C’est un sujet dont on ne parle pas souvent. Parce qu’il relève du tabou. Il est pourtant révélateur de toutes les difficultés que vivent les personnes handicapées dans une ville comme Conakry. L’inadaptation des toilettes publiques oblige cette catégorie de citoyens à limiter au strict minimum les déplacements ou à s’imposer des régimes alimentaires qui s’apparentent dans certains cas à une véritable diète. Ce, pour éviter d’avoir à recourir à des toilettes parfois débordant de déchets ou à exposer leur intimité aux personnes dont ils seraient obligés de solliciter l’aide.
« Cela me traumatise, quand je dois sortir de chez moi pour aller dans des lieux publics. Je sais que les toilettes publiques ne sont pas adaptées à mon handicap, la plupart du temps je décline l’invitation, mais quand c’est nécessaire, j’évite de beaucoup manger et de trop boire avant de sortir », confie Oumou Hawa Diallo. Responsable de communication de l’Organisation de secours aux personnes handicapés de Guinée (OSH-Guinée), elle s’appuie sur des béquilles pour se déplacer. Elle avoue que c’est au siège de son organisation qu’elle se sent le plus à l’aise. Justement, parce que les toilettes y « sont plus au moins adaptées à n’importe quel handicap ». D’ailleurs, « c’était la première condition du choix d’un bureau », explique-t-elle.
Ces commodités, Boubacar Timbo Barry ne les a pas dans son bureau. Rampant à quatre pattes, il est propriétaire d’une boite de transit, sise à Kaloum, le centre administratif et des affaires de la capitale guinéenne. Pour certains de ses besoins, il est obligé de parcourir des centaines de mètres pour aller à l’hôtel Kaloum. « Dans mon bureau, il n’y a pas de toilettes, j’utilise celles de mon voisin pour les petits besoins. Mais pour les gros besoins, je suis obligé d’aller à l’hôtel Kaloum où ils ont des toilettes adaptées », reconnait ce père de famille.
De fait, pour certaines de ces personnes, le rapport aux toilettes renvoie à de expériences fâcheuses. Un d’entre eux, la quarantaine, raconte ainsi une mésaventure vécue au grand marché de Madina : « J’ai eu un besoin pressant. Mais quand on m’a montré les toilettes, le besoin m’a quitté. Même celui qui a l’usage de ses jambes ne pouvait pas y entrer, à plus forte raison moi qui marche à quatre pattes ». Devant le spectacle hideux qui s’offrait à lui, il n’avait le choix que de rentrer à la maison. « J’ai dû écourter mes courses pour rentrer chez moi à Sangoyah »
Oumou Hawa Diallo, elle, se rappelle du choc qu’elle a ressenti quand, à l’occasion d’un atelier de formation, une amie à elle est tombée dans les toilettes. « Elle a glissé et est tombée dans les déchets (pipi et autres). Il a fallu appeler des gens qui l’on aidée à se laver et à se changer », se souvient-elle.
A l’heure de la refondation de l’Etat, ces personnes souhaiteraient que l’on tienne également compte de ces questions qui ne sont pas toujours au menu des débats sur la place publique. Il en va en tout cas de leur équilibre psycho-social. « Nous voudrions qu’à tous les 300 mètres, il y ait des toilettes accessibles aux personnes handicapées comme c’est le cas dans plusieurs pays développés », plaide Boubacar Timbo Barry
Asmaou Diallo