, ce premier remaniement passe néanmoins pour un prolongement de ces tensions au sommet de l’exécutif. Le changement au ministère de la Justice rappelle la volonté du chef du gouvernement d’accélérer les enquêtes sur les violences politiques imputées au régime de Macky Sall entre 2021 et 2024. Sur ce dossier, le Premier ministre se pose davantage en défenseur des victimes. On notera également qu’à l’Intérieur, c’est un avocat proche de Sonko qui prend la tête de ce département stratégique. En revanche, aux Affaires étrangères, l’arrivée du diplomate Cheikh Niang suscite des interrogations, tant les orientations prônées par le président et son Premier ministre divergent : Diomaye Faye, plus pragmatique, privilégie une rupture en douceur, tandis que Sonko, plus idéologue, défend une approche plus radicale.
Ce remaniement ressemble aussi à un aveu d’impuissance. Le PASTEF, qui avait bâti sa popularité sur une critique acerbe de la gestion de Macky Sall, peine à concrétiser le changement promis. Plus d’un an après l’alternance, les jeunes Sénégalais n’ont pas plus d’emplois et continuent de vouloir émigrer. Les denrées de première nécessité restent inabordables pour de nombreux Sénégalais, et les libertés, notamment dans la presse, ne progressent guère. C’est dire que les attentes sont immenses et le malaise palpable. Au point que l’argument de l’héritage devient de moins en moins pertinent. Dans ce contexte, les changements opérés visent à montrer que les autorités sont à l’écoute et désireuses de répondre aux préoccupations des citoyens. Mais, pour l’heure, ils confirment surtout que le compte n’y est pas.
Pour mieux relever les défis pour lesquels les Sénégalais leur ont accordé leur confiance, Diomaye Faye et Ousmane Sonko doivent sortir des logiques de calculs politiques qui les desservent mutuellement. Ils doivent plutôt orienter toutes leurs énergies vers la réalisation des aspirations de leurs compatriotes. Au lieu de s’opposer l’un à l’autre, ils gagneraient à se rappeler qu’ils sont au service du Sénégal et des Sénégalais.
Par ailleurs, il leur faut dépasser les ressentiments envers le régime précédent. Certes, la justice doit être rendue et les responsabilités établies, mais l’héritage de Macky Sall, aussi lourd soit-il, ne peut continuer à servir de prétexte. Ils n’ont pas été élus pour se plaindre, mais pour poser des actes et apporter des solutions. Aussi, qu’ils passent à l’action !
Boubacar Sanso Barry