Se laisse-t-il porter par la dynamique des condamnations qui commence à se mettre en place contre le Rwanda ? Ou bien nous ressert-il un simple coup de bluff comme celui de la dernière campagne électorale ? En tout cas, le samedi dernier, le président congolais a de nouveau redit son refus catégorique de dialoguer directement avec les rebelles du M23 qu’il continue d’assimiler à des « pantins » de Kigali. A l’occasion de cette rencontre avec les membres (députés et sénateurs) de sa coalition politique, Felix Tshisekedi a également essayé de renvoyer de lui-même l’image d’un dirigeant qui entend tenir tête à l’ennemi. Pour cela, il promet des changements aussi bien dans l’armée qu’au niveau de son gouvernement et de sa famille politique. Mais c’est à se demander si cette assurance ne rime pas avec un certain déni. Vu que dans l’est du pays, la progression des rebelles appuyés par le Rwanda demeure toujours fulgurante.
Position obsolète
La posture de Félix Tshisekedi a de quoi surprendre. Alors que tous les acteurs qui travaillent à ramener la paix dans son pays ont fini par admettre que sa position de ne pas dialoguer avec le M23 est devenue obsolète, le président congolais continue pourtant à s’y tenir. Discuter directement avec les rebelles, selon lui, cela reviendrait à cautionner l’humiliation de son régime. En soi, ce n’est pas faux ! Sauf que ces rebelles-là ont sans doute acquis le statut de discuter avec lui en ayant réussi en l’espace de quelques semaines, à se rendre maîtres des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Cette réalité, le président congolais doit nécessairement en tenir compte. De même qu’il doit également prendre en compte le sort de ses compatriotes, victimes de cette interminable guerre dont ils ne savent ni les tenants, ni les aboutissants. Des milliers de Congolais qui, à défaut d’y laisser leur vie, se retrouveraient handicapés à vie ou jetés à jamais dans la rue.
Une institution à rebâtir sur de nouvelles bases
L’autre trait de déni qui transparaît du discours du président congolais, c’est cet hypothétique espoir qu’il entretient quant à la capacité des soldats congolais à sonner la riposte. Riposte qui, selon lui, devrait intervenir à la suite de changements qu’il promet d’opérer très prochainement au niveau de la hiérarchie de la grande muette. Qu’il ait pensé à faire le diagnostic pour identifier les tares de ses troupes, c’est déjà très louable de sa part. Mais qu’il sorte des illusions. Ce n’est pas en quelques jours qu’il mènera les reformes requises pour permettre à ses soldats de tenir tête aux troupes de Kigali. Cela requiert plus de temps et certainement plus de ressources. Parce qu’à coup sûr, l’armée congolaise ne souffre pas que de problèmes mineurs. C’est une institution à rebâtir sur de nouvelles bases, un nouvel esprit à insuffler et sans doute avec de nouveaux hommes. En somme, c’est un travail de longue haleine qu’il va falloir abattre. Les objectifs à assigner à la nouvelle institution ne devant pas être en deçà d’un horizon de 10 ans.
Jusqu’aux portes de Kinshasa
Certes, que les Etats-Unis aient adopté des sanctions contre James Kabarebé, le ministre rwandais de l’intégration sous-régionale et Lawrence Kanyuka, le porte-parole politique du M23, a quelque chose de gratifiant pour Kinshasa. On peut y avoir notamment l’impact de l’activisme diplomatique dont les autorités congolaises ont fait montre depuis des semaines. D’autant que les lignes commencent également à bouger – certes plus timidement – du côté de Berlin, Bruxelles et New York. Mais pour encourager ces dynamiques positives, Félix Tshisekedi devrait faire montre d’un peu plus de réalisme, en écoutant toutes les voix qui l’incitent à privilégier le dialogue, dont l’ancien président Joseph Kabila ou encore le secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), Donatien Tsholé. Parce qu’autrement, il n’est vraiment pas exclu que la rébellion poursuive sa dynamique conquérante jusqu’aux portes de Kinshasa.
Boubacar Sanso Barry