A travers une conférence de presse qu’elle a animée ce mercredi 19 octobre 2022 à son siège, à Conakry, l’Associations des Blogueurs de Guinée (ABLOGUI) a lancé le projet « Nfoulen » qui veut dire « libère-moi » en langue malinké ce mercredi 19 octobre 2022. Pensé dans le contexte de la crise sociopolitique survenue entre 2019 et 2020 suite à la décision de l’ex-président Alpha Condé de briguer un troisième mandat, le projet a tardé à démarrer contenu coup d’État intervenu en Guinée le 5 septembre 2021. Mais suite à la prise de certaines décisions restrictives, notamment l’interdiction des manifestations politiques, par la junte militaire dirigée par le colonel Mamadi Doumbouya, la faîtière des blogueurs et web-activistes guinéens a décidé de procéder à sa mise en œuvre.
Financé par la fondation Open Society (OSIWA), le projet Nfoulen, visait initialement à documenter les répressions meurtrières et violentes des manifestations contre le troisième mandat de l’ancien président Alpha Condé. Alors que les premiers mois de la transition furent marqués par le retour de l’accalmie et l’amélioration des libertés individuelles et collectives, ces derniers temps des mesures restrictives ont été prises par les autorités de la transition (interdictions des manifestations politiques, dissolution du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), convocation et suspension de journalistes par la Haute autorité de la Communication, répression des manifestations organisés pour demander le retour à l’ordre constitutionnel…). « Ces actions nous ont ramenés à peu près à l’époque où on était quand le projet avait été conçu. Récemment donc on s’est dit au sein de l’ABLOGUI qu’il y a de nouveau l’opportunité de relancer ce projet, car la nécessité de documenter les actions qui entrent dans le cadre de la restriction de l’espace civique est là », a expliqué Thierno Diallo, responsable du projet de la plateforme nfoulen.org.
Selon lui, l’objectif globalement de ce projet est de faire le monitoring sur l’espace civique en Guinée en répertoriant dans la mesure du possible les violations des droits humains et ceux des acteurs impliqués dans l’espace civique, en rapport avec la situation sociopolitique du pays. « Dans l’ordre des objectifs spécifiques, le projet vise à alerter sur les atteintes à la liberté d’association et de manifestation sur la place publique en Guinée, à alerter sur les violations des droits des citoyens, la liberté d’expression, notamment des réseaux sociaux et à créer des réseaux de soutiens au niveau national, régional et international », a-t-il précisé ajouté.
A l’occasion de cette conférence de presse, ABLOGUI a également publié le rapport de son étude intitulée “Les OSC guinéenne et la restriction de l’espace civique entre 2019 et 2021“, menée dans le cadre justement du projet NFOULEN. Une étude qui a concerné des associations, des réseaux et plateformes d’associations constituées depuis plus de 2 ans. L’administration exécutive a aussi été soumise au questionnaire. « L’objectif de cette étude était de contribuer à la documentation des défis de la libéralisation. Nous avons fait un focus sur la liberté d’association (…) Pour la partie qualitative, nous avons sollicité 57 organisations de la société civile guinéenne de façon plus ou moins aléatoire. 37 ont répondu. Pour la partie qualitative, 18 organisations dont une partie a répondu à nos questions », a détaillé Alfa Diallo, le président de l’ABLOGUI.
D’après l’activiste, cette étude révèle que le problème lié à la restriction de l’espace civique en Guinée est dû en grande partie à un manque de volonté de respecter le cadre légal qui, de façon réglementaire, encadre les activités de l’espace civique. « Cette perception est partagée par 51,5% des participants à l’enquête ; contre 46% qui pensent qu’il n’y a pas eu de violation de ce cadre. Selon 33,3% des participants à notre enquête, les dépositaires de l’autorité publique ayant violé ce cadre ne sont pas punis ; contre 66,3 % qui pensent que la punition n’intervient que quelques rares fois et 1% qui estime qu’ils sont punis », a souligné M. Diallo.
Suite à la présentation des résultats de cette enquête, des recommandations ont été faites, surtout à l’endroit du gouvernement, de l’appareil judiciaire, de l’organe législateur (CNT/parlement), etc. « A l’endroit du gouvernement, nous avons formulé des recommandations qui sont, entre autres : le respect des dispositions juridiques liées à l’espace civique, notamment le droit à la manifestation ; le réforme du système de délivrance des agréments (à défaut de le supprimer, instaurer un agrément sur une plus grande durée) ; instaurer un dialogue permanent avec les acteurs de l’espace civique ; renforcer la formation des forces de défense et de sécurité sur la gestion de manifestations, notamment violentes », a lancé Felix Dounia Milimono, co-auteur de cette étude dont le rapport intégral est accessible ici.
Aliou Nasta