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Levée ou non des sanctions par la CEDEAO : quelles conditions ?

En marge du 36ème sommet de l’Union Africaine tenu à Addis-Abeba (Ethiopie), la Conférence de la CEDEAO s’est concertée pour évaluer la situation politique de ces trois pays (Guinée, Mali, Burkina Faso) en transition. Au terme de cette réunion, les Chefs d’Etat et de Gouvernement ont décidé de maintenir les sanctions initialement imposées à l’encontre de ces régimes militaires survenus dans ces pays depuis 2020. Cette décision suscite beaucoup d’intégration au sein de l’opinion et des observateurs de la vie politique de ses pays et au regard des mécanismes coercitifs régionaux.

Il faut souligner que la condition de levée des sanctions par la CEDEAO est une décision discrétionnaire, compte tenu toutefois de l’évolution de la situation considérée. Ainsi, sur la base des rapports de ses médiateurs et experts et des informations fournies par les ambassadeurs des Etats membres de l’institution communautaire dans ses pays, la CEDEAO peut décider de l’opportunité d’abroger ou de maintenir les sanctions prises contre un Etat, un régime ou contre des personnes traitant avec ces derniers. Au regard de tous ses éléments, il est pertinent de voir dans quelle mesure la CEDEAO décide-t-elle de suspendre, de maintenir ou de lever ses restrictions ?

L’opportunité de suspendre, de maintenir ou d’abroger les sanctions s’apprécie au regard de l’évolution positive ou négative de la situation.

I – Une appréciation positive de la situation

Les instruments de la CEDEAO ne sont pas claire sur les modalités de lever des sanctions imposées contre un Etat ou un régime. Dans la pratique toutefois, l’adoption et l’abrogation des sanctions sont progressives. C’est l’une des caractéristiques d’ailleurs des sanctions intelligentes – les restrictions aux déplacements, le gel des biens et des avoirs financiers, les sanctions économiques et financières partielles. Ces sanctions se singularisent par leur capacité de modulation et d’adaptation en tenant en considération l’évolution dans un sens ou dans un autre : positive ou négative de la situation. Les deux cas n’engendrent pas les mêmes conséquences.

Ainsi, quand la CEDEAO estime que les parties prenantes ont fait des progrès encourageants pour la résolution de la crise, elle peut prendre des décisions tendant à reconnaître ces progrès. Dans ce contexte l’action de l’organisation s’apparente à un accompagnent plutôt que la mise en œuvre de mesures de contraintes. C’est le cas notamment des mesures d’allègement des sanctions consistant soit à lever les mesures contraignantes pour ne maintenir que les sanctions symboliques, soit de suspendre les mesures pour inciter les acteurs à aller au dialogue, à respecter les engagements souscrits dans les accords politiques de sortie de crise. Il peut s’agir également pour l’instance régionale de s’abstenir d’appliquer systématiquement les sanctions les plus rigoureuses pour permettre de rapprocher les positions et de rétablir la confiance entre les parties.

C’est un régime suspensif. Cela ne veut pas dire cependant que la CEDEAO ne contrôle pas ou plus la situation. Il ne se confond pas au régime d’abrogation définitive des sanctions. L’organisation peut réagir à tout moment pour décider de rétablir les sanctions suspendues ou envisager de les renforcer. C’est à la fois une technique incitative et un moyen de pressions sur les destinataires des sanctions. C’est l’attitude de la cible et de l’évolution de la situation qui motiveront la Conférence sur la suite à donner aux sanctions.

A l’opposé d’une situation encourageante, l’appréciation peut s’avérer négative, voire plus préoccupante que la situation initiale.

II – Une appréciation négative de la situation

En général, la mise en œuvre des sanctions par une organisation telle que la CEDEAO laisse toujours la possibilité à la partie incriminée de se repentir et de voir les restrictions à son encontre revues, en cas d’une posture conciliante. Concernant la gestion des changements anticonstitutionnels de gouvernement, l’accent est souvent mis sur la conduite de la transition pour le retour à l’ordre constitutionnel. Les sanctions initiales sont en principe des sanctions symboliques – la suspension de l’Etat concerné à participer aux activités de l’organisation, l’interdiction de tenir une réunion dans l’Etat où intervient un coup d’Etat militaire, l’interdiction de ne pas soutenir les candidatures des ressortissants de l’Etat concerné au sein de l’organisations et dans les autres institutions internationales.

Par ailleurs, les transitions militaires sont strictement encadrées par les instruments de la CEDEAO. En effet, en cas de coup d’Etat dans un Etat membre, il est interdit aux membres de la junte et de leurs collaborateurs de se présenter aux échéances électorales programmées pour le retour à la situation normale. En théorie, il est aussi interdit aux auteurs des putschs militaires de s’occuper des postes de responsabilités dans les institutions politiques de transition. L’effectivité de ce dernier principe se révèle difficile dans la pratique. C’est pourquoi dans la gestion des crises de cette nature, la CEDEAO concilie les mesures des contraintes et les compromis politiques pour des transitions apaisées. C’est dans ce cadre que des accords politiques sont conclus entre les parties au niveau internes ou entre les militaires et la CEDEAO ainsi qu’à ses partenaires.

C’est principalement en cas de non-respect de ses accords ou en cas de retard sur le chronogramme de la transition que la CEDEAO peut décider de maintenir les sanctions. Dans ce cas de figure, la réaction de l’organisation sera défavorable aux régimes visés, car estimant que l’évolution de la situation est non satisfaisante. La nature inclusive ou non de la transition peut servir aussi de base pour suspendre, rétablir où renforcer les sanctions. Il en est ainsi également du chronogramme de la transition, notamment en ce qui concerne la durée.

Des faits nouveaux peuvent aussi survenir et mettre en péril la paix et la sécurité ou rendre la situation initiale plus critique. Face à une nouvelle menace, l’organisation a toute la latitude pour adopter des réponses appropriées afin de réagir promptement à la nouvelle reconfiguration. C’est le cas quand les militaires décident de remettre en cause le principe leur interdisant de prendre part aux élections censées mettre fin à la situation d’exception. Le fait aussi de s’emparer des institutions de transitions conduites par les civiles- « les coups d’Etat dans les coups d’Etat », les « restaurations des transitions » : Mali et Burkina Faso est constitutif de motif pour entreprendre des actions nouvelles, notamment des sanctions supplémentaires plus rigoureuses.

La levée des sanctions n’est pas systématique. L’abrogation des mesures restrictives est progressive comme d’ailleurs l’adoption des sanctions en application du régime de sanctions intelligentes. L’évolution de la situation et l’attitude des régimes sanctionnés sont déterminantes pour apprécier l’opportunité de mettre fin au régime. Cela permet à l’organe compétent de garder le monopole de la pression sur les parties, d’autant plus que la conduite des transitions militaires est marquée par le rapport de forces entre acteurs internes et externes. C’est l’organisation de l’élection présidentielle et la remise du pouvoir aux civils qui mettra fin aux sanctions internationales.

Amadou Lamarane BAH

Doctorant en Droit Public/FSJP/UCAD

Tel : 00221776960011

Email : [email protected]

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