ledjely
Accueil » Nigéria : et si la menace de Trump avait un mérite ?
A la uneAfriqueEDITOInternationalMonde

Nigéria : et si la menace de Trump avait un mérite ?

Les accusations formulées par le président américain, selon lesquelles les citoyens chrétiens seraient systématiquement ciblés au Nigeria, ne reposent sur aucun fondement sérieux. On imagine aisément que Donald Trump, dans une croisade plus pernicieuse que le mal qu’elle prétend combattre, se laisse influencer par quelques ultras de son camp. Pour autant, il serait irresponsable de minimiser l’ampleur de l’insécurité qui ravage aujourd’hui le Nigeria. Même si aucune religion n’est spécifiquement visée par les assaillants et preneurs d’otages, la situation actuelle n’est pas digne du statut que prétend incarner ce géant africain. Face aux enlèvements à répétition perpétrés par des bandes criminelles, Bola Tinubu doit agir, avec ou sans les menaces de Trump. Garantir la sécurité nationale relève des missions régaliennes de l’État, et aucune pression extérieure — fût-elle américaine — ne devrait être nécessaire pour le rappeler aux autorités nigérianes.

Paradoxalement, les accusations du président américain ont au moins un mérite : celui de réveiller Bola Tinubu et l’ensemble de la classe dirigeante nigériane. Depuis des années, l’insécurité ne cesse de s’aggraver dans ce pays pourtant présenté comme l’une des locomotives économiques du continent. D’abord portée par l’extrémisme de Boko Haram, avec son cortège d’attentats meurtriers, la violence s’est ensuite généralisée à la faveur du délitement progressif de l’État. Devant l’inaction des autorités et la fatalité qu’elles semblent opposer à la spirale de violences, d’innombrables jeunes désœuvrés ont rejoint les rangs des preneurs d’otages, attirés par la promesse de gains rapides et les discours simplistes de chefs jihadistes. Le pays est ainsi passé des attentats idéologiques aux enlèvements lucratifs, alimentés par le paiement systématique des rançons.

Les derniers événements en date illustrent à quel point l’État est débordé. Pas moins de quatre enlèvements ont été signalés en une seule semaine, totalisant près de 400 disparus. Parmi eux, les 303 élèves et enseignants de l’école Saint Mary, dans l’État du Niger, kidnappés le 21 novembre par des hommes armés. Quatre jours plus tôt, une cinquantaine de jeunes filles avaient été enlevées dans un lycée de l’État de Kebbi avant d’être finalement libérées. Mais ces libérations ne devraient même pas être une source de soulagement. Car ces enlèvements ne devraient tout simplement pas exister.

Entendre de telles nouvelles en provenance de la Libye, pays livré au chaos, serait presque compréhensible. Mais qu’un État doté des ressources, du poids diplomatique et de la structure institutionnelle du Nigeria laisse l’insécurité devenir un phénomène structurel témoigne d’un grave déficit de gouvernance et d’une volonté politique défaillante. Le problème dépasse largement la simple question des moyens matériels : c’est une démission de l’État.

Dans ce contexte, la sortie maladroite de Donald Trump trouve presque une justification : nos dirigeants, trop souvent sourds aux revendications légitimes de leurs citoyens, semblent soudain prompts à réagir lorsqu’une voix étrangère — surtout occidentale — les interpelle. A défaut d’écouter leurs peuples, ils se montrent étrangement réceptifs aux injonctions des puissances extérieures. Une attitude qui, en elle-même, résume la profondeur du malaise.

Au-delà des déclarations tapageuses venues de l’étranger, c’est au Nigeria lui-même qu’il revient de rétablir l’autorité de l’Etat et d’assurer la sécurité de ses citoyens. Car les violences et l’insécurité qui s’installent depuis des années ne se limitent plus à fragiliser des communautés : elles érodent profondément l’image du pays et infligent au « géant de l’Afrique » une forme d’humiliation dans le concert des nations. Le Nigeria peut bien disposer des atouts que lui confèrent sa démographie, ses vastes terres agricoles ou ses ressources pétrolières et minières ; tant que l’insécurité ne sera pas enrayée, aucun de ces potentiels ne pourra réellement se concrétiser, ni pour ses dirigeants, ni pour les millions de citoyens qui en attendent un mieux-être. Le véritable enjeu n’est donc pas de répondre à Trump, mais de répondre enfin aux exigences d’un peuple qui vit depuis trop longtemps sous la menace et qui attend de l’Etat autre chose que des promesses : une sécurité effective, condition première de tout développement.

Boubacar Sanso Barry

Articles Similaires

CAN 2025 : le TAS déboute la FEGUIFOOT face à la Tanzanie

LEDJELY.COM

Nouvelle pénurie d’essence : files interminables, marché noir en hausse, SONAP silencieuse

LEDJELY.COM

Afrique-Europe : le renouveau à marche forcée

LEDJELY.COM

Guinée-Bissau : le scrutin de la consolidation ?

LEDJELY.COM

N’zérékoré : un carnaval géant pour inaugurer la Saison touristique 2025-2026

LEDJELY.COM

$99 millions de Baowu : « Ne vous inquiétez pas… », rassure Bah Oury

LEDJELY.COM
Chargement....