À Conakry, l’ambiance de la campagne présidentielle contraste fortement avec celle du référendum constitutionnel qui avait, à l’époque, transformé les quartiers de la capitale en véritables scènes de mobilisation populaire. A quelques semaines du scrutin, la ville paraît étrangement calme, presque indifférente, comme si l’enjeu politique avait perdu de son éclat.
Dans plusieurs quartiers de la capitale, notamment à Yattaya Fossidet, dans la commune de Sonfonia l’absence d’animation politique saute aux yeux. Pas de cortèges, peu d’affiches, des quartiers où les slogans électoraux résonnent à peine. Une situation qui intrigue.
Ousmane Baldé, un jeune du quartier, observe ce changement : « Lors du référendum, un ministre de la République nous soutenait, il nous motivait pour faire l’animation. Cette fois-ci, pour la présidentielle, personne ne vient », explique-t-il.
Comme lui, plusieurs jeunes rappellent que l’État avait joué un rôle très visible lors du référendum, suscitant un engouement quasi généralisé.
Cette morosité trouve en partie son explication dans une mesure adoptée par les autorités : l’interdiction faite aux ministres en fonction de participer à la campagne. Une décision qui, selon certains observateurs, a considérablement réduit la présence de l’État sur le terrain.
Dans de nombreux quartiers de Conakry, les populations étaient habituées à voir les membres du gouvernement descendre avec leurs moyens, leurs équipes et leurs relais locaux. Leur absence crée un vide que les partis politiques peinent à combler.
Pour comprendre cette nouvelle donne, nous avons consulté un économiste. Pour lui, cette restriction n’est pas seulement politique : elle s’inscrit dans une logique budgétaire.
« Interdire aux ministres de faire campagne répond probablement à une volonté de rationaliser les dépenses publiques. Lors des précédentes mobilisations, les moyens de l’État ont parfois été mis à contribution, directement ou indirectement. Aujourd’hui, les autorités veulent éviter toute confusion entre ressources publiques et activités politiques », analyse-t-il.
Au-delà des restrictions, d’autres estiment que la faible compétitivité de l’élection pourrait également expliquer cette morosité.
Selon un politologue, que nous avons contacté, « l’un des facteurs majeurs de la morosité actuelle est l’impression partagée que l’issue du scrutin est largement prévisible. L’enjeu n’est pas perçu comme aussi déterminant que celui du référendum, qui touchait directement à la structure même de la Constitution. Et les grands partis ne sont pas de la compétition », a-t-il expliqué.
Les concurrents en lice ne semblent pas non plus en mesure de créer un véritable suspense. Certains manquent de structures solides, d’autres de visibilité nationale. Conséquence directe, la population ressent moins d’urgence, moins d’intérêt.
« Quand les électeurs pensent que le résultat est joué d’avance, la mobilisation s’essouffle automatiquement. C’est ce que nous observons aujourd’hui », conclut le politologue.
N’Famoussa Siby


