Si les faits venaient à s’avérer, cela ferait l’effet d’un gros paradoxe, eu égard aux relations plutôt cordiales entre les autorités guinéennes et maliennes. Pourtant, l’hypothèse a clairement été évoquée le jeudi dernier, devant le tribunal militaire, à l’ouverture du procès sur le vol d’armes au camp de Samoreyah (Kindia). Dans le box, 4 militaires et 1 civil, accusés de vol, vente et transfert illicite d’armes, recel, complicité, blanchiment de capitaux et financement du terrorisme.
Sous-lieutenant Aboubacar Sidiki Kaba, caporal Karinka Doumbouya, caporal Lancinet Oularé et caporal Moussa Sidibé sont tous les quatre en service au magasin d’armement du centre d’entraînement aux opérations de maintien de paix (CEOMP) de Kindia. Le cinquième mis en cause, Mamadi Kaba, quant à lui, est membre du syndicat des transporteurs de Gomboya.
Au-delà de l’évocation du nom du général Sadiba Koulibaly, ancien chef d’Etat-major général des armées, la lecture des procès-verbaux des accusés a surtout fait émerger l’hypothèse que certaines des armées dérobées aient été transférées à un groupe terroriste évoluant au Mali voisin. Le sous-lieutenant Aboubacar Sidiki Kaba reconnaît notamment avoir fait un commerce d’armes avec le groupe Etat islamique basé au Mali.
Une hypothèse que ne réfute pas le caporal Lancinet Oularé. S’il se défend d’être mêlé à cette sombre affaire, il admet néanmoins que les armes ont été sorties par le sous-lieutenant Kaba. Ce dernier lui aurait indiqué que c’est sur instruction du général Sadiba Koulibaly et que le stock devait servir à neutraliser un groupe à Madina Oula (frontière Guinée-Sierra Léone). Mais curieusement, les armes n’ont jamais pris la direction de ce lieu. Au contraire, c’est à Kankan que 19 des 175 armes ont été saisies par la gendarmerie de sécurité routière de cette ville frontalière du Mali. Il ressort même du procès-verbal du caporal Oularé que le reste du stock « est arrivé à son destinataire, au Mali ».
Cela laisse supposer que des militaires guinéens ont fourni un groupe terroriste sévissant au Mali en armes. A priori, une telle nouvelle ne peut guère faire plaisir au colonel Assimi Goïta et à ses camarades. Mais il y a pire pour la Guinée. En effet, si le contenu des procès-verbaux venait à se confirmer à l’issue du procès, il en ressortirait que des groupes terroristes opérant au Mali sont en contact avec certains éléments de l’armée guinéenne. Une éventualité qui n’a rien de rassurant.
Bien sûr, dans le contexte de la disgrâce de l »ancien chef d’Etat-major général des armées, certains pourraient voir dans toutes ces allégations une affaire montée de toutes pièces pour justifier sa chute et sa déchéance.
En tout état de cause, le procès se poursuit le mardi prochain devant le tribunal militaire.
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