Dans un climat politique tendu, l’engagement des magistrats dans des mouvements de soutien au gouvernement a récemment alimenté un vif débat en Guinée. Le dernier épisode en date voit l’avocat Maître Almamy Samory Traoré s’attaquer vigoureusement aux déclarations de Charles Wright, un magistrat ayant exercé à des postes de haute responsabilité, qui défend la légitimité de son soutien au gouvernement actuel, malgré sa position de magistrat.
Dans une déclaration, Charles Wright dénonce ce qu’il considère comme des attaques infondées et malveillantes à son égard. À ses yeux, il ne fait rien de répréhensible en soutenant les politiques de l’actuel gouvernement du CNRD, soulignant que, bien que détaché de ses fonctions judiciaires, il reste un magistrat, et donc, il n’y a aucune interdiction constitutionnelle ou légale à exprimer ses convictions politiques. Pour Wright, ce soutien est avant tout un acte de fidélité à la vision du Président de la République, le Général Mamadi Doumbouya, et à la politique menée par le CNRD. « Comme tous mes prédécesseurs, je garde mon statut d’ancien membre du gouvernement donc Ministre de la République par la force du destin », a indiqué l’ancien ministre.
« En cette qualité, j’ai réitéré mon soutien aux acquis du gouvernement que j’ai eu la chance d’appartenir et au Président de la République Général Mamadi Doumbouya qui m’avait porté sa confiance », a ajouté Charles Wright.
Il s’insurge contre les critiques l’accusant de violer son devoir d’impartialité, mettant en avant la légalité de son engagement et son statut d’ancien membre du gouvernement.
Cependant, cette défense ne convainc pas tout le monde, en particulier les juristes comme Maître Almamy Samory Traoré, qui dénonce vigoureusement la participation des magistrats aux activités politiques. Pour lui, peu importe la position de détachement : un magistrat, en vertu de son serment, est tenu à un devoir d’impartialité et d’indépendance, principes fondamentaux du droit et de l’État de droit. « Un magistrat, même placé en situation de détachement, reste astreint à un devoir d’impartialité et d’indépendance, consacré par son serment. Sa participation à des manifestations à caractère politique constitue une violation manifeste de ses obligations. Les tentatives de justification de tels agissements ne sauraient masquer la gravité de cette faute », insiste Maître Traoré. Selon lui, les tentatives de justifications des magistrats concernés ne sauraient dissimuler la gravité de leurs actes.
Ce clash entre les défenseurs de l’engagement politique des magistrats et ceux qui défendent une stricte neutralité soulève une question essentielle : peut-on véritablement concilier l’indépendance de la magistrature avec une participation active à la vie politique, même sous couvert de détachement ?
Charles Wright semble répondre par l’affirmative, arguant que son soutien au gouvernement ne compromet en rien son impartialité, puisqu’il n’occupe plus de fonctions judiciaires directes. Toutefois, son discours semble illustrer une vision plus souple des règles qui régissent la fonction publique, un point qui est fermement rejeté par ses détracteurs.
« Est-ce mon statut de magistrat m’interdit en ma qualité d’ancien membre du gouvernement de soutenir le chef de l’Etat dans sa vision éclairée pour notre pays et soutenir des acquis du CNRD notamment sur le plan judiciaire ? Est-ce l’interprétation constitutionnelle soulevant des analyses juridiques sur la candidature de tout citoyen guinéen fut-il le président de la République Général Mamadi Doumbouya est-il contraire à mon statut de magistrat ? Les mêmes esprits sans limite s’invitent sur ma rémunération après m’avoir accusé de corruption ou d’être corrompu à travers des dénonciations calomnieuses. De ce point de vue, point de commentaire », affirme l’ex garde des Sceaux.
Les magistrats, en tant que garants de l’État de droit, doivent-ils se limiter à des rôles d’observateurs ou peuvent-ils s’affirmer comme des acteurs dans la construction politique de leur pays ? La question reste ouverte, et les réactions au sein du corps judiciaire guinéen semblent indiquer que le dialogue est loin d’être clos
N’Famoussa Siby