Un récent protocole d’accord fixant les prix des denrées de première nécessité a été mis en œuvre entre le gouvernement guinéen en collaboration avec ses partenaires pour favoriser l’approvisionnement du marché national et faciliter le coût du panier de la ménagère en cette période de Ramadan. Afin d’évaluer l’impact de cette mesure, nous nous sommes rendus au marché de Lambanyi, l’un des principaux centres de commerce de la capitale. Si le constat révèle une application effective chez certains commerçants, mais des critiques persistent.
Dans le protocole d’accord signé entre le gouvernement et ses partenaires, dans la ville de Kankan, le prix du sac de riz de 50 kg, 5 % brisures, est fixé à 295.000 GNF ; quant au riz blanc de 50 kg, 25 % brisures, il est fixé à 290 000 GNF. Le sac de sucre de 50 kg à 350.000 GNF ; le bidon d’huile CIAO de 20L est fixé à 305.000 GNF. Quant au sac d’oignon de 25 kg, il devrait se négocier à 200.000 GNF et le poulet 10 kg à 280.000 GNF.
« À trois semaines du mois de Ramadan, moi, je suis allé faire mes achats à Madina pour stocker à l’occasion. Et apprendre le protocole d’accord et de fixation des prix du gouvernement nous impacte beaucoup. Le sac de riz que moi j’ai pris à 295.000 GNF à Madina pour revendre au prix habituel, maintenant on me demande de le revendre au même prix, voyez-vous la perte que ça engendre dans mon commerce », explique Amadou Baïlo Diallo, le visage attristé, avant d’ajouter : « moi je pense que, vu qu’il y avait la volonté, le gouvernement devait l’annoncer à un mois ou à trois semaines du mois de ramadan, ça aurait moins impacté nous vendeurs. Maintenant que c’est fait, nous n’avons aucune issue, si ce n’est de nous soumettre à la décision ».
Dans ce marché, de loin, on entend les vendeuses à la quête de la clientèle. Pour en attirer le maximum, toutes les stratégies sont nécessaires. « Venez prendre vos tas de tomates à 15.000 GNF et votre boîte de piments à 10.000 GNF aujourd’hui. Il ne reste plus beaucoup, venez ! », crie une vendeuse au milieu de la foule.
Interrogée par notre équipe, elle explique que les prix des légumes et des aubergines sont abordables. Cependant, elles déplorent la faible affluence dans le marché.
« Le prix des légumes et des aubergines sont très favorables en ce moment, je vous assure, surtout le piment et la tomate, il y en a en grande quantité. Mais croyez-moi, il y a une faible clientèle. Tu vois comment la table est remplie, pourtant il est 16 h comme ça. Et je n’ai même pas vendu 100.000 GNF. Ça, c’est une difficulté pour nous parce que c’est quand les gens viennent acheter que nous pouvons nourrir nos familles », explique Fatoumata Koundouno, vendeuse de légumes.
De son côté, Fatoumata Camara, en plus de la rareté de la clientèle qui l’affecte considérablement, dénonce également l’augmentation des prix de la taxe.
« Nous sommes dans ce marché, au-delà de la faible affluence de la clientèle, le syndicat de ce marché a augmenté le prix des billets de table à 2000 GNF. Moi, j’ai trois tables ici, vous vous imaginez, je suis contrainte de payer 6000 GNF tous les jours, soit 180.000 GNF le mois. Déjà, qu’on arrive à peine à écouler nos marchandises, si on déduit aussi ce montant de nos gains, avec combien nous retrouvions-nous à la fin du mois ? Avant, on ne payait que 1000 GNF, mais aujourd’hui 2000 GNF. Qui sait, demain, ils pourront aussi aller à 3000 GNF ou 5000 GNF », souligne Fatoumata Camara, vendeuse de feuilles et d’épices.
Au milieu des étals colorés, un sentiment d’amertume se fait sentir chez les vendeuses de poissons. Elles se disent marginalisées par ce protocole d’accord qui ne prend pas en compte ce secteur. Celui-ci ne bénéficie d’aucun soutien de la part des autorités, soulignent-elles. Elles dénoncent l’absence de considération pour leur activité, laquelle, selon elles, est essentielle à l’alimentation des Guinéens.
« C’est comme si notre secteur ne comptait pas. Pourtant, même si tu as du riz et de l’huile. S’il n’y a pas de poisson pour garnir la nourriture, ce n’est pas la peine. Le gouvernement a baissé les prix des autres denrées, mais et nous ? Il n’y a eu aucune décision pour faciliter notre activité qui est fortement taxée. Et c’est dommage, franchement », se désole Aïcha Sylla, vendeuse de poisson.
Foulematou Soumah renchérit : « Là où nous prenons le poisson, du jour au lendemain, les prix augmentent. Et quand nous ramenons au marché pour revendre, les quelque 5 ou 10 % que nous rajoutons pour avoir des bénéfices sont aussi critiqués par les acheteurs. Par exemple, ce matin, j’ai reçu une dame qui m’a demandé de lui revendre mon poisson à 10.000 GNF, alors que moi, je revends cela à 18.000 GNF parce que je l’ai pris à 22.000 GNF. Elle n’a pas accepté, je lui ai alors demandé de prendre deux poissons à 25.000 GNF. Elle a dit qu’elle n’a pas cette somme et finalement elle n’a pas acheté, et ça, c’est un exemple parmi tant d’autres qui décrit notre quotidien ici ».
Si l’initiative d’encadrer les prix des denrées de première nécessité est un pas important pour assurer l’accessibilité des produits de base à la population, toutefois, d’autres observateurs estiment qu’il est crucial que ces mesures soient accompagnées d’une communication transparente et d’une stratégie de suivi des prix dans les marchés.
JRI de l’ombre