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Hausse des prix d’engrais : l’autre difficulté des acteurs agricoles guinéens…

En Guinée, comme dans plusieurs autres pays, les prix des engrais ont connu une forte hausse. Une situation qui s’explique entre autres par la guerre entre l’Ukraine et la Russie, deux grands producteurs d’urée dans le monde.

Gérant de la coopérative agricole Bokhi Dakhamoui, Naby Yaya Camara évolue sur une superficie d’un hectare dans la production d’ananas et d’autres fruits depuis 2019. Pour sa culture, il utilise l’engrais urée et la potasse et durant les 5 à 6 premiers mois de culture, c’est 6 à 7 sacs d’engrais urée pour un hectare qui sont mis à contribution. Ces sacs, au début, obtenus à travers des démenbrements de la Chambre d’agriculture au niveau des préfectures, se font aujourd’hui rares. « A Kindia, il y avait les démembrements de la Chambre d’agriculture qui géraient les stocks que l’Etat envoyait. Donc, sur le terrain à l’époque, en 2019 et 2020, pendant les campagnes agricoles, c’était négocié entre 150 et 200 000 GNF par endroit lorsque ça venait. Et là aussi, il y avait des critères formels que la Chambre d’agriculture officilalise », confie-t-il lors d’un entretien avec Ledjely.com.

Alors qu’aujourd’hui l’engrais se fait rare, il se négocie jusqu’à 700 francs le sac. Un fait imputé à la guerre entre la Russie et l’Ukraine. « J’ai appris il y a trois semaines qu’il y a une quantité qui est venue mais qui n’est pas encore distribuée. Pendant ce temps creux, on achète le sac entre 650 et 700 000 francs l’engrais urée. Ce qui est venu n’est pas encore redistribué, il paraît que la quantité est petite. Donc, il faut encore attendre une autre quantité pour commencer la redistribution (…) J’ai tenté tout récemment de trouver un fournisseur à Dakar qui me parlait de 660 000 FCFA la tonne, sans le transport, sans les frais des centres de manutention », ajoute l’agriculteur.

En attendant de trouver mieux, à un prix supportable ou de pouvoir utiliser de l’engrais bio, la coopérative Bokhi Dakhamoui s’essaie aux engrais foliaire. « Parfois, nous utilisons les engrais foliaires en liquide mais ça aussi, on ne peut pas l’utiliser pendant la saison pluvieuse parce que c’est des engrais en liquide. C’est pendant cette saison sèche qu’on l’utilise. C’est plus économique pour nous et relativement moins cher », précise Naby Yaya Camara.

Agronome, Tidiane Diallo est gérant de Tidiane Agriculture, une entreprise qui importe et distribue des intrants agricoles. La hausse des prix d’engrais lui y fait face depuis l’arrivée de la Covid-19. « Ce qui a fait monter le coût des engrais pratiquement, c’est le Covid-19 et maintenant la guerre en Ukraine. Au moment où on commençait à dire que les prix vont diminuer, c’est en ce moment où il y a eu la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Et l’urée vient de la Russie. Il y a eu rupture parce que c’est eux qui fournissent la matière première. Avec la guerre de la Russie, il y a eu aussi rupture parce que la Russie ravitaille beaucoup d’usines en matières premières. Par exemple avant, on payait une tonne d’urée à 400 dollars. Aujourd’hui, c’est 1 200 et quelques dollars et on dit encore que ça va augmenter. Ça avait déjà atteint le seuil de 1 200, ça a commencé à descendre jusqu’à 1050 et avec la guerre en l’Ukraine, ça commence encore à monter et aujourd’hui, on ne peut pas caler les prix », explique-t-il.

L’agronome assure avoir du mal à s’en procurer, même auprès de ses partenaires qui ne ravitaillent plus qu’eux seuls. « J’ai un patenaire à Dakar qui avait envoyé 15 000 tonnes d’urée. Il a commencé à vendre. Je l’ai appellé il me dit que l’engrais qu’ils ont, le gouvernement sénégalais dit de ne même pas vendre, ils trouvent que les choses ne font que monter au jour le jour », confie l’entrepreneur.

Pour faire face à cette situation,  il fait désormais recours aussi aux engrais bio-fertilisants pour booster la production. « Ces engrais ont beaucoup d’autres petits oligo-éléments qui enrayent le mal. Compte tenu de la cherté des engrais, ces engrais-là sont des produits concentrés. Ils diminuent la consommation de l’engrais chimique. L’autre alternative, c’est de faire des composts », renseigne-t-il.

Aïssatou Bagnan Diallo, fondatrice et gérante de l’entreprise Bagnan Agrobusiness, produit de l’ananas et du gingembre à Koliagbé dans la sous préfecture de Friguiagbé. Depuis plus de trois mois, elle n’utilise plus d’engrais. « Nous avons des problèmes pour trouver actuellement l’engrais au marché. Si tu arrives à retrouver l’engrais, le sac d’urée se négocie entre 600 et 650 000 voire même 700 000 francs guinéens. Même prix que le potasse qu’on ne voit même plus au marché. Ça fait plus de trois mois que je n’ai pas appliqué d’engrais. Mon stock était fini et ce que j’ai trouvé, c’est vraiment cher. Donc, je préfère attendre la pluie. L’année passée on achetait le sac entre 400 et 450 000 francs. Maintenant, ça ne fait que monter », regrette la jeune femme.

Si Aissatou Bagnan Diallo croit que l’Etat doit encourager l’utilisation des engrais organiques et diminuer les coûts et charges pour produire bio, Naby Yaya Camara pense qu’il est du devoir de l’Etat de réglementer le secteur de l’engrais pour que le peu qui vienne aille vers les vrais destinataires, à savoir les agriculteurs locaux. « Le coût auquel on achète ces intrants, c’est très cher. Ce n’est pas que l’engrais qui est utilisé. Il y a d’autres produits phytosanitaires qui sont utilisés sans compter les frais de manœuvre. Tout cela est cher. Donc, si l’État ne cherche pas à réglementer cette histoire de coût d’engrais, ce n’est plus la peine pour nous les paysans de travailler parce qu’on ne peut pas acheter un sac d’engrais à 700 parfois 800 000 et revendre le panier d’ananas à 160 ou 150 000 francs. C’est ça un peu le paradoxe. Le prix des produits phytosanitaires augmente, mais le prix du produit n’augmente pas. En fin de compte, c’est nous qui perdons », souligne le gérant de la coopérative Bokhi Dakhamoui.

Elisabeth Zézé Guilavogui

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