A moins d’un mois de la présidentielle au Cameroun, l’opposition est en quête de stratégie pour être à la hauteur du défi. Régulièrement moquée pour son incapacité presque congénitale à parler d’une seule voix, elle s’efforce manifestement de corriger cette tare. Ainsi, samedi dernier, un certain nombre de partis et de personnalités se réclamant de cette opposition ont porté leur choix sur l’ancien porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary, leader du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC). En soi, un pas dans la bonne direction. Mais un pas seulement, car le leader du FSNC est encore loin de rallier toute l’opposition à sa personne. Sa capacité à incarner le changement n’apparaît pas évidente, dans la mesure où il est en partie comptable du bilan désastreux de Paul Biya.
L’opposition camerounaise réussira-t-elle, cette fois, à déjouer les pronostics en surmontant ses divisions ? Même si l’élimination de la candidature de Maurice Kamto, l’opposant historique, ne facilite guère la tâche aux adversaires de Paul Biya, certains veulent visiblement y croire. Ainsi, le week-end dernier, autour notamment du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem), qui soutenait justement la candidature de Kamto, une dynamique d’unité a réussi à s’articuler autour de l’ancien ministre et porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary, l’un des leaders du septentrion camerounais ayant récemment tourné le dos au camp du président sortant. Porté par une plateforme dénommée Union pour le changement 2025, l’ancien ministre, dont la défection passait déjà pour une menace sérieuse pour le camp de Paul Biya, voit ainsi sa stature se renforcer. D’autant qu’au-delà du Manidem, il rallie également à son choix l’Alliance des forces progressistes (AFP) et l’Union des forces démocratiques du Cameroun (UFDC).
Mais, pour le moment, il lui manque le ralliement déterminant de Maurice Kamto, celui-ci se gardant, pour l’heure, de donner la moindre consigne. Encore faudrait-il envisager que ce ralliement ne se fasse jamais. On comprendrait parfaitement que l’opposant historique, avec tout ce qu’il a subi de la part du pouvoir camerounais, ne soit pas très enclin à pactiser avec un candidat ayant collaboré avec ce même pouvoir pendant tout de même seize ans. Bien sûr, certains pourraient estimer que l’enjeu de la huitième candidature de Paul Biya requiert que l’on mette de côté ces dimensions d’ego ou de fierté personnelle.
Il n’empêche que la question demeure : Issa Tchiroma Bakary peut-il véritablement incarner le changement qu’attend le Cameroun ? D’abord, même s’il est moins vieux que le président sortant, à 76 ans, il ne l’est pas assez au regard d’une population dont 60 % ont moins de 25 ans. Par ailleurs, le fait d’avoir travaillé aux côtés de Biya durant les seize dernières années le délégitime comme porteur de rupture. Tout au contraire, il apparaît de facto comme coresponsable du bilan désastreux pour lequel on voudrait tant congédier Paul Biya.
Dans l’absolu, si l’on venait à miser sur le leader du FSNC comme candidat de l’opposition, ce serait uniquement dans une optique court-termiste : pousser le « dinosaure » vers la sortie. Issa Tchiroma Bakary servirait alors davantage de transition vers la mise en place de nouvelles institutions, seules susceptibles de conduire à la véritable rupture dont le Cameroun a nécessairement besoin.
Boubacar Sanso Barry