Alors que l’intelligence artificielle (IA) s’impose dans de nombreux secteurs, la photographie n’échappe pas au débat. Autrefois, à l’approche de la fête de l’indépendance, les studios photos étaient bondés. Tout le monde voulait immortaliser l’événement avec des clichés aux couleurs du rouge, jaune et vert. Mais aujourd’hui, avec un simple smartphone et une application d’IA, certains préfèrent générer leurs images en quelques clics. Des portraits nets, colorés, presque parfaits… De quoi inquiéter les professionnels de l’image. Mais la question reste entière : l’IA peut-elle vraiment remplacer le photographe ? Pour comprendre les enjeux, nous avons rencontré des acteurs du métier. Entre l’authenticité, la fidélité des clients et l’art de capturer l’instant, ils défendent farouchement la valeur irremplaçable de leur travail.
Sous un soleil éclatant, à Camayenne, nous retrouvons Aïcha Bah, chemise blanche et jean bleu, concentrée derrière son objectif. Passionnée, elle balaie d’un revers la menace d’une substitution totale.
« L’utilisation de l’IA n’a pas un réel impact sur notre activité. Les clients fidèles, qui aiment notre travail, vont toujours venir. Un bon client sait que le photographe vaut mieux que l’intelligence artificielle en termes de retouches. L’IA ne peut jamais remplacer le métier de photographe ou encore moins un photographe. Donc, peut-être que ça peut être un élément de complémentarité, mais ça ne peut pas remplacer le métier de photographe ou encore un photographe même », a-t-elle déclaré.
Elle se rappelle d’ailleurs un exemple frappant avec certains anciens clients.
« L’année passée, j’ai travaillé avec des personnes. Cette année, comme je n’étais pas disponible, ils ont eu recours à l’IA. Mais la différence saute aux yeux : l’authenticité manque. On a même vu des détails aberrants, comme un drapeau guinéen inversé. Au lieu du rouge-jaune-vert, l’IA a produit du jaune-rouge-vert. Cela montre bien qu’il y a une très grande différence entre une photo prise par un photographe et une image générée par la machine », souligne-t-elle.
Pour Aïcha, l’essence même de la photographie échappe aux algorithmes.
« Tous ceux qui pensent que l’IA pourra remplacer le métier de photographe doivent enlever cette idée de leur tête. Par exemple, si tu veux couvrir ton mariage, l’IA ne peut pas le faire. Elle ne peut pas suivre un événement institutionnel, courir après les instants, saisir l’ambiance. L’IA ne ressort pas l’authenticité d’une image. Être photographe, c’est être un artiste. Ça se vit, c’est de l’art », insiste-t-elle.
Un avis partagé par Aboubacar Conté, jeune photographe et gérant d’un studio à Coyah.
« Oui, l’IA touche aujourd’hui plusieurs domaines, y compris la photographie. Mais elle ne remplacera pas les photographes. Nous, par exemple, c’est notre deuxième fête depuis qu’on a ouvert. Cette année, on a eu beaucoup plus de clients que l’année dernière. La demande a augmenté, surtout ces derniers jours. Cela montre que malgré la montée de l’IA, les gens continuent de venir chercher l’authenticité et le savoir-faire humain », martèle-t-il.
Mais pour Ibrahima Barry, informaticien, l’IA est bel et bien une menace pour la profession.
« Avec l’IA vous ne payez absolument rien. Il suffit d’avoir une connexion internet et vous lui posez de bonnes questions, il vous donne un résultat impeccable. Et si ça ne vous convient pas, vous avez encore l’opportunité de lui poser d’autres questions. Je crois que c’est une réelle menace. Les images sur les réseaux sociaux en disent long. Si toutes ces personnes payaient un photographe, vous imaginez ce que ça allait faire comme revenus ? », s’interroge-t-il.
Face aux bouleversements technologiques, les photographes guinéens affichent une confiance inébranlable. Pour eux, aucune machine ne pourra reproduire l’émotion, la spontanéité et la créativité qui font l’âme d’une photo.
M’Mah Cissé