Le président américain Donald Trump a pris une décision qui concerne les exportations vers les États-Unis, affectant plus de 180 pays à travers le monde. Cette mesure a imposé des taxes élevées sur les produits importés, et la Guinée se retrouve taxée à hauteur de 10 % sur l’ensemble de ses exportations. Quel impact cette décision aura-t-elle sur l’économie guinéenne ? Pour répondre à cette question, nous avons interviewé Amadou Daff Baldé, spécialiste du commerce international et directeur général de l’Agence guinéenne de promotion des exportations (AGUIPEX).
Ledjely.com : En tant que spécialiste du commerce international et directeur général de l’AGUIPEX, quelle est votre opinion sur la décision de Donald Trump ?
Amadou Daff Baldé : Vous l’avez souligné, la décision concerne 180 pays. Cette mesure de l’administration Trump impacte l’ensemble du monde commercial, et particulièrement certains pays africains, comme le Lesotho, qui a été durement touché. Pour la Guinée, nous faisons face à un tarif plancher. C’est une décision qui s’éloigne des principes fondamentaux du commerce international établis après la Seconde Guerre mondiale, avec la création du GATT, puis de l’OMC en 1995. L’objectif était de favoriser le libre-échange et de réduire progressivement les barrières commerciales. Or, cette décision de taxer, surtout à un taux aussi élevé, va à l’encontre de cette logique.
Concrètement, quels sont les produits guinéens exportés vers les États-Unis ?
La Guinée exporte plusieurs produits vers les États-Unis, dont des légumes frais ou réfrigérés, du piment, des noix de cajou, du poisson, du poivre naturel, de l’huile de palme et divers fruits. Mais les exportations les plus importantes restent l’or et le diamant, car la Guinée est un pays minier. Nous envoyons également de la mangue séchée, un produit prisé, notamment par la diaspora guinéenne.
Quelles sont les quantités réelles d’exportation vers les États-Unis ?
Les quantités d’exportations guinéennes vers les États-Unis varient. Elles ne sont généralement pas très élevées et visent principalement à répondre aux besoins de la diaspora africaine, en particulier dans les restaurants ou dans les commerces spécialisés. Cependant, certaines PME guinéennes réussissent à bien se développer sur ce marché, comme celles qui exportent du fonio ou de la mangue séchée, telles que Tropico.
Quel impact réel aura cette taxe de 10 % sur les exportations guinéennes ? Certains estiment que cette mesure est catastrophique.
Il est important d’analyser cette décision sous plusieurs angles. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la tendance a été de réduire progressivement les droits de douane pour promouvoir le commerce libre et ouvert. Cette politique semble désormais mise de côté, au profit d’un protectionnisme accru. Prenons l’exemple de l’or : avant, les acheteurs américains n’avaient aucun droit de douane à payer sur l’or guinéen. Aujourd’hui, ils devront s’acquitter d’une taxe de 10 % à l’entrée aux États-Unis, ce qui rend notre or moins compétitif par rapport à l’or extrait localement aux États-Unis. Cette hausse de 10 % sur les produits guinéens risque donc de diminuer leur attractivité sur le marché américain, en particulier dans les secteurs du diamant et de l’or. Pour les produits de consommation tels que le fonio ou la mangue séchée, qui sont souvent achetés par la diaspora pour des raisons culturelles, l’impact pourrait être moins dramatique. Les consommateurs continueront probablement à acheter ces produits, même s’ils deviennent légèrement plus chers. Cependant, il est possible que certains produits soient exemptés de cette taxe, en fonction des priorités économiques américaines.
Cette taxe peut-elle décourager les exportateurs guinéens ?
Bien sûr. Lorsqu’un exportateur n’a pas à payer de droits de douane et que ce dernier est soudainement soumis à une taxe de 10 %, il se retrouve dans l’obligation d’augmenter ses prix. Cela pourrait rendre certains produits guinéens moins compétitifs. Si les consommateurs américains acceptent toujours de payer ces prix, cela n’affectera pas trop certains secteurs, notamment pour les produits agricoles ou semi-transformés qui respectent les normes américaines. Mais d’autres secteurs pourraient souffrir davantage. Cela pourrait décourager certains exportateurs, en particulier ceux des petites et moyennes entreprises (PME), qui risquent de rencontrer des difficultés pour s’adapter à cette nouvelle réalité.
Face à cette situation, quelle serait la solution pour mieux gérer cette décision qui touche l’ensemble des pays concernés ?
La solution passe par une coopération renforcée au sein des grands blocs commerciaux régionaux. L’Afrique doit, par exemple, se renforcer au sein de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). C’est en agissant collectivement que nous pourrons mieux faire face à ce genre de situation. Dans le monde actuel, il n’y a pas de place pour la bienveillance. Les pays cherchent à défendre leurs intérêts économiques, souvent au détriment des autres. Malheureusement, dans de nombreux cas, les États africains restent liés par des accords bilatéraux ou multilatéraux, même si ceux-ci ne sont pas toujours dans leur intérêt. Une véritable unité africaine pourrait nous permettre de peser davantage dans les négociations commerciales. Par exemple, l’Afrique du Sud, avec son industrie automobile, pourrait se retrouver gravement impactée par cette taxe, ce qui montre qu’une approche collective est essentielle.
En Guinée, certaines PME risquent d’être découragées par cette taxe. Mais si nous agissons en bloc, au sein de l’Union africaine, nous pourrons peut-être mieux défendre nos intérêts.
Interview réalisée par Thierno Amadou Diallo