Condamné à quatre ans de prison et à une amende de 10 millions de francs guinéens pour détournement de deniers publics et corruption, Amadou Damaro Camara, ancien président de l’Assemblée nationale, comparaissait ce jeudi 10 avril 2025 devant la chambre de jugement de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), dans le cadre de son procès en appel.
Lors de l’audience, le juge Daye Mara a interpellé l’accusé sur les circonstances de sa comparution devant la CRIEF. Damaro Camara a répondu qu’une lettre anonyme attribuée à feu Louceny Camara, ancien président de la commission des infrastructures de nationale, avait déclenché les poursuites à son encontre.
Dans son explication, il raconte :
« Louceny Camara était président de la commission infrastructures. Un jour, je lui ai remis un chèque de 900 millions GNF pour le paiement d’un marché avec l’entreprise de M. Kim. Par la suite, M. Kim m’a contacté pour me dire que Louceny lui avait demandé de l’argent. Il m’a dit : “Je ne veux pas de ce marché, je ne gagne rien, et voilà que votre envoyé me demande un pot-de-vin.” Je lui ai répondu de ne rien lui donner ».
Selon Damaro Camara, deux semaines plus tard, il a remis de nouveau 900 millions à Louceny Camara pour les transférer à l’entreprise. Louceny aurait perçu 20 millions de la part de M. Kim, justifiant ce geste par un déplacement prévu à Macenta.
« Lorsqu’il me l’a avoué, j’étais furieux. J’ai dissous la commission, c’était ma manière de les sanctionner », dit-il.
D’après lui, cette décision n’a pas plu à Louceny Camara, qui aurait ensuite adressé une lettre au président Alpha Condé, l’accusant de vouloir détourner 15 milliards GNF avec certains collaborateurs.
« Le Pr Alpha Condé (ancien président) m’a convoqué en présence de membres du bureau et de présidents de commissions – certains sont dans cette salle. Il m’a dit : “J’ai reçu une lettre, je suis obligé de prendre mes dispositions.” Je lui ai dit de faire ce qu’il juge nécessaire », soutient-il.
Il poursuit :
« Après le 5 septembre, Louceny relance l’affaire avec une autre lettre anonyme. On m’a convoqué à la gendarmerie. Trois semaines d’enquête plus tard, le rapport concluait qu’il n’y avait rien contre moi. Mais le 27 avril, alors que je devais me rendre au champ, on m’a rappelé pour signer le procès-verbal. Ce jour-là, on m’a conduit à la CRIEF à 11h30. On m’a fait attendre sur une petite chaise dans le couloir jusqu’à minuit trente ».
Il raconte aussi un appel reçu de son fils, basé à Paris :
« Il m’a dit : “Papa, Akumba vient d’annoncer que tu seras en prison aujourd’hui. Il dit que le ‘gros poisson’ ira à la maison centrale, et qu’on est même en train d’y repeindre ta cellule.” »
Damaro affirme avoir été surpris de son placement en détention. « À minuit trente, on m’annonce que l’audience est ouverte. Je dis au juge que je suis épuisé. Ils me présentent une liste d’accusations : propriétés, comptes bancaires, mines… À 1h du matin, je suis transféré à la maison centrale », conclut-il.
Aminata Camara