18 avril 2023, inauguration du Pont de Kagbelen et l’attribution du nom de Président Paul Kagamé à cette infrastructure majeure par son hôte, lui le Président Mamadi Doumbouya, une action normale sous d’autres cieux et qui suscite moult débats en Guinée, les uns soutenant l’acte et d’autres préférant une autre appellation. Pourquoi ? Au-delà de ces grincements de dents et de soutiens de part et d’autre et en dehors de ce cas précis, vu la récurrence de ce débat, il y a lieu de se poser la question fondamentale de l’établissement d’une véritable politique nationale de la toponymie en Guinée, à titre d’élément marqueur d’histoire d’un pays.
Dans la présente tribune, nous allons tenter de répondre aux deux questions qui suivent. Pourquoi et comment mettre en place une véritable politique nationale de la toponymie en Guinée ?
Pourquoi établir une politique nationale de la toponymie en Guinée ?
En dehors du cas emblématique ci haut cité et qui est tout à fait normal à nos yeux, il y a lieu de faire un constat sur une absence totale d’une politique cohérente en ce sens surtout ces derniers temps. Pourtant, dans un passé récent, des efforts ont été enregistré en ce sens avec les promotions des universités guinéennes qui portaient de nom comme Promotion Samory et autres. De nos jours, il est courant de voir les facultés d’une même université porter divers noms, souvent d’un simple bienfaiteur du coin pour des espèces sonnantes. S’il est vrai qu’il faille respecter la liberté et l’autonomie des uns et des autres, il serait tout de même important d’encadrer ce processus. Également en dehors de certaines grandes artères de la capitale qui disposent de dénomination significative, salutaire dans l’intention, l’adressage des rues de Conakry comporte des noms bizarres et n’ayant aucune signification du genre Rue DI 407 pour Dixinn, Rue KA 05 pour Kaloum et nous passons, comme si nous n’avons pas suffisamment de héros, de dates et de faits historiques dignes de recevoir commémoration. Il y a le cas par exemple de l’Université de Kindia qui aurait pu porter le nom du Pr Djibril Tamsir Niane à son décès. L’ensemble de ces écueils invite à élaborer et mettre en œuvre une politique nationale cohérente en matière de toponymie en Guinée.
Comment mettre en place une politique nationale de la toponymie en Guinée ?
Il faut s’orienter vers deux aspects à la fois normatifs et institutionnels. Du point de vue normatif, il faudrait élaborer une politique nationale de la toponymie soutenue par une loi et des règlements qui tiennent compte de l’histoire du pays. Une telle politique définira les principes, les objectifs et autres aspects d’une toponymie inclusive et fidèle à l’histoire du pays. La Loi et ses règlements encadreront les critères, les règles et les procédures d’attribution de noms à des lieux symboliques et les organes en charge de leur mise en œuvre. Du point institutionnel, il y a lieu de mettre en place une commission nationale de la toponymie en Guinée avec ses démembrements à l’échelle du pays. Une telle commission aura une mission de recherche, d’analyse et de recommandation des toponymies en Guinée. Elle pourra établir des causes d’exclusion en raison de controverses ou potentialités d’atteintes au vivre en commun.
La toponymie ne relève pas d’un fait du hasard mais il s’agit pour la nation de reconnaître de manière concrète et publique l’apport des personnalités à l’édification du pays, souligner des faits significatifs à son évolution et à la marche du monde.
Conakry, le 05 mai 2023
-Juris Guineensis No 48.
Me Thierno Souleymane BARRY, Ph.D
Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour