Le drame survenu au stade du 1ᵉʳ avril de N’Zérékoré en décembre 2024, causant des morts et des blessés, continue de susciter des débats. Dans un rapport publié ce vendredi 14 février à la faveur d’une conférence de presse, le collectif des organisations de défense des droits de l’homme parle d’un bilan de 140 morts, 11 cas de disparus, contrairement au chiffre donné par le gouvernement qui parle, jusqu’à date, de 56 morts.
À l’entame de ses propos, Me Christophe Koné, de l’ONG Avocats sans frontière Guinée et porte-parole de circonstance, a indiqué que le rapport fait état des observations, des analyses, des recueils de témoignages auprès des victimes et des parents de victimes, des supporteurs, de personnes ressources, des conseils de quartier et de districts, des rencontres avec certains organisateurs du tournoi, des autorités administratives, des forces de sécurité et du Procureur de la République près le Tribunal de première instance de N’Zérékoré.
Ce document s’inscrit, dit-il, dans la dynamique de faire savoir ce qui s’est réellement passé, de la manifestation de la vérité et de la réparation des dommages causés aux victimes et aux parents des victimes.
S’agissant des causes réelles de cette tragédie, l’enquête révèle, entre autres :
1. Le non-professionnalisme dans l’arbitrage du match ;
2. Les jets de pierre venant de l’extérieur parce que le stade était moins sécurisé par les forces de l’ordre ;
3. L’usage excessif de gaz lacrymogènes par les forces de sécurité contre des spectateurs et non des manifestants de rue et dans un endroit clos ;
4. Les bousculades, les piétinements, l’escalade des murs ;
5. La faible sécurisation du stade par les organisateurs et les forces de sécurité ;
6. Le fait de percuter des spectateurs par des véhicules administratifs et privés ;
7. La non-assistance à des spectateurs en quête de secours.
Depuis la survenue du drame, le gouvernement et plusieurs ONG ont dressé des bilans et chacun a donné un chiffre particulier. Ainsi, à partir de ces listes, pour se rassurer de l’existence de ces victimes, dix (10) enquêteurs du collectif des organisations de défense des droits de l’homme munis de fiches d’identifications individuelles des victimes ont été déployés dans les vingt-deux (22) quartiers de la commune urbaine de N’Zérékoré, dans quinze (15) districts environnants de la commune urbaine et dans certaines sous-préfectures.
Et selon Me Christophe Koné, « les enquêteurs ont travaillé pendant sept (7) jours et ont rencontré les victimes, famille par famille. Il a été dénombré 140 décès, 11 cas de disparus, plusieurs blessés légers et graves et des dégâts matériels importants (véhicules et motos incendiés et d’autres volés, un poste de police saccagé et incendié), des pertes d’autres objets et de l’argent », dit-il.
Au cours de l’enquête, précise le rapport, quatre-vingt-dix-huit (98) victimes et familles de victimes ont réclamé justice et cinquante-huit (58) autres déclarent se remettre à Dieu, donc ne font pas recours à la justice.
Par ailleurs, le collectif des organisations de défense des droits de l’homme composé de plusieurs ONG a fait des recommandations non seulement au Comité national pour le Rassemblement et le Développement (CNRD), mais aussi au gouvernement.
Au CNRD :
- De mobiliser les fonds nécessaires pour apporter une assistance matérielle et financière aux victimes en attendant la tenue d’un procès équitable et juste ;
- De faciliter le travail des organisations humanitaires et des droits de l’homme pour des assistances humanitaires d’une part et la manifestation de la vérité d’autre part.
Au gouvernement :
- De poursuivre la prise en charge sanitaire et totale des blessés, car certaines victimes déclarent encore ne pas avoir reçu de soins nécessaires. Une prise en charge holistique de ces cas serait vitale et nécessaire ;
- De mobiliser des experts pour un accompagnement psychosocial de certaines victimes et parents de victimes traumatisés.
Le collectif rappelle que l’objectif de cette enquête est de faire des recommandations au gouvernement et aux institutions judiciaires de la République de Guinée en vue de tout mettre en œuvre pour la manifestation de la vérité par l’organisation d’un procès juste et équitable et la réparation des dommages causés aux victimes de cette tragédie.
Balla Yombouno