Situé dans la nouvelle commune urbaine de Tombolia, le marché d’Entag est l’un des plus grands pôles commerciaux de Conakry. Pourtant, derrière son dynamisme économique se cache une crise chronique : la gestion des ordures. À l’approche des grandes pluies, ce fléau devient un véritable cauchemar pour les commerçants et les autorités locales.
Une insalubrité persistante malgré les efforts
L’assainissement est l’un des chevaux de bataille des autorités de la ville de Conakry. Pourtant, malgré les fonds investis, la réalité sur le terrain reste préoccupante. Au marché d’Entag, l’amoncellement des déchets ternit l’image du site et inquiète les riverains.
M’Mahawa Sylla, présidente des femmes du marché, ne cache pas sa frustration. Malade, mais toujours active, elle se mobilise chaque matin pour organiser la collecte des ordures.
« Nous avons livré un long combat pour tenter de gérer les déchets ici. Malheureusement, certains citoyens inciviques viennent déverser leurs ordures en pleine nuit. Cela complique notre travail. À l’arrivée des pluies, les déchets des quartiers voisins comme la T7 et Sonfonia se déversent sur notre site. Nous demandons à l’État de nous doter de camions de ramassage et de machines de curage. Deux passages par mois nous soulageraient déjà énormément », déplore-t-elle.
À Yinguèmah, un secteur du marché, Djénabou Youla, mère de cinq enfants, partage son calvaire. Assise au bord de la route pour vendre ses fruits, elle se retrouve régulièrement les pieds dans l’eau et les ordures lors des pluies.
« Nos marchandises finissent trempées. Les caniveaux bouchés débordent et l’eau stagne, provoquant des maladies. Parfois, la route est bloquée, les véhicules n’ont plus d’accès. Nous avons besoin d’un marché aménagé et d’une gestion durable des déchets », plaide-t-elle.
Même son de cloche chez Safiatou Sylla, également vendeuse de fruits, qui interpelle directement les autorités.
« Les caniveaux sont remplis. Pendant les grandes pluies, cela provoque des inondations et même des accidents. Nous demandons l’accompagnement du gouvernement pour en finir avec cette situation qui dure depuis trop longtemps », alerte-t-elle.
Une responsabilité partagée, une solution attendue
Dr Aboubacar Samoura, chef comptable et deuxième responsable du marché, confirme la gravité de la situation. Il évoque l’appui partiel de la mairie, qui a mis à disposition deux camions. Des PME sont également mobilisées pour la collecte, mais les moyens restent insuffisants.
« Le marché produit une grande quantité de déchets. Les camions ne passent pas régulièrement, les équipes sont parfois absentes. En plus, les habitants des quartiers voisins viennent déverser leurs déchets ici la nuit. Cela rend le marché invivable », explique-t-il. « À l’approche des saisons pluvieuses, nous devons être très sensibles, parce que si les caniveaux sont remplis, les eaux de ruissellement ne trouveront pas leur direction. Ce qui fait les dégâts, comme les années passées : on a eu des maisons terrassées ici, à Conakry, parce que les caniveaux sont remplis d’ordures, qu’ils empêchent l’eau de couler, et quand cela se passe, il y aura inondation. Il va y avoir des maisons remplies d’eau et d’autres même qui vont tomber. Donc, on ne souhaite pas cela », ajoute-t-il.
À l’approche des grandes pluies, Dr Samoura appelle à une mobilisation rapide et massive. « Il faut curer les caniveaux en urgence. Sinon, comme les années précédentes, il y aura des inondations, voire des maisons effondrées », invite-t-il.
Au-delà du simple ramassage, Dr Samoura propose une vision plus ambitieuse : la transformation des ordures.
« Il est temps d’installer des unités de transformation des déchets en engrais organiques. Cela contribuerait à notre agriculture et réduirait les coûts liés aux engrais chimiques, souvent inefficaces et nuisibles pour les sols. Le tri, le recyclage, la mobilisation des jeunes : tout cela est possible si l’on s’en donne les moyens », suggère-t-il.
Malgré les initiatives des autorités municipales, la gestion des ordures à Entag reste un défi majeur, amplifié par le manque de civisme et l’insuffisance de moyens. À quelques semaines de la saison des pluies, l’urgence est palpable. Une implication collective s’impose pour éviter le pire.
Lansana Camara, stagiaire