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Crise en Guinée : un seul remède appelé ‘’humilité’’

Au-delà d’une grève, c’est un ras-le-bol général que les Guinéens expriment à travers la paralysie qu’ils impriment au pays depuis ce lundi 26 février 2024. Bien sûr, la détention de Sékou Jamal Pendessa, le secrétaire général du SPPG, est inadmissible. L’enfer que vivent les médias depuis trois mois, lui aussi, a quelque chose de révoltant. Quant à la restriction de l’accès aux réseaux sociaux dont le pays sort à peine, elle a aussi contribué à l’exaspération généralisée. La dégradation de la desserte électrique et la récente hausse des prix des denrées de grande consommation, en ce qui les concerne, viennent boucler la boucle. Il y a donc des raisons objectives susceptibles de rendre compte de la très grande adhésion des Guinéens au mot d’ordre de grève du Mouvement syndical guinéen. Mais derrière ces raisons que tout le monde peut facilement identifier, il y a surtout une attitude et une posture dont ces raisons sont la manifestation. Il s’agit de l’arrogance dans la conduite du pays. Aucune humilité, nulle concertation, cela vous conduit à vous mettre à dos tout le monde.

Les êtres humains ont en partage un sentiment – l’amour-propre – qui les prédispose à ne pas toujours admettre les caprices et l’humiliation de l’autre. Certes, ce sentiment est plus développé chez les uns que les autres, mais il est établi que tout le monde en a. Renvoyant aussi à l’estime de soi, cet amour-propre, nourri par la dignité et l’honneur qu’on a de soi-même, fait que de manière instinctive, on est préparé à ne pas accepter qu’on nous banalise, qu’on nous prenne pour moins-que-rien, qu’on soit condescendant avec nous. A l’inverse, notre égo est flatté quand on est grandi, valorisé, consulté ou encore associé. Et ces sentiments n’ont rien de partisan, d’ethnique ou de régionaliste et ne sont pas toujours d’essence matérielle. Ils sont authentiquement humains. Et c’est pour les avoir niés ou ignorés que les autorités de la Transition se retrouvent aujourd’hui à devoir gérer la plus grande fronde sociale de ces dernières années.

Parce que le fond du problème, il est bien là. C’est l’explication à l’incroyable évolution qu’il y a eu entre l’unanimité qui se dégageait en faveur de la junte au lendemain du 5 septembre, et celle qui émerge aujourd’hui contre le CNRD. Tout au début, il y en a qui voulaient y croire et qui offraient authentiquement leurs services. On en a aussi qui ont objectivement critiqué, dans l’espoir que cela induirait des corrections salutaires. Mais en face, les autorités ont très souvent répondu avec suffisance, dédain et mépris. Surfant sur l’euphorie qui les avait accueillies, elles se sont enfermées dans une bulle, en décidant de tout et toutes seules. Ainsi, les nombreux mémos transmis par les acteurs sociopolitiques ont été royalement ignorés. La charte de la Transition élaborée sans aucune concertation, le CNT composé selon leurs seuls critères, le chronogramme élaboré en leur seul sein. Puis, dans le sillage de décisions de mises à la retraite massives de fonctionnaires et d’officiers supérieurs ayant contribué à décapiter l’administration, le CNRD engageait des poursuites contre les anciens collaborateurs d’Alpha Condé, sur fond d’actions-spectacles. Dans la même veine, Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré notamment étaient violemment sortis de leurs domiciles respectifs, au nom d’une campagne de récupération des domaines de l’Etat, sans aucune forme de procédure. A contrario, on recrutait dans la foulée de jeunes cadres d’ici et d’ailleurs dont on se rend compte aujourd’hui qu’ils ont fait valoir des CV gonflés pour les besoins de la circonstance.

A chaque étape, des voix s’élevaient pour attirer l’attention sur les risques pouvant découler des mesures cavalières. Mais au mieux, c’est le silence qu’on réservait à ces alertes. La répression judiciaire et policière aidant, les voix dissonantes se faisaient concomitamment rares. Ce qui décuplait le sentiment de toute-puissance des autorités. C’est ainsi qu’on en est venu à la dissolution du FNDC, aux nombreuses menaces de retrait des agréments des partis politiques, à l’interdiction systématique des manifestations sur la voie publique, puis aux coupures d’internet, au musellement de la presse et même au fait inédit pour les autorités d’accompagner l’augmentation récente des prix des denrées de grande consommation. Pendant ce temps, des quartiers de la capitale Conakry et des villes de l’intérieur, s’élevaient les complaintes de compatriotes peinant à joindre les deux bouts. Mais quiconque se hasardait à les répercuter sur la place publique, passait pour un opposant guidé par la frustration. Quant au retour à l’ordre constitutionnel, le principal chantier de la Transition, il est devenu évident, au gré de l’évolution des choses, que ce n’était plus une priorité.

Dans un tel contexte, l’arrestation et la détention de Sékou Jamal Pendessa a été une goutte d’eau de trop d’abord pour le mouvement syndical. D’autant qu’aux premières demandes que les syndicalistes avaient formulées en faveur de la libération du secrétaire général du SPPG, la partie gouvernementale a encore répondu avec indifférence. Et là, ce sont les citoyens tout simplement qui ont trouvé que c’en était trop. Qu’il fallait envoyer un message au CNRD ! Parce que loin de les rassurer, ce dernier est devenu pour eux une source d’inquiétude.

Boubacar Sanso Barry     

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