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Investiture : l’Afrique se presse aux pieds de Kagamé

Paul Kagamé, c’est manifestement comme le vin. Il se bonifie avec la durée au pouvoir. Généralement en Afrique, un président qui a déjà passé trente ans aux affaires et qui s’apprête à reprendre ses fonctions pour la quatrième fois, qui plus est à la suite d’une élection qu’il a remportée avec un score de plus de 99 %, c’est un peu la risée de tout le monde. Mais pour le président rwandais, c’est tout le contraire. On croirait qu’il en est à son tout premier mandat. Un stade de 45 000 places plein comme un œuf. Des dizaines de dignitaires dont des chefs d’Etat venus des quatre coins du continent africain. Ce dimanche 11 août, au-delà d’une investiture, c’est au plébiscite de son leadership que Paul Kagamé a eu droit. Ce qui peut être aussi surprenant qu’inquiétant, pour une Afrique justement à la croisée des chemins.  

Le débat est sans fin ! Paul Kagamé, un héros ou un tyran ? D’une part, tout le monde admet son mérite d’avoir su redresser le Rwanda à la suite de l’apocalypse qu’il a vécu avec le génocide de 1994. Sortir d’une tragédie de cette ampleur et servir aujourd’hui de référence à plusieurs autres pays de l’Afrique et d’ailleurs, c’est incontestablement une prouesse. Mais d’autre part, à quel coût ? Profitant justement du sentiment de culpabilité que le monde entier a éprouvé pour avoir laissé faire l’horreur de 1994, Paul Kagamé a rebâti son pays au détriment des droits et des libertés. Et l’illustration du sacrifice de ses valeurs, ce sont bien les résultats de la présidentielle du 15 juillet dernier. 99,18 %, même en Russie, on ne s’autorise plus un tel score. Et la seule information dont on peut tirer d’un tel chiffre, c’est qu’au Rwanda, Paul Kagamé est seul maître à bord. Autrement, l’opposition est inexistante.

Menace et fragilité

En soi, c’est à la fois la plus grande menace et la principale fragilité du modèle rwandais qui fait tant rêver aujourd’hui. Reposer le destin et l’avenir de toute une société sur une seule personne, aussi charismatique soit-elle, c’est un risque énorme. Tout au début, alors que le pays ne s’était pas suffisamment remis des séquelles du génocide, c’était tout à fait compréhensible. Mais trente ans après, cela s’apparente à une instrumentalisation qui peut être porteuse de dangers pour le Rwanda. Il aurait été plus rassurant d’ouvrir l’espace politique et civique rwandais et faire confiance aux Rwandais eux-mêmes. Quitte à le faire avec prudence et méthode bien sûr. On aurait ainsi permis à toute la société de s’approprier du modèle et de préparer en conséquence des relèves. On aurait ainsi bâti une société dont les fondations reposent davantage sur des institutions conscientes de leurs missions et prêtes à les assumer.

Mais Paul Kagamé a fait un choix autre, en misant tout sur son génie et sa capacité à distiller la peur, en réprimant ceux qui tentent de faire valoir un son de cloche différent. Jusqu’ici, ça fonctionne plutôt bien, avouons-le. Mais qu’en sera-t-il quand Kagamé ne sera plus là ? Personne ne le sait encore. Or, c’est la réponse à cette question qui déterminera le bilan ultime et authentique de Paul Kagamé. Car il faut toujours rappeler qu’il y a 20 ans, le Mali faisait autant rêver. Là également, certains avaient faussement perçu dans l’absence de débat entre les acteurs sociopolitiques, une forme de paix et de tranquillité qu’ils ont tôt fait de chanter partout. Or, qu’en est-il aujourd’hui ?

Inquiétude et incompréhension

Conséquemment, quand des leaders africains, guidés par cette vision court-termiste courent célébrer Paul Kagamé, cela a de quoi inquiéter. Surtout quand ça arrive à un moment où une frange des Africains, dans le sillage de la vague des coups d’Etat militaires que le continent a enregistrés ces dernières années, affiche sa préférence pour des pouvoirs incarnés par des hommes forts. L’autre coïncidence qui en rajoute à l’inquiétude étant que le modèle démocratique fait face, depuis un certain temps, à des attaques et même à une tentative de remise en cause assumées. Inquiétude mais aussi incompréhension. En effet, comment comprendre que Paul Kagamé, pourtant publiquement condamné par les Nations unies pour son soutien au M23 qui se livre à une guerre et à des exactions en RDC, séduise et mobilise un minimum de vingt dirigeants africains. Des dirigeants qui sont donc insensibles au malheur des milliers de Congolais et de Congolais tués, violés et martyrisés. Les mêmes dirigeants qui, pourtant, se plaisent à indexer les autres pour le moindre problème qui secoue leurs pays respectifs.

Boubacar Sanso Barry

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