Durant la journée d’hier, alors que le festival du Lafidi battait son plein, les résidents du centre de loisirs de Conakry (le belvédère) ont reçu l’instruction de quitter les lieux, avec pour ordre la démolition de ce même centre. Créant ainsi une désolation parmi les résidents. L’intervention, réalisée sans notification préalable, a surpris organisateurs et participants, provoquant une vague d’indignation.
Les traces laissées par les bulldozers sont encore perceptibles sur le site. Le sol est couvert de débris, de gravats et d’objets brisés. Au cœur de ce désordre, nous avons croisé Ibrahima Sory Sylla, qui assure la garde de l’endroit depuis une douzaine d’années. Le visage grave, il nous raconte son désarroi.
« Aujourd’hui, je m’exprime avec une profonde tristesse. Nous sommes certes nombreux à être affectés par cette situation, mais je pense que celle que je traverse depuis hier me particularise. Parce que cela fait 12 ans que je vis ici, je me suis mariée et j’ai eu trois enfants ici, donc toute ma vie se trouve entre ces murs. J’étais à la fois gardien, peintre et cuisinier de cet endroit qui est en train d’être détruit présentement même », soutient-il.
Selon notre interlocuteur, tout serait parti du déploiement des agents de la DATU (directeur national de l’aménagement, du territoire et de l’urbanisme) dans les locaux de l’espace de divertissement le samedi 15 février 2025.
« Ils sont venus aux environs de 15 h, ils ont mis une croix suivie de l’inscription 72 h. Lorsque j’ai aperçu cela, j’ai eu peur. J’ai appelé mon patron qui est actuellement en voyage, je lui ai expliqué la situation. Il m’a rassuré, en disant qu’ils ne vont pas déguerpir parce qu’il a déposé les documents d’ici au ministère de l’Habitat avant de partir. Donc, moi, ça m’a rassuré qu’il soit déjà prévenu. Puisque je n’avais aucune information de ce genre. Et dès qu’ils ont commencé l’opération, j’ai encore rappelé le boss pour le lui dire, mais il ne me dit rien de concret. Il me dit que les autorités ne vont pas déguerpir et que le boulot va reprendre demain. Pourtant, je suis sur le terrain, je sais qu’il n’y a plus rien à faire ici », indique-t-il.
Aujourd’hui, Ibrahima Sory affirme être sans espoir et sans issue. « Dieu est mon témoin, aujourd’hui, je suis sans rien. Cet incident m’est tombé dessus. Je ne m’y attendais pas du tout. Depuis hier, ma famille et moi sommes abandonnés dans la cour comme ça. C’est ici que moi, j’ai passé la nuit. Ma femme a dormi chez l’une de ses amies qui est aussi mariée, donc c’est compliqué. Mais croyez-moi, je suis à bout, je ne compte sur personne et je n’ai personne à qui me fier en de pareils moments. Je n’ai même pas un seul sou, puisque nous n’avons pas encore été payés », confie-t-il, le regard rempli de désolation.
Plus loin, ce père de famille demande au gouvernement de prendre non seulement des mesures nécessaires pour éviter de telles situations à l’avenir, mais aussi de penser à ces Guinéens qui se retrouvent désormais au chômage.
« Je ne suis pas contre le fait qu’il ait déguerpi cet endroit, puisque c’est l’autorité qui a la plupart du temps le dernier mot. Mais je déplore la manière qu’elle a employée en ces temps durs. Certes, jusqu’à hier, Belvédère appartenait à un étranger, mais l’État devait comprendre que ce sont des citoyens guinéens qui y travaillaient majoritairement. Nous n’avons aucun moyen de revendications, donc moi, je m’en remets à Dieu », ajoute-t-il, l’air abasourdi.
JRI de l’ombre