L’incident surréaliste de vendredi dernier dans le Bureau ovale n’a impliqué que Donald Trump et J.D Vance d’une part, et Volodymyr Zelensky, de l’autre. Mais tout le monde sait que l’humiliation infligée ce jour-là au président ukrainien par les deux chefs de l’exécutif américain ne concernait pas que sa personne et même son pays. Comme le démontre l’agitation à laquelle nous avons droit depuis le retour de Donald Trump à la Maison centrale, c’est le destin de l’Europe qui se joue désormais. Ce Vieux continent qui a enfanté les puissances colonisatrices du 20ème siècle et qui, aujourd’hui encore, continuent de se comporter avec les Africains avec mépris et condescendance. Qu’elle goûte alors, à son tour, à l’humiliation et au dédain ! Quoique l’Afrique, elle-même, doit en apprendre de cette brouille entre alliés américain et européen.
L’Afrique boit du petit lait
C’est curieux, comme nos confrères européens se réapproprient subitement des termes et expressions qui semblaient jusqu’à récemment davantage inventés pour nous autres du sud et singulièrement de l’Afrique. En effet, à la suite de diverses attitudes adoptées par la nouvelle administration américaine à l’égard de l’Europe, les médias décrivent en retour Donald Trump tour à tour comme un « prédateur » et un « impérialiste ». Quant au ressentiment consécutif qu’éprouvent les Européens, ils se plaignent de « mépris », « humiliation » ou encore « condescendance ». Dans l’absolu, tous ces termes sont appropriés pour décrire le comportement de la nouvelle administration en place à Washington. La seule chose qui change, c’est que ce sont ceux qui s’en rendaient coupables il y a quelques semaines encore qui s’en plaignent aujourd’hui. Comme quoi, les choses évoluent plutôt vite. Du côté africain, on boit donc du petit lait, en découvrant si opportunément toute la fragilité, toute la vulnérabilité de nos amis les Européens. Ceux-là qui se plaisent pourtant à se faire passer pour les supers héros, quand c’est avec nous. Il y a quelques semaines à peine, c’est Emmanuel Macron qui trouvait que l’Afrique fait montre d’ingratitude à l’égard de son pays. Eh bien, le vendredi dernier, c’est exactement le même reproche que le duo Trump-Vance a fait à Zelensky. Et comme on le voit, cela fait mal aussi bien à Paris qu’à N’Diamena. A chacun d’en tirer donc les enseignements qui s’imposent.
La puissance fait toute la différence
Même si, pour l’heure, elle n’est pas directement impliquée dans la crise actuelle entre les Etats-Unis et l’Europe, l’Afrique aurait cependant tort d’envisager les choses uniquement sous le prisme d’un spectateur désintéressé. Certes, dans nos différents pays, les défis se rapportent davantage aux préoccupations basiques. Pour autant, il y des leçons que nous devons tirer de ces chamailleries qui ne doivent pas que nous amuser. Une de ces premières leçons est en fait un rappel d’un principe essentiel dans les relations internationales. A savoir que la puissance fait toute la différence. C’est pour avoir oublié cette implacable vérité que l’Europe se retrouve aujourd’hui humiliée et désemparée. Et son cas doit nous servir d’avertissement. Désirons-nous qu’on nous traite d’égal à égal ? Alors, commençons par intégrer que cette exigence se mérite. Surtout, elle n’est pas un cadeau. Voulons-nous avoir un partenariat reposant sur le principe du gagnant-gagnant ? Assurons-nous d’avoir quelque chose à offrir. Autrement, nous courrons après un fantasme, une quête vaine. Le mérite de Donald Trump est de nous révéler cette implacable vérité de manière crue. A notre tour, montrons-nous à la hauteur du défi en travaillant à notre puissance.
La grandeur de l’Afrique, priorité absolue
Pour cela, ne regardons ni Trump, ni Poutine, ni même Macron ou Xi Jinping. Sur la forme et l’approche, ils sont peut-être différents. Mais dans leurs rapports aux autres, ils obéissent aux mêmes principes. La puissance et l’intérêt de leurs pays respectifs sont les seuls déterminants. Alors, de notre côté, travaillons-y. En commençant peut-être par renforcer notre unité africaine. Parce que l’autre vérité que nous enseignent les débats de ces derniers jours, c’est que la puissance si déterminante a un lien très étroit avec les grands ensembles. Unis, nous bâtirons une économie plus dynamique, une armée plus forte et une influence plus grande et nous pèserons davantage dans la marche du monde. Mais cela suppose qu’aux slogans creux et vœux pieux, on substitue un travail authentique, résultant d’une vision qui érige la grandeur de l’Afrique au rang de priorité absolue.
Boubacar Sanso Barry