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Afrique de l’ouest : le naufrage continue…

Dans cette région, le geste a été tant répété ces dernières années qu’on en maîtrise les moindres détails. Une poignée de militaires s’autoproclamant plus patriotes que n’importe qui s’invitent à la télévision nationale. Ils annoncent la destitution du président en exercice, la dissolution des institutions, la fermeture des frontières, etc.  Après le Mali, la Guinée, le Burkina Faso, le Niger aussi a basculé. Ce qui, hier matin, a commencé par un blocus des accès menant à la présidence s’est achevé tard dans la soirée par l’annonce du renversement du président Mohamed Bazoum, qui n’aura même pas eu le privilège d’exercer la moitié de son premier mandat. Ici, le prétexte d’un troisième mandat ne peut donc pas exister. Mais les putschistes de notre temps étant plutôt imaginatifs quand il est question de justifier leur irruption indue dans le champ politique, voilà qu’on allègue la « dégradation continue de la situation sécuritaire » et la « mauvaise gouvernance économique et sociale ». Quelle imposture ! Ainsi, une autre junte voit le jour dans cette zone ouest-africaine. Elle se donne pour nom : Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP). Mais en réalité, le colonel major Amadou Abdramane et ses camarades ne sont qu’un autre symbole de la damnation à laquelle notre région est condamnée.

L’espace CEDEAO, une jungle ?

Dans l’espace CEDEAO comprenant 15 pays, il faut désormais compter avec 4 juntes. Si vous y ajoutez la Guinée Bissau, la Gambie, le Cap-Vert, la Sierra Léone et le Libéria qui ne pèsent pas grand-chose, puis la Côte d’Ivoire, le Togo et d’une certaine façon le Benin et le Sénégal dont les dirigeants ne sont plus forcément légitimes pour parler de démocratie, il convient d’admettre que la situation a de quoi inquiéter. Parce qu’en fin de compte, on ne peut plus compter que sur le Ghana et le Nigéria. La préoccupation est telle que l’effet contagion pourrait bien aller au-delà du Niger. Parce que rien n’interdit que les militaires ivoiriens et sénégalais, eux aussi, soient tentés par l’instrumentalisation de la moindre mésentente au sommet de l’Etat, pour s’emparer du pouvoir. La forfaiture est donc en passe d’être érigée en règle. Et même une règle, plus subtile, est en gestion. Celle qui voudrait que nos présidents soient à la solde de nos armées. Bientôt, il ne servira à rien d’organiser des élections dans nos pays. Parce qu’il suffira que le président le mieux élu pose un seul acte qui déplait à la grande muette, pour qu’il se retrouve subitement dépossédé du pouvoir. C’est dire que notre région tend à devenir une jungle où c’est la loi du plus fort qui prévaudra. En soi, c’est là un dévoiement de la mission dévolue à une armée.

L’arnaque à plein nez

Justement, c’est le plus navrant dans cette sombre descente aux enfers. Nos armées, l’incarnation même de nos plus grands maux, ont pris le malin plaisir de sortir subitement du bois pour se poser en sauveurs. Ces militaires si ingénieux quand il est question de prendre d’assaut les palais présidentiels, mais qui se révèlent cruellement inefficaces quand on leur confie la mission de mater l’ennemi au front. Les budgets démesurés alloués à nos armées et dont la gestion n’est jamais contrôlée, à quoi servent-ils en réalité ? Sinon qu’à engraisser et à embourgeoiser des hommes qui se sont davantage illustrés dans la défense et la préservation de nos pires dictateurs ? A qui doit-on les échecs répétés de nos soulèvements et de nos insurrections populaires contre des dinosaures s’étant révélés incapables de répondre aux aspirations de leurs peuples en Afrique ? Encore et toujours à cette armée ! C’est donc curieux que du jour au lendemain, çà et là, sortent de nos casernes de pseudo-révolutionnaires revêtus de la tunique du ‘’patriote’’ et du ‘’démocrate’’. La manœuvre sent l’arnaque à plein nez.

Mêmes stratégies, mêmes résultats

Mais à coup sûr, il y a plus triste que cette manipulation malsaine. Que les Africains, cédant à une certaine émotivité, se laissent abuser par cette supercherie, c’est encore plus désespérant. Parce que d’autres nous ont servi la même recette, avant de nous la faire à l’envers. Mobutu, Bokassa, Idi Amin Dada, Gnassingbé Eyadema, Omar Bongo, Sassou Nguesso, Paul Biya et consorts ne nous avaient-ils pas tenu les mêmes discours ? Ne s’étaient-ils pas tout aussi proclamés en héros et ne nous avaient-ils pas promis de faire de nos pays des paradis sur terre ? Selon les époques et les circonstances, l’un ou l’autre d’entre eux a tenté de nous faire croire que le mal était incarné par tel ou tel autre partenaire du continent. Comme du reste, on l’entend aujourd’hui encore. Mais en fin de compte, ce sont eux avant tout qui nous ont sucé jusqu’à la moelle. Nos déficits et nos insuffisances en matière de santé, d’éducation, de routes, de ponts, …c’est à eux qu’on les doit. Ils ont berné et abusé de la naïveté de nos parents. Et aujourd’hui, c’est nous qui nous laissons enfariner par ceux de notre génération. Rien de nouveau sous le soleil d’Afrique. Les mêmes stratégies conduiront infailliblement aux mêmes résultats. Parce qu’hier comme aujourd’hui, nous y avons réagi de la même façon. Mais avec ça, on se croit intelligents et bien-pensants. Non sans orgueil, on pense être sortis du brouillard, alors qu’on ne fait que s’enfoncer profondément dans l’absurdité. Au service de causes et d’intérêts que nous ne maîtrisons pas toujours, nous croyons faussement que nous travaillons à rattraper le retard que nous avons vis-à-vis de nos rivaux. Une prétention qui ne peut que faire sourire ces derniers. Parce qu’entre eux et nous, le fossé demeurera encore longtemps béant.

Boubacar Sanso Barry

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