Mine de rien, le Sénégal a vécu ce lundi 14 octobre un nouveau symbole du changement de pouvoir qui s’y est opéré en mars dernier. Veillant à renvoyer d’eux l’image du duo qui demeure soudé, le président Diomaye Faye et le premier ministre Ousmane Sonko ont présidé côte-à-côte la cérémonie de lancement officiel de l’ambitieux programme économique intitulé ‘’Sénégal 2050’’. Ainsi donc, la page du Plan Sénégal Emergent (PSE) qui devait courir jusqu’en 2035 est tournée. Place à ‘’Sénégal 2050’’ dédié à un Sénégal « souverain, juste et prospère ». Un plan qui, sur le papier, a tout pour faire rêver. Mais justement, au Sénégal comme ailleurs sur le continent, le défi n’est pas dans la qualité des documents, dans la juxtaposition des belles phrases ou dans l’alignement des promesses mielleuses. Le challenge est plutôt dans la matérialisation de ces belles ambitions pour, dans le cas du Sénégal, offrir aux jeunes des opportunités et des alternatives à l’émigration irrégulière par exemple.
Quatre axes
Schématiquement, le programme ‘’Sénégal 2050’’ va reposer sur quatre axes principaux. D’abord, l’assainissement du cadre économique assorti d’une promesse de transformation locales des matières premières et une diversification de l’économie sénégalaise. Ensuite, le nouvel exécutif du pays promet une prise en compte des questions environnementales à travers une exploitation rationnelle des ressources, en vue de ne pas affecter les générations futures. A l’avant-dernier point, Diomaye Faye et Ousmane Sonko prévoient de travailler à la qualification du capital humain et à l’équité sociale, avec en particulier un accent qui sera sur les déséquilibres des territoires. Enfin, pour réussir le pari, les nouvelles autorités ont estimé qu’on doit repenser la gouvernance, pour notamment en extirper la corruption.
Un Sénégal radicalement nouveau
A la suite de toutes les réformes, les autorités promettent aux Sénégalais un monde radicalement nouveau. D’abord, le PIB par habitant devrait passer de 1660 USD à 4500 USD. Le taux de pauvreté, lui devrait baisser de 37,5 % aujourd’hui, à seulement 10 %, dans 25 ans. Pour ce qui est du volet énergétique, à l’horizon 2050, le Sénégal devrait s’être doté d’une capacité additionnelle de 10 000 MW. Ce qui permettra l’accès de la totalité des Sénégalais à l’électricité, parce qu’entre temps, le prix moyen aura baissé de 110 Fcfa le Kwh aujourd’hui à moins de 60 Fcfa, dans 25 ans. Pour les femmes sénégalaises, les avantages de ce nouveau programme se traduiront notamment par une réduction du taux de mortalité maternelle de 216 décès pour 100 000 naissances vivantes (en 2023) à seulement 70, en 2050.
Le changement, maintenant et tout de suite
Bref, sur le papier, ‘’Sénégal 2050’’, c’est la clé qui ouvre le bonheur absolu au Sénégal et aux Sénégalais. Sauf qu’il faut passer de la planification à la matérialisation. Or, c’est souvent à ce niveau que les choses coincent. Parce que sur le terrain, l’urgence est telle que les populations en général et les jeunes en particulier n’ont pas le temps d’envisager les choses sous forme de perspectives. Le changement, ils le veulent maintenant et tout de suite. En effet, comment peut-on espérer faire entrer ces très belles promesses dans la tête de ces jeunes désœuvrés sénégalais que l’on refoule quotidiennement en mer, alors qu’ils tentent de rallier le paradis européen ? De même, les emplois, les jeunes ne les veulent pas dans 25 ans. Ce serait même étonnant qu’ils attendent cinq ans. La question récurrente du panier de la ménagère relève tout autant de l’urgence.
Biais
D’ailleurs, il y a un biais qu’il convient de relever au sujet de ce programme tout nouveau tout beau. Il est présenté par les autorités comme étant la « déclinaison stratégique du « PROJET », manifeste qui a suscité l’adhésion massive du peuple sénégalais et conduit à l’élection de Son Excellence Monsieur le Président de la République Bassirou Diomaye Diakhar FAYE le 24 mars 2024 ». Qu’on ne s’y trompe pas, le 24 mars dernier, ce n’est pas tant un programme de société que les Sénégalais ont choisi. C’est un pouvoir honni qu’ils ont renvoyé. Cette nuance, il importe de l’intégrer pour une meilleure analyse des enjeux. Diomaye Faye et Ousmane Sonko se rendraient coupables d’une monumentale erreur en partant du principe que les Sénégalais leur sont acquis. Maintenant qu’ils sont aux affaires, ils devront mériter tout. Il serait donc temps qu’ils se mettent au travail et sortent de quelques calculs politiciens comme celui qui a consisté à faire coïncider la présentation de ce programme avec la campagne électorale en vue des législatives du 17 novembre prochain. D’eux, on attend mieux.
Boubacar Sanso Barry