Les 51 accusés dans l’affaire des viols de Mazan ont été reconnus coupables à l’issue d’un procès d’une durée exceptionnelle. Le tribunal a rendu son verdict ce jeudi, condamnant l’ensemble des prévenus. Dominique Pelicot, principal accusé, a écopé de la peine maximale de 20 ans de réclusion criminelle pour avoir séquestré, drogué et violé son épouse à de multiples reprises, la livrant à des agresseurs rencontrés en ligne.
Depuis le 2 septembre, ce cas d’une portée exceptionnelle en France et à l’international a mis en lumière la personnalité de Gisèle Pelicot et a suscité une discussion essentielle autour du fléau généralisé du viol.
Pour Fatou Souaré Anne, directrice exécutive de WAFRICA Guinée, si cette peine peut sembler sévère au regard du droit français, elle soulève la question des différences de traitement judiciaire d’autres pays où, pour des faits similaires, les sanctions pourraient être plus lourdes :
« Considérant le système juridique du pays concerné, qui est la France, ça pourrait paraître comme une peine lourde, mais sans aucun doute, je pense qu’ailleurs, ça aurait été beaucoup plus sévèrement puni. Surtout, je pense aussi que pour de tels crimes, il fallait une réclusion à perpétuité », dit-elle.
Poursuivant, elle mentionne qu’en tant qu’activiste, « le verdict, au moins, qui reconnaît les chefs d’accusation, qui reconnaît qu’il y a eu un gros préjudice sur une personne donnée et, plus loin, une très grave violation de droit humain, d’intégrité physique qu’on connaît dans les violences sexuelles, ce verdict est significatif, mais pas suffisant », soutient-elle.
Pour ce qui est de l’impact de ce verdict, Fatou Souaré Anne estime que celui-ci pourrait servir d’exemple à de nombreuses juridictions à travers le monde.
« Je pense que c’est une leçon pour tous, j’espère que ce sera éventuellement un cas de jurisprudence, mais que ça aidera aussi les autres États et les autres pays à comprendre que, tant que l’impunité règne et que les auteurs ne sont pas punis, et parfois même les crimes mis en lumière, même s’il y a un principe de confidentialité qui entoure toutes ces violences, je pense qu’on n’arrivera pas à faire avancer la lutte», a-t-elle ajouté.
Abondant dans le même sens, Me Halimatou Camara, avocate et défenseure des droits des femmes, a indiqué que « cette affaire peut devenir inspirante pour l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale. Je crois qu’il s’agit de former l’ensemble des acteurs, surtout ceux chargés de mener les enquêtes. Lorsque vous remontez à la source de l’affaire Pelicot, vous y voyez un certain engagement à porter plainte contre un individu qui filmait sous les jupes de femmes dans un supermarché », souligne-t-elle.
Par ailleurs, poursuit l’avocate, « L’expérience qu’il faut en tirer, c’est cette volonté d’enquêter et de dénicher une certaine vérité judiciaire. De cette affaire qu’on pourrait qualifier de simple au départ, vous avez une machine qui s’est mise en place pour fouiller et enquêter sur un homme qui semblait être Monsieur Tout le monde », affirme Me Halimatou Camara.
Pour ce qui est de la situation spécifique en Guinée, bien que les initiatives prises soient appréciables, les militants pour les droits des femmes exhortent à redoubler d’efforts afin de mettre un terme à l’impunité.
« La situation de la défense des violences basées sur le genre évolue en dents de scies : d’une part, il arrive que la justice bouge. D’autre part, l’impunité persiste encore surtout pour les viols sur mineurs qui aboutissent le plus souvent à des assassinats d’une extrême cruauté. Les autorités judiciaires doivent se donner les moyens et la stratégie pour faire aboutir la vérité judiciaire et retrouver les bourreaux, surtout pour les crimes commis sur les mineurs », a fait remarquer Me Halimatou Camara.
Dans ce même ordre d’idée, pour Fatou Souaré Anne, certes, la situation s’améliore, mais « elle n’est toujours pas où elle devrait être, où on souhaiterait la voir en tant qu’activiste des droits humains des femmes. Il reste encore beaucoup de chemin à faire et on continue d’insister et de préconiser qu’il y ait non seulement une tendance qui change, dans le sens où les gens et surtout les auteurs se rendent compte que, quand on commet ce type de crime, on peut être puni par la loi », conclut-elle.
JRI de l’ombre