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IBRAHIM TRAORE : sous le treillis du capitaine, un politique à surveiller

Au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré s’efforce bien de se distinguer des politiciens de métier. Il se veut un militaire soucieux d’incarner la rupture notamment en matière de gestion. Mais politicien, il l’est plus qu’il ne veut en dire. En tout cas, il en a bien le potentiel. A commencer par l’art du dribble ou de la manipulation, c’est selon. Celui qui vient d’être désigné nouveau président de la Transition maîtrise également parfaitement cette fine technique qui consiste à faire rêver les populations que les politiciens ont en partage. Il s’en suit que ce capitaine-là, plutôt intelligent et futé, mérite qu’on le surveille de près. En particulier, il faudrait davantage se fier à ses actes qu’à ses promesses.

Le sentiment anti-français à la rescousse

L’on ne sait pas s’il fera mieux que le colonel Damiba qu’il a renversé, sur le front de la lutte contre le terrorisme. Mais il est désormais certain que le capitaine Ibrahim Traoré est un fin manœuvrier dans la conquête du pouvoir. Alors qu’il est établi que le rapport de force ne lui était guère favorable, il a brillamment réussi à retourner les choses en sa faveur. Et depuis le week-end dernier, il est le tout nouveau président de la Transition. Pour y arriver, il est allé progressivement, étape par étape. D’abord, le 30 septembre, quand il a réalisé que les choses risquaient de lui échapper et que son coup d’Etat n’était pas tout à fait consommé, il a fait diffuser un communiqué insinuant très insidieusement un lien entre le camp de colonel Damiba et la France. Parfaitement au courant de la perception qu’on a de l’ancienne puissance coloniale, il savait que c’est le cri de ralliement qu’il lui fallait pour mobiliser du monde dans les rues de Ouagadougou et ainsi déjouer les plans de l’adversaire. Bien sûr, cette stratégie qui puise dans le cynisme qu’on reproche aux acteurs politiques, a eu des conséquences fâcheuses avec les attaques dont les locaux de l’ambassade de France et l’Institut français à Ouaga et à Bobo Dioulasso ont fait les frais. Mais pour le capitaine Traoré, l’approche s’est révélée d’autant plus efficace que le lendemain, le colonel Damiba avait signé sa lettre de démission.

Illusion et savante mise en scène

Une autre manœuvre dont a intelligemment usé le capitaine Ibrahim Traoré, c’est cette illusion qu’il a entretenue à propos du président de la Transition. Dès le premier communiqué de prise du pouvoir, il annonçait en effet que c’est aux forces vives de la Nation, au terme des Assises nationales, de désigner le président de la Transition, militaire ou civil. « Militaire ou civil », voilà qui a fait dérouter tout le monde. Tous les observateurs ont jubilé, y voyant la marque distinctive de ce jeune capitaine. « C’est quelque chose de tout à fait nouveau », a-t-on entendu. « Le pouvoir ne l’intéresse pas. Il va trouver un président de la Transition et lui va se concentrer sur la question de la lutte contre le terrorisme », se sont écriés les plus naïfs. Or, deux semaines après, on se rend compte qu’on a été bernés. Que nous avons tous été emballés par cette savante mise en scène. Ciblant notre côté émotif, le capitaine a ainsi réussi à récolter la sympathie dont il avait besoin sur le moment. Pour s’offrir la légitimité circonstancielle indispensable à tout auteur de coup d’Etat, il a joué à celui qui ne s’intéressait pas au pouvoir, à celui dont le peuple et l’insécurité sont l’unique préoccupation. Et bien sûr, l’argument était imparable.

Gènes de politicien

Mais ces stratagèmes ont leur revers. En particulier, l’opinion publique peut s’estimer avoir été foulée, trompée et même trahie. Dans le cas de l’insinuation du lien avec la France, il y a eu à la fois de la manipulation et de l’instrumentalisation. Des pratiques qui ne sont pas dignes d’un leader qui veut inscrire ses actions dans la rupture. Tromperie et mensonge, il y en a eu également à propos de la présidence de la Transition. Le capitaine Traoré a d’abord fait croire que son rôle se limitait à l’expédition des affaires courantes, le temps que le président définitif soit désigné. Or, il n’en était rien. Bien sûr, ce genre d’attitude altère la confiance entre un leader et les populations. Si la stratégie s’est révélée incroyablement efficace jusqu’ici, le jeune président devrait ne pas en abuser. Sinon, il n’est pas à l’abri du sort qu’il a réservé à son prédécesseur. En tout état de cause, les Burkinabè auraient tort de ne pas le surveiller de près. Rien n’excluant que sous son magistère, il y ait un glissement à la durée de la Transition. Même s’il a été arrêté que celle-ci ne connaisse aucune modification. Mais après tout, le capitaine Traoré a en lui les gênes des politiciens sur lesquels nous crachons à longueur de journée.

Boubacar Sanso Barry  

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