Pour amener sa communauté à déposer le couteau, Houleymatou Diallo, présidente du CLERF a recours aux causeries éducatives et à des visites à domicile afin d’échanger sur les effets néfastes de l’excision.
Houleymatou Diallo, préside le Conseil Local pour Enfants et Familles (CLEF). Elle est âgée de 45 ans et vit dans la commune rurale de Diountou, située à 25km du chef-lieu de la préfecture de Lelouma. Depuis 2018, Houleymatou Diallo s’est activement impliquée dans la lutte contre les Mutilations Génitales Féminines (MGF) au sein de sa communauté réputée être fortement attachée à ses anciennes valeurs culturelles.
Depuis 2018, l’UNICEF, avec l’appui financier du Comité National Suisse, accompagne la mise en œuvre successive des 2 projets de promotion d’abandon des mutilations génitales féminines portant sur la « construction des évidences innovantes pour un changement accéléré ».
Ces projets, qui couvrent tout le pays, ont pour objectif d’amener les communautés bénéficiaires à abandonner la pratique des mutilations génitales féminines. Pour y parvenir, l’UNICEF a appuyé le Ministère en charge des questions de protection de l’enfance, à travers ses structures déconcentrées dans les régions et préfectures ainsi que celles du système de protection de l’enfance au niveau des communes, à organiser des séances de sensibilisation, des causeries éducatives, des dialogues communautaires et des visites à domicile au sein des communautés.
Nonobstant le fait que sa communauté soit fortement attachée à cette pratique néfaste, préjudiciable à la santé sexuelle et psychologique des filles, Houleymatou Diallo n’a jamais baissé les bras dans son combat pour amener sa communauté à renoncer à cette pratique.
Pour réussir ce changement de mentalité qu’elle considère comme un défi, elle est toujours la première à faire le pas vers les communautés.

Houleymatou Diallo dans un ménage en train de parler des effets néfastes de l’excision avec le père et la mère de famille
Il est 09h quand Houleymatou Diallo, boîte à images en main et vêtue d’une robe noire, se rend dans une famille pour échanger avec le père et la mère de famille autour de la sensible problématique de l’excision. « Je me suis rendue ce matin dans cette famille sur rendez-vous pour échanger avec les deux premiers responsables de la famille, autour des effets néfastes de la pratique de l’excision. Après les salutations d’usage, j’ai décliné l’objectif de ma visite. Ainsi, le temps m’est accordé pour parler d’excision. C’est pratiquement ce que je fais avec ma communauté », dit-elle.
En sus de ces visites régulières des différentes familles, Houleymatou Diallo organise des causeries éducatives et des dialogues communautaires, « je travaille de façon mensuelle. Je programme des causeries autour de l’excision avec les femmes. Lorsqu’on se retrouve, on évoque les conséquences fâcheuses liées à la pratique de l’excision. Je leur en explique à l’aide de ma boîte à images. A terme, s’enchaînent des questions-réponses portant sur les zones d’ombre ».
Ce travail, Houleymatou ne le mène pas sans anicroches. Parfois, raconte-t-elle, elle se heurte à des résistances, des rejets, mais ces réactions isolées ne la découragent pas, au contraire, elle les écoute attentivement. Elle n’hésite pas à recourir à la boîte à images à sa portée et souvent, elle est aussi appuyée par les témoignages d’autres victimes silencieuses. Au final, les personnes se ravisent et s’engagent à abandonner définitivement la pratique pour la santé et le bonheur de leurs filles.

Houleymatou Diallo, présidente du CLERF de Diountou, en train de sensibilisation des femmes de sa communauté sur le préjudice que l’excision cause à la femme
Le combat de la présidente du CLEF commence à porter ses fruits. Tély Baïlo Diallo, la cinquantaine révolue, a décidé de ne plus faire exciser ses petites filles. « Au regard des souffrances que j’ai vécues, mes saignements quand j’ai été excisée moi-meme et ce que je vis actuellement, sans compter les sensibilisations faites, j’ai décidé de ne pas exciser mes petites filles. Je veille soigneusement sur elles », nous dit-elle déterminée.
L’une de ses petites filles, Djénabou Diallo, âgée de 13 ans et fréquentant la 6eme année, loue la décision prise par sa grand-mère « je suis très contente de cette décision de ma grand-mère de ne pas nous exciser, car l’excision entraîne d’atroces douleurs ainsi que des saignements pouvant conduire à la mort, me dit-elle souvent ». Depuis, Tély Baïlo Diallo est devenue femme mentor de sa communauté pour son dévouement contre la pratique des MGF.

Mme Tély Baïlo Diallo avec ses deux petites filles
A date, ce sont 6 filles non excisées qui ont été identifiées et placées sous sa surveillance.
Il faut rappeler qu’en juin 2021, la commune rurale de Diountou avait publiquement déclaré l’abandon de la pratique de l’excision.
Saa Momory KOUNDOUNO