La Guinée traverse une asphyxie monétaire qui divise jusqu’au sommet de l’État. D’un côté, le Gouverneur de la Banque centrale plaide pour l’injection massive de billets. De l’autre, le Premier ministre dénonce une illusion dangereuse. Samedi dernier, dans un entretien exclusif accordé à Le Punch, le chef du gouvernement a sèchement désavoué la solution proposée par le patron de la BCRG. Face à ce bras de fer institutionnel, Ledjely.com a sollicité l’avis d’un spécialiste des questions économiques afin d’éclairer l’opinion.
« Premièrement, il n’existe actuellement aucune crise de liquidité à proprement parler. J’aurais été en accord avec le PM s’il avait évoqué un manque de billets de banque dans le circuit économique », explique-t-il. « Il est important de rappeler que la monnaie de banque centrale, autrement dit les billets, ne constitue qu’une partie de la liquidité. La liquidité englobe l’ensemble des moyens de paiement disponibles dans une économie : billets, dépôts bancaires, transferts électroniques, monnaie électronique, etc. Il est donc incorrect de réduire ou de généraliser la notion de liquidité à la seule monnaie fiduciaire », a-t-il indiqué.
Deuxièmement, poursuit-il, « il ne s’agit pas d’une crise de confiance entre la BCRG (Banque Centrale de la République de Guinée) et les banques primaires, mais plutôt d’une crise de confiance entre les banques commerciales et les agents à capacité de financement (notamment les détenteurs de dépôts). Ce sont des commerçants, entreprises ou particuliers qui refusent de déposer leurs fonds dans les banques commerciales, ce qui entraîne un manque de liquidité fiduciaire dans le système bancaire. Il est évident qu’une crise de confiance s’est installée entre les banques primaires et les agents à capacité de financement, conséquence directe des démarches entreprises par la CRIEF, la Direction générale des Impôts, la BCRG et d’autres institutions », a-t-il affirmé.
S’agissant de la commande de nouveaux billets par la BCRG, l’expert nuance : « l’injection de nouveaux billets GNF dans l’économie ne conduit pas forcément à une augmentation de la masse monétaire en circulation, à condition que des mesures adéquates soient prises par la BCRG, telles que le retrait de billets anciens. En d’autres termes, si le volume de billets retirés est égal à celui des nouveaux billets injectés, il n’y a pas d’augmentation de la masse monétaire. Bref, l’émission des nouveaux billets de GNF ne devrait pas entraîner d’inflation, à condition que des mesures appropriées soient prises pour ne pas augmenter la masse monétaire en circulation ».
Pour sortir durablement de cette crise, notre interlocuteur préconise un ensemble de réformes :
- Renforcer la protection des dépôts et des droits des clients ;
- Accorder des incitations fiscales aux banques qui financent les secteurs stratégiques ;
- Mettre en place des mécanismes rapides et accessibles de règlement des litiges bancaires ;
- Lancer des campagnes de sensibilisation sur les droits et obligations des clients ;
- Supprimer le taux d’intérêt appliqué aux retraits auprès de la BCRG pour soutenir le pouvoir d’achat.
En clair, la crise actuelle ne résulte pas seulement d’un manque de billets, mais d’un profond déficit de confiance dans le système bancaire. Et sans mesures structurelles, le simple recours à l’impression de nouveaux billets restera une solution de court terme.
N’Famoussa Siby


