09 juillet 2024 – 09 novembre 2024, quatre mois se sont écoulés depuis l’enlèvement de deux figures majeures du Front national pour la Défense de la constitution (FNDC) en Guinée, Mamadou Billo Bah et Oumar Sylla, alias Foniké Menguè, coordonnateur national du mouvement. Depuis leur arrestation le 9 juillet 2024, leurs familles et leurs partisans vivent dans l’incertitude la plus totale, sans aucune information officielle sur leur sort ou leur localisation.
Dans la soirée du 9 juillet, selon les témoins, des agents avec une combinaison de gendarmes et d’agents des forces spéciales ont fait irruption au domicile de Foniké Menguè, où il se trouvait en compagnie de Mamadou Billo Bah et d’un autre membre du FNDC, Mohamed Cissé.
Mamadou Bah, frère de Billo Bah, décrit cette intervention comme un « kidnapping ». Présent lors de la scène, il explique « Nous étions dans le salon avec eux quand les forces de sécurité sont arrivées. Ils connaissaient déjà Foniké et Billo. Ils les ont désignés directement et les ont pris de force sous nos yeux ». Selon lui, la planification de cette opération montre qu’elle ne pouvait pas être l’œuvre de simples malfaiteurs. « Qui a intérêt à ce qu’on arrête Foniké Menguè et Billo aujourd’hui ? Le coupable est connu, mais les gens n’osent pas parler », déplore-t-il.
Depuis cette nuit-là, les familles n’ont reçu aucune nouvelle des militants. Pour Mamadou Bah, c’est cette autre situation qui est particulièrement inquiétante. « D’habitude, quand ils sont arrêtés, ils sont envoyés à la maison centrale, un lieu connu. Mais cette fois-ci, on les cache de tout le monde, et on ne sait pas où ils sont », affirme-t-il, décrivant l’angoisse de leurs proches, notamment les enfants et la mère de Billo Bah, qui vivent dans une peur constante. « C’est une situation vraiment insupportable pour la famille », ajoute-t-il.
Le 17 juillet, soit une semaine après leur arrestation, le parquet général de la Cour d’Appel de Conakry a publié un communiqué niant toute implication des autorités dans cette arrestation. Le document qualifie la disparition de Foniké Menguè et de Billo Bah de « possible enlèvement ».
Le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual, lors d’un déjeuner de presse a suscité des réactions en déclarant que les adultes ont « le droit de disparaître volontairement », suggérant que l’absence des militants pourrait être de leur propre fait. « Même si on les retrouve, s’ils ne veulent pas qu’on dise où ils sont, on ne le dira pas », a-t-il ajouté, ce qui a renforcé la confusion et les inquiétudes.La société civile et les organisations de défense des droits de l’homme ne sont pas restées silencieuses face à la situation.
Le 30 août dernier, lors de la journée internationale des victimes de disparition forcée, Amnesty International, en collaboration avec 17 autres ONG guinéennes, a exigé une enquête « impartiale, indépendante et transparente » sur cette affaire. Joachim Baba Millimouno, coordinateur de la cellule de communication de l’Union des Forces démocratiques de Guinée (UFDG), a dénoncé une « disparition forcée » qui, selon lui, révèle les graves dysfonctionnements de la justice guinéenne. Il appelle à une mobilisation continue afin d’exiger leur libération. « La peur ne doit pas avoir raison de nous. À cette allure, il faut comprendre qu’aucun de nous n’est à l’abri », souligne-t-il.
Poursuivant, il exhorte également les citoyens à se mobiliser en ligne, à travers les réseaux sociaux pour sensibiliser la communauté internationale. « Nous devons créer des campagnes virales sur les réseaux sociaux pour atteindre un public plus large », insiste-t-il, soulignant que les réseaux sociaux offrent un espace crucial de libre expression. Dans la même lancée, il a souligné l’importance de la mobilisation des défenseurs des droits de l’homme à soutenir les familles des disparus, notamment les épouses de Billo Bah et d’Oumar Sylla, en leur offrant un soutien psychologique et juridique pour les aider dans les démarches judiciaires.
Les familles, quant à elles, restent dans le doute et la peur, craignant pour la sécurité des deux militants. « Pour savoir s’ils sont en vie, je dirais que nous n’avons aucune information », confie Mamadou Bah, la voix teintée de désespoir. Les disparitions de Foniké Menguè et de Billo Bah posent de sérieuses questions sur la situation des droits humains en Guinée et sur les que le phénomène d’enlèvement s’installe de plus en plus sous la transition comme une règle.
Alors que l’espoir de revoir Foniké Menguè et Billo Bah sains et saufs reste faible, l’affaire révèle la vulnérabilité de ceux qui militent pour les droits et libertés en Guinée. Joachim Baba Millimouno, en guise de prière pour les disparus, déclare : « Dans mes prières quotidiennes, je pense à eux et j’invite tous les citoyens pro-démocratie à ne pas les oublier. Nous n’avons pas le droit de les oublier ».
Thierno Amadou Diallo