Poursuivi pour offense au chef de l’État et diffamation, le leader du MoDeL, Aliou Bah, attendra encore. La cour d’appel de Conakry a reporté le verdict au 28 mai, déclenchant l’indignation de la défense, qui dénonce un procès à haute teneur politique dans un climat judiciaire tendu. Ce report, survenu après les réquisitions du parquet et les plaidoiries de la défense, a suscité une vive indignation chez les avocats du président du MoDeL, qui dénoncent une justice « manipulée » et « politisée ».
L’audience de ce mercredi s’est déroulée dans la salle emblématique ayant accueilli le procès des massacres du 28 septembre 2009. L’accès y était strictement limité : seuls les magistrats, les avocats et les représentants du parquet étaient autorisés à conserver leurs téléphones. Tous les autres participants, y compris les avocats de la défense, ont été soumis à des fouilles rigoureuses. À l’entrée, chacun devait inscrire son nom et son numéro de téléphone, avant de subir une première fouille, puis une seconde après avoir monté les escaliers. Certains ont même été contraints de se déchausser. « Où est ton arme ? », lançait un agent de sécurité à un autre, illustrant la tension extrême entourant ce procès.
Aliou Bah est apparu à la barre vêtu d’une chemise à manches courtes en tissu traditionnel de forêt sacrée, d’un pantalon sobre et de souliers discrets. Durant les plaidoiries, son visage exprimait une sérénité, voire une lueur d’espoir, portée par la solidité des arguments avancés par ses avocats.
Mais à l’issue de l’audience, la décision de renvoyer le verdict a été perçue comme une tentative manifeste de gagner du temps et d’alimenter une stratégie de pression politique.
« Je pense que les derniers mots de M. Aliou Bah en disent long. Il a dit qu’il est victime d’une persécution judiciaire. Et même le fait de mettre cette affaire en délibéré au 28 mai en est une preuve », a réagi Me Halimatou Camara, membre de la défense. Elle accuse les magistrats de servir des intérêts politiques. « Ce n’est pas une justice au service du droit, c’est une justice manipulée », indique-t-elle.
Même son de cloche chez Me Houleymatou Barry, qui s’insurge contre la lenteur du processus judiciaire. « Aujourd’hui, on nous renvoie, littéralement, après trois mois d’attente interminable. C’est une honte nationale. Le parquet n’a rien produit de sérieux, et malgré cela, on doit encore attendre. Quelle justice voulons-nous léguer à notre progéniture ? », s’interroge-t-elle.
Pour Me Hady Galissa Diallo, malgré cette situation, la défense reste debout et déterminée. « La persécution est tellement flagrante qu’elle n’a fait que renforcer le moral de M. Aliou Bah. Il est serein, lucide, prêt à faire face. Nous avons été factuels et pertinents, et cela finira par porter ses fruits », dit-il.
Thierno Amadou Diallo