Depuis ce samedi 7 janvier, les 46 soldats ivoiriens jadis détenus au Mali depuis le 10 juillet 2022, sont de retour au pays. La Côte d’ivoire toute entière et leurs familles respectives étaient très heureuses de les accueillir ce week-end à la suite de la grâce que le président de la Transition du Mali leur a accordée 24 heures plus tôt. C’est donc le grand dénouement dans cette crise. Une issue heureuse dont tout le monde se félicite. D’abord, Alassane Ouattara qui a accueilli l’évènement avec un grand soulagement. Le Mali ensuite dont les dirigeants se persuadent de n’avoir pas cédé à l’ultimatum de la CEDEAO. Et entre les deux, le Togo dont la diplomatie peut légitimement revendiquer ce happy end. Et la CEDEAO dans tout ça ? On imagine que l’organisation régionale n’était jamais loin. Mais il est vrai que les autorités de transition maliennes ont réussi à sauver la face.
Au demeurant, la crise autour des soldats ivoiriens était présentée comme un bras-de fer. Mais à l’arrivée, il n’y a pas de véritable vainqueur. Si ce n’est peut-être le Togo dont la diplomatie en aura profité pour se mettre en selle au niveau régional et peut-être au-delà. Pour le reste, le récit du dénouement dépendra de celui qui le raconte.
Solution bilatérale
Pour les autorités maliennes, l’essentiel est sauf. Cet essentiel étant que le Mali ne renvoie pas l’image d’un pays qui a plié sous la pression de la communauté internationale en général et de la CEDEAO en particulier. C’est en cela qu’en lieu et place de la date du 1er janvier que l’organisation régionale avait retenu comme date butoir à l’issue de son sommet du 4 décembre, ce n’est que ce 7 janvier que les soldats ivoiriens sont rentrés chez eux. Ensuite, les autorités maliennes ont tenu à ce que la solution soit perçue comme étant bilatérale. D’où le mémorandum d’entente signé le 22 décembre entre les deux pays à Bamako. Enfin, le vendredi soir, en annonçant la grâce présidentielle sur les ondes de la télévision malienne, le colonel Abdoulaye Maïga s’en est nommément pris au président exercice de la CEDEAO, Umaro Sissoco Embalo, dont il a dénoncé « l’attitude agressive ». Evoquant dans la foulée l’ultimatum qui avait été donné au gouvernement malien et qu’il impute au (seul) président de la Guinée Bissau, il martelait également que le Mali n’est plus un « pays intimidable ».
La menace, facteur déterminant
Du côté de la CEDEAO et de la Côte d’Ivoire, on doit certainement percevoir les choses de manière relativement différente. Même s’il est vrai qu’Alassane Ouattara observe plutôt le profil bas et adopte une posture étonnamment conciliante. Mais force est de reconnaître que si on en est aujourd’hui à ce dénouement, c’est parce que les chefs d’Etat de la sous-région ont haussé le ton à l’issue de leur dernier sommet. De juillet à novembre dernier, il n’y avait aucune espèce de solution en vue. Mais il a fallu que l’option de nouvelles sanctions soit mise dans la balance, pour que du côté de Bamako, les colonels consentent à entendre raison. Peu importe comment ils s’y sont pris ensuite. L’élément déclencheur que l’on retient, c’est que la menace de nouvelles sanctions a fait bouger les lignes. Et c’est tant mieux.
Populisme politique
Ceci étant, si la libération des soldats ivoiriens est ultimement à mettre au crédit de la fermeté dont la CEDEAO a fait montre, cette dernière se doit tout de même d’avoir le triomphe modeste. Parce qu’il convient de faire remarquer que les choses ont été plus laborieuses qu’espérées. Autant ce bras de fer a mis en évidence la force de la CEDEAO, autant il a aussi révélé ses limites. Limites particulièrement importantes face à un pouvoir malien qui fait dans du populisme politique. Un populisme politique puisant dans un nationalisme ravivé par la défiance des opinions publiques vis-à-vis des politiciens de métier. Et vu que les juntes guinéenne et burkinabè surfent sur la même vague, la CEDEAO se doit être aussi vigilante que prudente. Parce qu’avec ce qui s’est passé il y a deux ans aux Etats-Unis et ce qui se passe depuis hier au Brésil, il est amplement démontré que le populisme politique n’est pas un courant marginal. Autant alors le prendre au sérieux.
Boubacar Sanso Barry