Selon plusieurs conventions internationales et à l’échelle régionale auxquelles la Guinée a souscrit, les filles et les femmes ont le droit de prendre les décisions concernant leurs corps, sans être influencées par leurs familles ou leurs conjoints. Des décisions qui concernent entre autres le choix de leur partenaire, celui du moment où elles peuvent avoir un enfant. Elles ont encore le droit de refuser des rapports sexuels (y compris avec leurs conjoints). Si certains facteurs semblent plus ou moins connaître des avancées, de nombreuses femmes sont obligées de répondre aux besoins sexuels de leurs époux, même quand le désir n’est pas au rendez-vous ; au risque de se faire violenter. Ce qui peut alors être classé dans la catégorie du viol conjugal. Mais comment le sujet est-il appréhendé en Guinée ? Ledjely.com est allé à la rencontre de quelques acteurs concernés.
Mesdames D. et B. sont toutes mariées depuis environ cinq ans. La première – Sénégalaise mariée à un Guinéen et mère de trois enfants – dit n’avoir jamais vécu (directement ou indirectement) le phénomène de viol conjugal. La seconde, elle, à la différence de la précédente, dit en avoir entendu parler mais trouve cela “insensé ». “Pour moi, qui parle de rapport sexuel entre époux, parle de consentement mutuel. La violence, c’est quand les gens se bagarrent », tranche-t-elle.
Pourtant, les Guinéennes ne sont pas à l’abri du phénomène. Selon une enquête du ministère des affaires sociales datant de l’année 2009, “87% de femmes enquêtées avaient été victimes de violence domestique et 49,6% des femmes de 15 à 49 ans avaient été victimes de violence sexuelle commises par leur partenaire habituel ». Si le viol est puni de cinq ans d’emprisonnement à la réclusion criminelle à perpétuité (lorsqu’il est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d’actes de barbarie ; ou lorsqu’il a entrainé la mort de la victime), le viol conjugal, lui, n’est pas mentionné spécifiquement dans le Code pénal guinéen.
Alors pour éviter une mauvaise surprise, les filles et les femmes célibataires doivent chercher à savoir suffisamment sur le comportement de leurs prétendants avant d’opter pour le mariage, estime une nourrisse. “C’est vrai qu’il y a de ces hommes qui ne montrent leurs véritables visages qu’après le mariage. Mais en soulevant des discussions ou des débats, on peut se faire une idée de la personne, afin de s’assurer qu’on soit physiquement et mentalement prête à la satisfaire », conseille-t-elle, déplorant au passage le manque d’initiation progressive des adolescents à la vie de couple.
Dans certains couples, même quand les rapports sexuels sont consentis, ils se font avec violences. Une situation qui amène à se poser des questions sur l’état d’esprit du partenaire, surtout lorsque les violences lors des rapports sexuelles sont suivies de regret et de demande de pardon. Selon Pr. Hassan Bah, président de l’Ordre national des médecins, ces comportements relèvent du sadomasochisme. “Il y a des hommes qui trouvent du plaisir dans les rapports sexuels avec violences. Il y a aussi des femmes qui réclament à être violentées », explique-t-il.
Un cadre juridique à améliorer
Le Code pénal guinéen fait simplement mention de “violences entre époux ». Ce qui n’étonne pas Me Halimatou Camara, avocate au barreau de Guinée, au regard des barrières culturelles. “Quand vous prenez le viol en tant que tel, en tant qu’infractions, le niveau d’application des sanctions laissent à désirer. La plupart des peines ne sont pas respectées. C’est une forme de banalisation du viol lui-même. Le terme viol conjugal n’existe pas dans le Code pénal », souligne-t-elle, précisant que ce sont les articles 239 à 243 du Code pénal qui punissent les coups et blessures volontaires d’un à 20 ans d’emprisonnement.
Cependant, des dispositions du même code semblent donner “des portes de sortie » aux auteurs de violences. C’est le cas de l’article 248 qui stipule que “l’époux victime peut arrêter des poursuites ou l’effet de la condamnation en accordant son pardon, lorsque les violences ont occasionné une incapacité temporaire de travail de moins de 20 jours“.
En dépit de ces manquements juridiques, l’avocate dit renouveler constamment sa contribution lors de ses différentes plaidoiries devant les tribunaux. “Nous interpellons souvent les gens sur la définition du viol. Le viol, c’est lorsqu’on n’a pas le consentement mutuel de la personne. Ce n’est même pas simplement l’acte sexuel. Cela peut même être un objet ou une chose que l’on introduirait (dans le sexe de la personne) sans son consentement », conclut Me Halimatou Camara.
Hawa Bah