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Françafrique : un changement à marche forcée

Les dirigeants français de ces dernières années, de Sarkozy à Macron en particulier, avaient promis de repenser les relations franco-africaines, pour en extirper surtout la dimension incestueuse. Mais dans les faits, aucun d’entre eux n’aura réussi à traduire cet engagement en fait tangible. Personne n’ayant su se défaire de cette approche arrogante tendant à se comporter vis-à-vis des anciennes colonies comme s’ils en étaient encore propriétaires. Mais depuis pratiquement une dizaine d’années, il y a une nouvelle dynamique, née cette fois au cœur du continent africain, qui pourrait bien faire évoluer la donne. En cela, la coïncidence qui s’incarne dans la commémoration du massacre de Thiaroye, l’exigence du départ des bases militaires par le président sénégalais et la dénonciation des accords de défense franco-tchadiens par le régime de Mahamat Idriss Deby Itno, est une illustration qui n’est pas anodine.

Une évolution favorisée par un contexte global

Ce qui se joue aujourd’hui dans les rapports entre la France et le continent africain est la meilleure illustration du fait que la liberté et l’indépendance ne s’octroient pas, mais s’acquièrent. En effet, tant que ce sont les politiques français qui, un peu par acquis de conscience ou en écho aux discrètes revendications relayées çà et là par les médias, promettaient de traiter leurs partenaires africains d’égal à égal, on peinait à en voir le bout. Mais maintenant que ce sont les dirigeants africains eux-mêmes qui sont déterminés à ne plus se laisser traiter comme des dirigeants de seconde zone, cela commence à se matérialiser sur le terrain. Encore que cette grande évolution s’inscrit dans un contexte global dont il ne faut pas exclure les répercussions de la chute de Mouammar Kadhafi, l’émergence de nouveaux acteurs internationaux dont la Russie, la Chine, la Turquie et l’Iran entre autres, la liberté d’expression qu’offrent davantage les réseaux sociaux que les médias classiques et quelques impairs particuliers imputables à Emmanuel Macron, le président français actuel. Ces éléments réunis ont fait que, quand en 2021, à la suite du deuxième coup d’Etat militaire au Mali, les nouveaux dirigeants ont repris à leur compte le sentiment anti-français ambiant, la mayonnaise a tout de suite pris. D’autant que du côté des autorités françaises, au lieu de faire le profil bas, on est plutôt monté sur ses grands chevaux. Sans le savoir, elles versaient ainsi de l’huile sur le feu. C’est pourquoi quand, à leur tour, le Burkina Faso et le Niger, eux aussi gagnés par la gangrène des putschs militaires, ont adopté la même position vis-à-vis de la France, personne n’a été surpris.

Un tournant symbolique

Eh bien, désormais, le phénomène s’étend au point de se muer en une tendance très marquée qui pourrait toucher tout le continent. Avec notamment l’arrivée au pouvoir, au Sénégal, de nouveaux dirigeants décidés à renverser la table des rapports entre le pays et l’ancienne puissance coloniale. Ce qui s’est traduit d’abord dans le débat autour des zones d’ombre qui entourent le massacre de Thiaroye. Ensuite, il y a cet appel lancé le 28 novembre dernier par le président Bassirou Diomaye Faye en vue du démantèlement des bases militaires que l’ancienne capitale de l’Afrique occidentale française (AOF) accueillait depuis des lustres. Mais il y a surtout cette dénonciation par Mahamat Idriss Deby Itno des accords de défense qui liaient jusqu’ici la France au Tchad. Ce dernier cas en particulier est symptomatique d’un tournant symbolique dans ce débat. Parce qu’on ne peut pas dire que la famille présidentielle tchadienne ait toujours eu à se plaindre de la France. Au contraire, les relations incestueuses avec l’ancienne puissance coloniale auront, des années durant, permis de consolider la mainmise de cette famille sur l’ensemble du pays et sur ses immenses richesses.

Devoir de vigilance

Et c’est même la raison pour laquelle les militants authentiques de la refondation des relations franco-africaines doivent demeurer à la fois prudents et vigilants. Parce qu’autant leur aspiration à un partenariat plus avantageux pour l’Afrique est légitime, autant il ne faudra pas se contenter de renvoyer les néo-colons pour ensuite faire de la place à des colons locaux. De même, l’attitude intransigeante que l’on adopte aujourd’hui vis-à-vis de la France doit demeurer la même à l’égard de tous les partenaires, qu’ils soient de l’ouest ou de l’est. Autrement, on court vers un leurre !

Boubacar Sanso Barry

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