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Sous la menace, le PM annonce l’ouverture d’un « véritable dialogue »

On pourrait dire que les régimes se suivent et se ressemblent en Guinée. En effet, en dépit des grandes annonces du CNRD depuis qu’il est à la tête du pays, il y a de cela 10 mois, il n’aura pas réussi à opérer la rupture avec le régime du président Alpha Condé. En particulier, il marche exactement sur les traces de ses prédécesseurs pour ce qui de son rapport avec les principales entités politiques et de la société civile. Comme jadis du temps de l’ancien président, l’équipe que coiffe le colonel Mamadi Doumbouya n’est pas naturellement disposée à l’écoute. Ce n’est que contrainte et forcée qu’elle consent à prêter une oreille attentive aux avis émanant des principales forces politiques et sociales du pays. C’est du reste ce que l’on peut tirer des annonces faites ce lundi par le premier ministre, seulement à la suite de la menace de manifestation que brandit le FNDC pour le 23 juin prochain.

Arrogance, fuite en avant et déni

Depuis des mois, à la revendication sans cesse renouvelée des acteurs politiques et de la société civile en faveur d’un dialogue avec les autorités, celles-ci n’ont répondu que par l’arrogance, la fuite en avant et même le déni. Et cette posture a commencé très tôt. En effet, dès le 14 septembre 2021, autrement une semaine après l’éviction d’Alpha Condé, le colonel Mamadi Doumbouya, en recevant la classe politique guinéenne dans le cadre des toutes premières concertations, prenait à partie cette dernière. Alors que la rencontre était censée aider à recueillir les propositions permettant de définir le contenu de la transition, le président du CNRD en avait profité pour imputer aux acteurs politiques les « erreurs du passé ». Ensuite, le 10 novembre, c’est le secrétaire général et non le ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation qui recevait la même classe politique, à la suite des problèmes relatifs à la désignation des 15 représentants des acteurs politiques au CNT. Si l’absence du ministre en personne avait été perçue comme un manque de considération à l’égard des acteurs politiques, c’est surtout la déclaration de son représentant laissant entendre qu’un « parti politique est égal à un parti politique » que d’aucuns avaient déploré comme semant davantage l’amalgame.

Le G58 pousse au réveil

Face aux nombreuses revendications de la classe politique, Mory Condé avait fini par recevoir tout le monde dans un réceptif hôtelier de la place, le 10 janvier dernier. Mais là aussi, ce ne fut point un dialogue. En marge du match Guinée-Malawi comptant pour la CAN, qu’il avait contraint ses invités à suivre avec lui, le ministre de l’Administration du territoire, avait plutôt présenté à ses invités sa vision des choses. C’est ainsi qu’il leur annonçait que ce n’est plus à la CENI d’organiser les élections, mais à son département. Et les choses en étaient restées là jusqu’à la toute première déclaration du G58 du 9 mars 2021. Déclaration dans laquelle les signataires, dénonçant la « vision unilatérale du CNRD dans la conduite de la Transition et des affaires publiques » et les « violations répétées de la Charte de la Transition dont l’article 77 relatif à la définition de la durée de la Transition », appelaient entre autres, à la « mise en place d’un cadre permanent de dialogue pour discuter du contenu de la Transition notamment de l’organe de gestion des élections et de la durée de la Transition, conformément à l’article 77 de la Charte ».

Une transition de 3 ans

Et c’est suite à cette déclaration que le ministre Mory Condé a adressé des invitations aux coalitions et plateformes de la société civile en vue de rencontres qui ont commencé à la mi-mars pour débattre des conditions de la mise en place d’un cadre de dialogue. Mais au terme de ces nouvelles concertations, c’est un cadre de concertation inclusif que le président de la Transition a créé le 6 avril via un décret diffusé dans les médias d’Etat. Encore qu’en réalité, ce cadre n’a véritablement pas fonctionné. Ignorant royalement les doutes et suspicions soulevés une nouvelle fois par les principaux acteurs de l’espace politique et de la société civile, le ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation rend publiques, sous la pression de l’ultimatum de la CEDEAO notamment, les dix étapes de la Transition, le 15 avril 2022. Quinze jours plus tard, dans une adresse à la Nation délivrée depuis une salle de classe à Boffa, le colonel Mamadi Doumbouya annonçait que la durée de la Transition serait de 39 mois. Durée que le CNT devait ramener ensuite à 36 mois.

La CEDEAO en embuscade

Comme on le voit, jusqu’ici, les rapports entre les autorités et les acteurs politiques et de la société civile, mais aussi avec la communauté internationale, ont été caractérisés par la méfiance. En sorte que le pays a frôlé les sanctions de la CEDEAO à l’issue du sommet extraordinaire du 4 juin dernier. Et de l’avis de tous les observateurs, celles-ci ne sont que différées si Conakry n’envoie pas les signaux positifs attendus. C’est donc dans ce contexte délétère que le FNDC a projeté sa manifestation de jeudi prochain. Manifestation à laquelle Sidya Touré et Cellou Dalein notamment appellent leurs militants respectifs à se joindre.

Mohamed Béavogui, enfin !

On comprend alors l’annonce du premier ministre de ce lundi 20 juin. Dans une démarche pragmatique, en effet, Mohamed Béavogui déclare : « Une invitation sera adressée par le ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation à tous les acteurs politiques et sociaux pour une rencontre que je présiderai, dans les prochains jours, pour définir ensemble des modalités d’un véritable dialogue sans tabou, franc et inclusif ». Jusqu’ici en marge du processus de retour à l’ordre constitutionnel, le chef du gouvernement reprend la main. Lui-même s’engage à prendre la direction des choses. Pour une fois, il agit en véritable chef de son équipe. Ainsi, alors qu’on osait à peine l’imaginer il y a quelques mois, le premier ministre annonce également que la CEDEA, l’UA et les Nations seront mises à contribution et que le G5 sera impliqué dans le suivi de la mise en œuvre des conclusions du dialogue à venir.

Si les choses se passent comme elles sont annoncées, cela pourrait sonner enfin le début de la Transition. Certes, on pourra toujours déplorer le temps inutilement perdu. Mais si la suite est gérée avec la bonne foi de toutes les parties prenantes, ce retard pourrait être comblé.

Boubacar Sanso Barry

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