Le port des chaînes aux chevilles est devenu un objet esthétique pour certaines femmes dans le monde entier. En Guinée, particulièrement à Conakry, on voit plusieurs femmes et jeunes filles qui portent des chaînes soit en argent, or ou en plastique. Pour certains, bien au-delà d’un simple accessoire de mode, ces parures sont liées aux rites de passage et aux valeurs de la société guinéenne. Pour d’autres, cette pratique traduit le comportement de prostituées. Il en est de même pour les piercings. Ce récit propose une immersion au cœur de ces pratiques, à travers les témoignages de femmes et d’hommes, l’analyse d’un sociologue ainsi que le regard d’un religieux.
La plus lointaine origine connue à ce jour de la chaîne de cheville remonte à l’Égypte antique. Les vestiges découverts sur certains lieux de fouilles ont confirmé l’utilisation assez courante d’un tel objet dans ce pays. Son existence en Asie et en Afrique est moins marquée, mais l’histoire nous a révélé que les chaînes de chevilles ont bel et bien fait partie de la vie des Chinois et de celle des Africains.
Portées par les femmes depuis des siècles, les chaînettes sont bien plus que de simples bijoux. Cependant, les regards de la société empêchent certaines femmes de recourir à cet accessoire. «Ici en Guinée, les gens ont un regard bizarre sur les femmes qui portent des chaînes de cheville. Mais pour moi, c’est plus qu’un bijou, c’est un héritage. Ma grand-mère me l’a offerte lors de mon mariage. C’est un lien avec mes ancêtres, avec mes racines. Ça me donne confiance en moi », nous confie Mariama Diouf.
Si les modes évoluent, certaines traditions perdurent. C’est ce que nous confie Mariama Diallo, commerçante au marché de la Cité-Enco 5. Pour elle, la chaîne de cheville n’est pas qu’un simple bijou, c’est un lien avec son passé, un symbole d’une époque où les codes de la féminité étaient différents. « Quand j’étais jeune, toutes les femmes portaient des chaînettes. C’était une marque de distinction, surtout pour les mariées. Aujourd’hui, les jeunes ont d’autres modes, mais moi, je continue à en porter, ça me rappelle ma jeunesse », nous confie-t-elle, le visage souriant.
Loin des diktats de la mode, les jeunes d’aujourd’hui revendiquent leur singularité. C’est le cas de Fatoumata, étudiante à l’ISIC de Kountia, qui nous parle de son rapport aux chaînettes et de son désir d’affirmer sa propre identité. « J’aime bien les chaînettes, c’est joli. Mais je ne veux pas en porter tout le temps. Je préfère choisir mes propres accessoires, qui correspondent à ma personnalité », dit-elle.
Pourtant, ces filles sont souvent victimes des préjugés sociaux à cause de cet accessoire de beauté. Pour Abdoulaye Keita, la personnalité d’une femme compte bien plus que son apparence physique. « Je suis plus intéressé par la personnalité d’une fille que par ce qu’elle porte. Mais je dois avouer que les chaînettes, ça a un certain charme. Honneur à ma femme qui sait comment m’émerveiller avec ces chaînes lumineuses », soutient-il.
Par contre, Moïse, quant à lui, n’aime pas les chaînettes et les piercings. Selon lui, cela fait référence à la vie de débauche. « Les femmes les mettent, mais moi je préfère une femme naturellement que de mettre ces chaines au pied ou percer son nez ou autres parties du corps. Il y a des filles qui mettent des piercings même au niveau de leur nombril et même bien plus. La langue, le dos…», fait-il savoir.
Du point de vue sociologique, le port des chaînettes en Guinée et des piercings est un phénomène complexe à la fois révélateur des transformations profondes. Entre tradition et modernité, entre normes collectives et aspirations individuelles. La chaîne se positionne comme un marqueur culturel incontournable. « Le port de chaînettes est à la fois un marqueur identitaire, un symbole de statut social et une expression de la féminité. Les jeunes générations intègrent cette tradition dans leurs propres codes esthétiques. Les chaînettes sont ainsi un terrain d’expression de la diversité culturelle et des aspirations individuelles », indique Mamoudou Sylla.
Quant à la religion, elle n’interdit guère l’usage de cet accessoire de beauté par les femmes. Par contre, selon la religion musulmane, « quand tu mets ces chaînes-là aux pieds, on ne doit pas les exhiber, on doit les cacher seulement pour ton mari à la maison. Parce que l’islam nous a interdit que l’on expose nos beautés dehors », expliqué l’Imam Alhassane Sidibé.
Et en ce qui concerne les piercings, l’imam renchérit «les piercings ne sont pas interdits, c’est comme percer les oreilles. Percer le nez et les oreilles c’est presque pareil, donc il n’y a pas de péché pour ça », a réitéré l’imam.
JRI de l’Ombre