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RD Congo : les religieux peuvent-ils réussir ?

Il n’est pas sûr que les émissaires de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et de l’Eglise du Christ au Congo (ECC) puissent obtenir la paix que les diplomates les plus chevronnés d’Afrique et du monde échouent à instaurer pour l’heure entre le Rwanda et la RD Congo. Mais les aller-et-retour qu’ils font entre les principaux acteurs de la crise depuis quelques jours révèlent de leur part, un mérite qu’il convient de leur reconnaître : le refus de la fatalité et de la résignation. Par ailleurs, leur initiative, indépendamment de l’issue qui pourrait en résulter, nous rappelle que le conflit qui meurtrit l’est de la RDC est aussi le reflet d’un déficit de dialogue entre différents acteurs notamment politiques et du déni d’une crise qui aura émaillé tout le règne du président Tshisekedi.

Paul Kagamé, une responsabilité incontestable

Incontestablement, la nouvelle flambée de violences dont la RD Congo est le théâtre depuis des mois est en grande partie imputable à Paul Kagamé. En s’abstenant de reconnaître et condamner la responsabilité du Rwanda dans ce conflit, les leaders africains et les acteurs de la communauté internationale manquent certainement à leur devoir. Et de ce fait, ils sont certainement coupables des meurtres et autres sévices infligés aux victimes de tous les camps. Ils seront tout aussi comptables de l’éventuel embrasement de la région qu’ils redoutent pourtant.

Le deal malsain

Mais en même temps, il y aurait un gros biais à réduire toute la crise à une simple opposition entre Félix Tshisekedi et Paul Kagamé. Les choses sont infiniment plus complexes. En particulier, la reprise des hostilités dans l’est du Congo et surtout la déroute humiliante que le M23 inflige aux troupes fidèles à Kinshasa sont symptomatiques d’une crise politique interne au pays de Lumumba. C’est notamment ce que nous apprend cette initiative des religieux tendant à rapprocher tout particulièrement le président Tshisekedi et ses opposants. En effet, comme cela se passe dans bon nombre de nos pays, le président congolais semblait s’être convaincu que l’essentiel est d’accéder au pouvoir. Ne se préoccupant guère de la manière d’arriver à cet objectif, il a conclu en 2018 un deal malsain avec son prédécesseur. Une entente qui était d’autant plus dommageable au pays qu’elle était assortie d’arrière-pensées de la part aussi bien de Tshisekedi que de Joseph Kabila.

Un accord porteur des germes de la crise actuelle

Dans le camp du président Tshisekdi, en allant à cette entente, on cherchait tout juste à s’emparer du pouvoir, pour ensuite utiliser les leviers notamment de la répression contre Joseph Kabila. Une croyance largement partagée en Afrique suggérant qu’une fois qu’on est installé sur le trône, on peut, avec les énormes ressources et les outils de répression dont on dispose, contrôler et inverser toute les tendances. Sauf que de la part de Joseph Kabila, manifestement, on avait jaugé et compris que Tshisekedi n’est pas apte à tenir la barque. Et qu’au besoin, c’est par ce dernier que le retour au pouvoir était le plus garanti. Bref, au-delà des suffrages des citoyens que les deux avaient indument détournés, il y a que leur accord était en soi porteur des germes de la crise que l’on connait aujourd’hui.

Une démarche pertinente mais tardive

En effet, depuis, la classe politique est divisée autour de ce marché de dupes. Ce qui fait qu’aucune concertation n’a été menée pour dégager notamment une attitude consensuelle à adopter face aux rebelles du M23. Quand le président congolais, faisant dans le déni, avait tendance à assimiler la guerre à quelque chose de trop lointain et marginal, ses opposants utilisaient les réseaux sociaux et les médias aussi bien congolais qu’étrangers, pour dénoncer son insensibilité et son irresponsabilité. Des opposants dont les critiques n’ont pas non plus aidé à booster le moral des troupes congolaises. Et cette ligne de fracture est très vite passée de la classe politique à la société congolaise, dans son ensemble. Or, il est notoirement connu qu’un pays n’est pas nécessairement apte à se défendre face à une agression, quand ses composantes sont elles-mêmes divisées. La démarche de la CENCO et l’ECC est donc à la fois pertinente et opportune. Mais elle pourrait bien être tardive. Car un adage populaire enseigne ceci : « ce n’est pas le jour de la battue qu’on dresse son chien ».

Boubacar Sanso Barry

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