L’ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats de Guinée, Me Mohamed Traoré, a été enlevé dans la nuit du samedi 21 juin à son domicile, avant d’être violemment brutalisé par des individus non identifiés. Deux jours plus tard, c’est un homme marqué mais digne qui s’adresse au public à travers un message sobre et lourd de sens : «Je voudrais donc faire une pause par respect pour ma famille et mes amis qui insistent pour que je fasse comme tout le monde ».
Un silence forcé, imposé non par la volonté mais par la violence. Me Traoré, connu pour son engagement sans faille en faveur de l’État de droit et de la justice, devient aujourd’hui un symbole de la fragilité des libertés fondamentales dans notre pays.
Ce retrait temporaire, dicté par l’inquiétude de ses proches, sonne comme un signal d’alarme. Quand ceux qui défendent la loi sont à leur tour privés de leur sécurité et de leur droit à la parole, c’est toute la République qui vacille.
Ci-dessous, son message :
Chers tous
Je voudrais vous remercier très sincèrement, en mon nom et au nom de ma famille, pour vos très nombreux témoignages de compassion à travers vos visites à mon domicile, les appels téléphoniques et autres. En dépit des sévices que j’ai subis, je parviens à recouvrer ma santé grâce à mes médecins et surtout grâce à votre soutien moral. J’ai compris que ma famille et moi ne sommes pas seuls dans cette épreuve.
Comme je l’ai dit à mes confrères, je peux m’estimer heureux car j’aurais pu connaître un sort bien plus triste au regard de ce qui est arrivé à d’autres compatriotes.
Je reste convaincu cependant que « rien ne nous atteindra sauf ce que Allah a prescrit pour nous. Il est notre Maître. C’est en Allah que les croyants mettre leur confiance».
Je reste convaincu aussi qu’il n’y a de force et de puissance qu’en Allah.
Ceux qui ont agi ont voulu non seulement me faire du mal mais aussi et surtout me briser moralement. Je savais que j’étais dans la ligne de mire de certains à cause de mes prises de position. Mais au fond de moi, je ne pensais commettre aucun crime en m’exprimant sur la conduite des affaires de mon pays comme cela est permis à tout citoyen. C’est pourquoi, j’ai continué à m’exprimer en dépit des conseils qui m’ont été prodigués par mes parents et mes amis. Je vois que ce sont eux qui avaient raison.
Mais une chose reste claire, le destin n’appartient qu’à Dieu.
Je voudrais donc faire une pause par respect pour ma famille et mes amis qui insistent pour que je fasse comme tout le monde. En voyant mes enfants pleurer et ma fille aînée giflée par un de mes ravisseurs qui n’a pas pensé un seul instant qu’il pouvait avoir une fille du même âge, j’ai compris que je les mettais en danger sans qu’ils n’aient eux-mêmes cherché cela.
Ils ne sont pas même conscients de mon engagement. Ils ne devraient donc pas en subir les conséquences.
Je remercie et rend hommage à mon épouse qui, pendant ces instants de brutalité, a fait d’une sérénité insoupçonnée pour gérer la situation et a même eu le temps de faire deux rakats (deux unités de prières) pour implorer la protection divine car en ce moment Seul Dieu pouvait nous protéger.
Encore une fois, merci à toutes et à tous.
Maître Mohamed TRAORE