Les Camerounais se sont rendus aux urnes ce dimanche 12 octobre. Près de huit millions d’électeurs étaient appelés à choisir le prochain président de la République parmi douze candidats, dont le président sortant Paul Biya, 92 ans, dont quarante-trois passés au pouvoir, et qui brigue un huitième mandat de sept ans. Globalement, le scrutin s’est déroulé dans le calme et la sérénité, hormis quelques échauffourées signalées dans l’après-midi à Garoua, la capitale de la région du Nord, entre le candidat Issa Tchiroma Bakary et des forces de l’ordre. Même si aucun chiffre officiel n’a encore été publié, les observateurs ont relevé une affluence notable dans plusieurs bureaux de vote. Une mobilisation qui laisse penser que les Camerounais, loin de se résigner, ont voulu saisir cette élection pour, peut-être, tourner la page Paul Biya. C’est en tout cas le pari que fait une opposition galvanisée, malgré ses faiblesses structurelles.
Alors qu’à Madagascar et au Maroc, la jeunesse a choisi la rue pour exprimer son ras-le-bol, les Camerounais, eux, ont-ils fait du scrutin d’hier le moyen de se défaire enfin de leur indéboulonnable président ? Pour qui connaît la solidité du système politico-administratif camerounais, une telle hypothèse relève presque du rêve. Pourtant, depuis quelques jours, un vent d’espoir souffle au-dessus des états-majors de l’opposition, porté par plusieurs signaux encourageants.
D’abord, l’affluence exceptionnelle constatée devant de nombreux bureaux de vote. Dans certaines localités, des électeurs patientaient encore à quelques minutes de la fermeture. Certes, une forte participation peut à priori profiter à tous les candidats. Mais difficile d’imaginer qu’après quarante-trois années de règne, c’est Paul Biya qui suscite encore un tel engouement. Plus vraisemblablement, cette mobilisation pourrait davantage traduire un sursaut collectif d’électeurs décidés à dire « stop » à un pouvoir devenu synonyme d’immobilisme. D’ailleurs, le seul meeting que Paul Biya a tenu jeudi dernier à Maroua, dans la région de l’Extrême-Nord, a réuni bien moins de monde que prévu — un signe qui n’a échappé à personne.
Autre fait marquant : la vigilance citoyenne. Dans plusieurs villes, des électeurs sont retournés dans leurs bureaux de vote après la fermeture pour assister au dépouillement. Smartphones à la main, ils ont filmé les résultats inscrits sur les tableaux d’affichage avant de les partager sur les réseaux sociaux. Cette veille civique, inédite à cette échelle, témoigne de la méfiance généralisée vis-à-vis d’Elections Cameroon (ELECAM) et de la crédibilité du processus électoral.
Face à cette mobilisation citoyenne, le camp présidentiel semble nerveux. Dans la soirée, le très controversé ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a mis en garde contre toute publication « illégale » des résultats, prévenant que seuls les canaux officiels feront foi. Mais derrière cette menace à peine voilée, beaucoup perçoivent un signe de panique d’un pouvoir qui redoute que la transparence imposée par les réseaux sociaux vienne contrecarrer d’éventuelles manœuvres de manipulation des résultats. Cette fébrilité découle également de l’animation exceptionnelle qui a marqué la campagne électorale de l’opposition cette année. Alors que, par le passé, les électeurs — convaincus que le scrutin était joué d’avance — avaient tendance à bouder les meetings, cette fois-ci, on les a sentis mobilisés et portés par un véritable espoir.
En attendant la proclamation officielle des chiffres, une chose est sûre : pour la première fois depuis longtemps, une partie des Camerounais semble y croire encore. A croire que même dans un pays où l’alternance paraît impossible, l’histoire peut parfois réserver des surprises. C’est du moins le vœu ardent que formulent des millions de Camerounais, portés par le rêve de voir se rompre cet immobilisme affligeant par une voie aussi pacifique que celle de l’élection de ce 12 octobre 2025.
Boubacar Sanso Barry