Conakry a vibré ce jeudi 13 novembre 2025 au rythme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle, marquant le lancement officiel de la 2ᵉ édition de la Nuit du Cirque, un rendez-vous international consacré aux arts du cirque contemporains. Porté par le CCFG et Circus Baobab, pionnier du cirque africain, l’événement promet une semaine d’effervescence culturelle du 10 au 16 novembre 2025, avec le Maroc comme pays invité d’honneur.
La cérémonie a débuté à 19 h dans la grande salle du Centre culturel franco-guinéen (CCFG), devant un public nombreux et impatient. Elle s’est ouverte par la projection d’un film retraçant le parcours de Circus Baobab, de ses débuts modestes à son ascension internationale.
Le film revenait sur un épisode emblématique : la tenue du premier grand spectacle de cirque à Labé, le 6 mars 2000, et dans d’autres régions du pays. Entre rires, émotions et souvenirs, les invités se sont montrés éblouis, parfois hilares.
La cérémonie s’est déroulée en présence du ministre de la Culture Moussa Moïse Sylla, de la ministre de l’Enseignement technique Aminata Kaba, du représentant de l’Ambassade de France, du représentant du Royaume du Maroc, et de nombreux acteurs culturels.

Fondé en 1998 sous l’impulsion du réalisateur Laurent Chevallier, Circus Baobab est aujourd’hui reconnu comme le premier cirque acrobatique d’Afrique. Issu du Centre national d’art acrobatique de Guinée, il a permis à des dizaines de jeunes, souvent issus de milieux très modestes, de se former, de voyager et de vivre de leur art. Depuis plus de deux décennies, la troupe sillonne le monde avec des spectacles mêlant acrobatie, danse, tradition et engagement social.
Kherfala Camara Bakala, co-fondateur de Circus Baobab, ancien enfant de la troupe, n’a pas caché ses émotions.
« C’est un grand jour pour moi aujourd’hui, pour le lancement de l’école nationale que j’attendais depuis 20 ans. Moi, je viens de la rue. Le cirque m’a tout donné. Grâce à ça, j’ai pu offrir quelque chose à mes parents. L’école qu’on va construire en Guinée, c’est pour créer l’emploi, pour aider la nouvelle jeunesse qui viendra demain. Mon ambition, c’est de développer le cirque non seulement en Guinée mais dans les pays voisins », a-t-il confié
Il rappelle que la Nuit du Cirque se déroule simultanément dans une quinzaine de pays et que la Guinée reste pionnière en Afrique de l’Ouest.

Au nom des ministères de l’Enseignement technique, de la Culture et de la Jeunesse, la ministre de l’Enseignement technique Aminata Kaba salue l’engagement historique de Circus Baobab, qu’elle qualifie de modèle d’inclusion et de réussite sociale.
« Notre jeunesse est la force vive et la fierté de la nation. Le cirque n’est pas seulement un art du spectacle, c’est un outil puissant d’éducation, d’insertion et de transformation humaine », a-t-elle affirmé.
Avant d’ajouter : « Je pense qu’aujourd’hui on parle de Circus Baobab, mais je me rappelle qu’au temps du président Sékou Touré, ce sont les Balais Africains qui payaient les salaires de nos diplomates. L’art et la culture demeurent des socles de notre économie ».

Le CEAC ouvrira ses portes aux jeunes qui n’ont pas pu suivre un parcours scolaire classique, avec plusieurs niveaux de formation adaptés.
Le représentant de l’Agence française de développement, Antoine Cœur Bizot, a quant à lui, souligné l’importance du projet.
L’école compte accueillir 60 apprenants, dont 20 nouveaux chaque année, issus en priorité des milieux les plus vulnérables, ceux qui n’ont souvent jamais été scolarisés. Un choix socialement fort, comme le souligne Antoine Cœur Bizot : « En Guinée, encore trop d’enfants et de jeunes n’ont jamais été scolarisés. C’est à cette jeunesse vulnérable que l’ENASIC veut tendre la main. En ciblant les enfants de 9 à 14 ans hors du système éducatif, l’école contribue à la stratégie nationale de formation alternative et inclusive. Elle leur offrira une seconde chance par la découverte de la discipline, de la rigueur, de l’estime de soi, de la construction d’un projet et de la créativité qu’exige l’art du cirque ».
Au-delà de la formation, l’impact attendu est multiple : sur le plan social, en réinsérant des jeunes talents défavorisés ; sur le plan économique, en créant des emplois directs et indirects ; et sur le plan culturel, en renforçant le rayonnement de la Guinée à l’international. Il conclut en saluant les prix remportés par Circus Baobab à Monte-Carlo et en réaffirmant le soutien de l’AFD.
Mohamed Lamine Bangoura, jeune artiste du groupe Circus Baobab a souligné que « Cette année quelqu’un est venu pour nous aider… Avec la création de cette école, ça peut préparer notre avenir. J’aime ce travail depuis petit car mon père est djely. Beaucoup pensent que ce n’est pas un bon métier, mais Dieu merci, ma famille me soutient maintenant », a-t-il expliqué
Anna Moraes, spectatrice venue du Portugal et directrice de l’association Ideias Peregrinas a indiqué que « Le spectacle était extraordinaire. L’énergie était incroyable. Le cirque est une discipline généreuse qui enseigne la collaboration. Il y a toujours une place pour chacun : acrobaties, aériens, équilibre… C’est une initiative essentielle, pas seulement pour les enfants mais pour toute la société », a-t-il mentionné.

Un spectateur guinéen, très ému a déclaré : « Pour rien au monde je n’allais manquer ça. Bakala, c’est quelqu’un qui fait rêver la jeunesse. C’est comme si tout le poids que j’avais dans la tête est parti aujourd’hui. Merci à lui, merci aux organisateurs ».
La soirée artistique s’est ouverte dans l’obscurité totale de la salle. Puis surgissent les silhouettes d’artistes guinéens, marocains et québécois dans une création collective issue de cinq jours d’ateliers intensifs. Acrobaties, figures aériennes et démonstrations dans un cerceau rythment un tableau puissant sur le dialogue des cultures et des corps, sous les applaudissements du public.

La clôture, prévue le 16 novembre à Gbessia Rond-Point, réunira toutes les compagnies, symbole d’unité, de créativité et de transmission. Cette édition marque un tournant : avec la création du CEAC, la Guinée se positionne comme un pôle majeur du cirque contemporain en Afrique.
M’Mah Cissé


