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CONSTRUCTION DU CONSTITUTIONNALISME EN GUINÉE : PLUS DE 30 ANS À LA RECHERCHE D’UNE VOIE. ESSAI DE BILAN ET PERSPECTIVES

                                                   PROPOS PRÉLIMINAIRES :

Ils portent sur les constitutions guinéennes (à partir de 1990) et les élections présidentielles (depuis 1993).

Il faut d’abord faire un clin d’œil sur un pan de notre démocratie électorale.

1-Les élections présidentielles :

Depuis l’avènement du renouveau démocratique en Guinée, six (6) élections présidentielles ont été organisées :

-élection présidentielle de 1993 : Lansana Conté (paix à son âme) est élu (pour 5 ans) pour la première fois, Président de la république dès le premier tour ;

-élection présidentielle de 1998 : Lansana Conté réélu pour 5 ans ;

-élection présidentielle de 2003 (avec le boycott de la majorité des leaders de l’opposition) : Lansana Conté sera réélu pour 7 ans ;

-élection présidentielle de 2010 : Alpha Condé, 2e au premier tour sera élu (pour 5 ans) Président de la république, au second tour ;

-élection présidentielle de 2015 : Alpha Condé réélu dès le premier tour ;

-élection présidentielle de 2020 : Alpha Condé réélu pour six (6) ans.

Ce rappel s’inscrit dans le cadre de l’alternance politique, consacrée comme « disposition parlante » des constitutions, en ce qui concerne une démocratie plus inclusive.

Après ce survol dans les « annales électorales », nous planterons le décor sur les constitutions guinéennes qui feront l’objet de développements.

2-Les constitutions :

La présente tribune a un champ de délimitation dans le temps. Elle prend son ancrage temporel dans les années 1990. Cette date marque l’avènement du renouveau démocratique en Afrique (noire francophone notamment), exigé lors du sommet franco-africain de la Baule de juin 1990, avec pour principes-mode-nouvelle constitution, indépendance de la justice entre autres. Elle fait donc abstraction des deux premières constitutions guinéennes (celle du 10 novembre 1958 et celle du 14 mai 1982), étant entendu que la Charte de la transition (petite constitution selon la doctrine) ne sera abordée que sommairement.

Ce choix se justifie, non pas par un manque d’intérêt pédagogique pour lesdites constitutions, mais par les impératifs de bilan (du constitutionnalisme guinéen), plutôt braqués sur les différentes phases de cette période trentenaire (1990-2020) de pratique constitutionnelle.

Ainsi, il est important de rappeler une définition donnée du constitutionnalisme comme étant « l’organisation des régimes politiques dans le sens de la limitation du pouvoir et la protection des droits et libertés fondamentaux contre l’absolutisme et l’arbitraire ».[1]

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La Guinée est-elle devenue un pays-musée des constitutions ?

Cette interrogation contextualise en Guinée l’affirmation de Georges Vedel quand il qualifiait la France, en référence à l’abondance des textes constitutionnels, de « pays-musée des constitutions ».  Car quand nous entrons dans notre « MUSÉE DES CONSTITUTIONS », nous y trouverons cinq (5) constitutions déjà « muséifiées ». Mais, les exigences de la présente exploration, commandent, que, abstraction soit faite des deux premières (1958 et 1982).  Les trois qui font l’objet de développements de la présente tribune marquent donc le cycle constitutionnel des trente (30) dernières années. Évidemment, une analyse orientée sur la décadence qui a marqué ces trois constitutions établit que ce cycle est empreint d’une instabilité constitutionnelle. Ceci est une confirmation de l’instabilité constitutionnelle évoquée par le Professeur M. Ahanhanzo GLÉLÉ « Si l’Afrique adopte, remet en cause, suspend, abroge, puis renouvelle la Constitution, instituant ainsi une instabilité constitutionnelle, c’est simplement parce qu’elle cherche sa voie ». Cette recherche d’une voie (la meilleure) a fait que la Guinée a connu trois (3) constitutions en seulement 30 ans (de 1990 à 2020), avec des évènements politiques inédits ; soit numériquement une constitution chaque 10 ans.

Ainsi, cette tribune se veut un cadre d’analyse des faits marquants de ce constitutionnalisme à plusieurs visages.

C’est dans cette dynamique que dans les lignes qui suivent, la première empreinte, portera sur un constitutionnalisme à plusieurs visages (I), et dans un second temps, les lentilles juridiques scruteront les options constitutionnelles d’un constitutionnalisme en gestation (II).

I. UN CONSTITUTIONNALISME À PLUSIEURS VISAGES :

Marqué par trois visages de constitutions, le constitutionnalisme de 1990 à 2020 a connu des variations tantôt de basse altitude, parfois de haute altitude, qui méritent d’être rappelées.

A. LA LOI FONDAMENTALE DU 23 DÉCEMBRE 1990 : UNE CONSTITUTION À DEUX

VISAGES 

Après la prise du pouvoir par l’armée en 1984 (le Comité Militaire de Redressement National-CMRN, devenu par la suite CTRN), la suspension de la Constitution de 1982 suivie d’une période de pratique des ordonnances, la Loi Fondamentale sera adoptée par référendum en 1990. Expression d’une rupture avec les constitutions de 1958 et 1982, la Loi Fondamentale du 23 décembre 1990 marqua l’entrée de la Guinée dans l’option libérale (ce choix se justifiait aussi par le déclin des régimes communistes-la chute du mur de Berlin en 1989).

Cette option libérale, fut, dans le sillage du sommet franco-africain de la Baule de juin 1990, le point de départ d’une nouvelle ère de « démocratie constitutionnelle » consacrant la séparation des pouvoirs avec pour corollaire le pluralisme politique et institutionnel.

Des espoirs nourris à la déception, la Loi Fondamentale a connu deux versions, initiale et révisée.

  1. Des espoirs nourris par le texte initial

a. La séparation des pouvoirs

La distinction constitutionnelle des pouvoirs était la plus grande promesse du renouveau démocratique des années 1990. En effet, tirant les leçons du passé constitutionnel plutôt empreint de confusion des trois pouvoirs dans l’institution présidentielle, le constituant de 1990 a consacré la séparation des pouvoirs en vue d’un fonctionnement serein des institutions. Le principe de la séparation des pouvoirs était même érigé en une intangibilité constitutionnelle (al. 5 de l’article 91).

En confiant distinctement les pouvoirs exécutif au Président de la république, législatif à l’Assemblée nationale, et judiciaire aux cours et tribunaux, le constituant a certes marqué une rupture (formellement) avec les deux constitutions précédentes mais la pratique (immixtion récurrente de l’exécutif dans le fonctionnement des deux autres pouvoirs) qui en sera faite confirmera les propos du président De Gaulle « une constitution c’est l’esprit, les institutions et la pratique ».  Ce principe consacré n’était pas le seul espoir nourri. Le constituaient également la durée et le nombre de mandats présidentiels.

b. La durée et le nombre de mandats présidentiels

Dans l’histoire constitutionnelle de la Guinée, le texte initial de la Loi Fondamentale est celui qui consacra pour une première fois la durée du mandat présidentiel à cinq (5) ans (7ans dans les deux premières constitutions) et sa limitation à deux (illimitation dans les deux premières).

Prenant leur ancrage dans l’article 24 de la Loi Fondamentale, la durée et le nombre de mandats présidentiels étaient les marques de justification de la rupture constitutionnelle opérée en 1990.

Ce renouveau constitutionnel, tant souhaité auparavant, s’inscrivait dans le registre de la deuxième génération de textes constitutionnels [2].

Considérés comme critère d’appréciation de la dévolution du pouvoir, la durée et le nombre de mandats rassurent, leur respect instaure un climat de confiance entre les acteurs politiques, et permettent donc l’alternance au pouvoir avec son corollaire de renouvellement de la classe politique.

Malheureusement cette palette de la « constitution politique » sera détruite par la révision constitutionnelle problématique du 11 novembre 2001.

2. Aux espoirs déçus de la révision du 11 novembre 2001 :

« Il n’y a pas de texte constitutionnel immuable ».

Dans ce sens, la Constitution béninoise de 1990 et la Constitution malienne de 1992 ont connu l’usure du temps pour être révisée (la première en novembre 2019) ou changée (la seconde changée en juin 2023). Alors qu’elles étaient « gardées à l’abri d’attouchements opportunistes, de manipulations maladroites voire de mutilations profanatoires ».[3]

Dans la dynamique d’enraciner davantage son pouvoir, le Président CONTÉ entreprit une révision constitutionnelle précédées de promesses politiques destinées à détourner l’attention de l’essentiel.

a. Une source d’instabilité constitutionnelle : la modification de l’article 24

En modifiant l’article 24 de la Loi Fondamentale, les autorités d’alors créaient un mauvais précédent : l’instabilité constitutionnelle.

La stabilité d’une constitution réside dans la résistance au temps des dispositions qui encadrent l’exercice du pouvoir. En ce sens, il est dit que « la quasi-totalité des modifications constitutionnelles tournent autour du Chef de l’État ».[4]

La révision de 2001 s’inscrivait dans la catégorie des révisions qualitatives consistant à modifier des dispositions fondamentales (constitution politique) du texte constitutionnel. Surtout, l’ancrage (article 45 de la Loi fondamentale-version initiale) de la procédure utilisée à l’époque était prévu pour les lois ordinaires.

b. Une source de continuité politique : l’appétit pour une longévité présidentielle

Si la Constitution devient « un chiffon de papier », le boulevard est ouvert au maintien du président au pouvoir. La limitation du nombre de mandats présidentiels, si elle est consacrée par les textes constitutionnels (normes), ses effets politiques restent très sensibles dans la construction de la démocratie et de l’État de droit.

C’est dans ce souci même que LE RESPECT D’UN TEXTE CONSTITUTIONNEL EST UNE GARANTIE DE LA ROTATION DE L’ÉLITE POLITIQUE AU POUVOIR.

La modification du verrou constitutionnel (article 24 de la Loi Fondamentale) en 2001, relatif au nombre de mandats présidentiels, a laissé le précédent que chaque président, dans l’avenir, aurait le droit de faire autant. L’histoire récente en la matière est connue !

Avec cette révision, le mandat présidentiel est passé d’un quinquennat (5ans) à un septennat (7 ans), renouvelable (article 24)-indéfiniment. Alors que la durée de mandat a été réduite à 5 ans en France, en 2002 (depuis 1958 le mandat du Président de la république était de 7 ans, renouvelable indéfiniment).

Ce n’est qu’avec la Constitution de 2010 que la durée de mandat sera réduite à 5 ans (quinquennat), renouvelable une seule (article 27). Mais la Constitution de 2020 va, à l’article 40, la rallonger à 6 ans (sextennat).

C’est dire que depuis 1990, la durée de mandat présidentiel en Guinée, ressemble à « un vol de moyenne et haute altitude ».

Arrivée est l’étape de passage d’un constitutionnalisme à deux visages aux deux constitutions (2010 et 2020) polémiques.

B. LES CONSTITUTIONS DE 2010 ET 2020 : DEUX CONSTITUTIONS POLÉMIQUES

Toutes les deux faites dans des conditions peu fiables, les constitutions de 2010 et 2020 ont connu des critiques qui resteront à jamais dans l’histoire constitutionnelle de la Guinée.

  1. La Constitution de 2010 : une constitution à légitimité discutée (de l’anormalement normal)

Plus d’un an après la suspension de la Loi Fondamentale suite à la prise du pouvoir par l’armée (le Conseil National pour la Démocratie et le Développement-CNDD), la Constitution de 2010 a été adoptée et promulguée en mai de la même année.

Prenant sa source inspiratrice dans l’accord de Ouagadougou du 15 janvier 2009 (accord politique signé par le Général Sékouba Konaté et le Capitaine Moussa Dadis Camara, sous l’égide du Président Blaise Compaoré, portant sur la conduite de la transition), la Constitution guinéenne du 7 mai 2010 avait fait l’objet de beaucoup de polémiques quant à son mode d’adoption. S’écartant des modes démocratiques (notamment le référendum) d’adoption de la Constitution, elle a tiré « sa légitimité » du Conseil National de la Transition, qui l’adopta, et du président de la transition, qui la promulgua par ordonnance.

Ignoré en amont comme en aval, le peuple de Guinée n’a pas eu la chance de donner son onction de légitimité au texte qui allait devenir la Constitution de l’État. Cette volonté de faire une « constitution illégitime » n’était pas anodine. Deux « vrais-faux arguments » peuvent être rappelés :

  • De l’argument tiré du manque de volonté des partenaires techniques et financiers (PNUD, Union africaine, Union européenne…) d’accompagner la Guinée dans l’organisation d’un référendum constituant :

Cet argument avait été développé par certains qui étaient plutôt mus par des intérêts électoraux (l’élection présidentielle notamment). Ils alléguaient que les partenaires techniques et financiers (cités haut) n’étaient pas prêts à financer l’organisation de trois scrutins, à savoir un référendum constituant, une élection présidentielle et des élections législatives au compte d’une seule transition.

Aussi pertinent que puisse paraître cet argument, il pêche évidemment dans l’analyse quant aux effets d’illégitimité qu’il a contribué à donner à la Constitution de 2010.

Pour la réussite du scénario, un second argument, consensuel entre acteurs politiques, a été tenu.

  • De l’argument tiré de la possibilité de changer la Constitution par celui qui sera élu président de la république (2010) :

L’un des éléments qui expriment le caractère « programmatique » de la Constitution de 2010 est de s’entendre (les futurs candidats à l’élection présidentielle de 2010), pour motif de non-délivrance du « brevet populaire », pour son changement quelques années plus tard en vue de se maintenir au pouvoir. Rassurés (les candidats de grosse pointure), des leaders politiques étaient bien favorables à cette option sans en réaliser ses risques qu’ils couraient. La suite est connue quand le pouvoir du Président Alpha Condé a utilisé le même argument pour parler d’abord de révision constitutionnelle (concernant surtout les dispositions relatives au nombre et à la durée de mandat présidentiel) avant de passer par l’option de changement constitutionnel. C’était du « profite qui peut » !

Mutatis mutandis, on ne peut remettre en cause la légitimité d’une constitution sur la base de laquelle on a fait deux mandats présidentiels de dix (10) ans.

Dès lors, la question de la légitimité de la Constitution de 2010 était plus politique que juridique d’autant qu’elle avait été, au moins adoptée par un organe qui faisait office d’Assemblée nationale, et promulguée par le président de la transition d’alors. Ne dit-on pas souvent qu’« aux circonstances exceptionnelles, des mesures exceptionnelles »?

Également critiquée dans le processus qui a abouti à son avènement, la Constitution de 2020, à légitimité disputée, a connu « trois visages ».

2. La Constitution de 2020 : une constitution à légitimité disputée (au normalement anormal)

Jamais une constitution guinéenne n’a aussi été polémique tant son processus d’avènement a défrayé la chronique. Manifestations politiques (notamment portées par le Front National de Défense de la Constitution au sein duquel certains politiques s’étaient confondus), tribunes sur la possibilité (juridiquement ou politiquement) ou non d’une nouvelle constitution, débats d’émissions, attaques verbales très sévères sur les réseaux sociaux auront été ces moments sensibles dans l’histoire constitutionnelle de notre pays. Ce mauvais climat politique continuera jusqu’après l’élection présidentielle du 18 octobre 2020, émaillée de violences post-électorales. Tant d’évènements ayant pour dénominateur commun : la Constitution de 2020.

Mais avant d’aller au fond de cette question, il n’est pas superflu de faire quelques mises au point.

D’abord, sur le droit de se doter d’une constitution.

C’est un droit naturel pour un peuple de se doter d’une constitution inconsidérément des dispositions « intangibles » dans celle qui est en vigueur (si c’est le cas). C’est pour mettre la Constitution à l’abri de l’usure du temps (Pr Martin Bléou) qu’il a été dit en France que « les générations actuelles ne peuvent engager les générations futures ».[5] Même si, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le nombre de mandats présidentiels dans ce pays, est limité à deux.

La Constitution, texte fondateur et organisateur de l’État, est l’expression du bien commun entre ceux qui gouvernent (notamment le Président de la République) et les gouvernés (le peuple).

Ensuite, sur l’avis de la Cour constitutionnelle sur la possibilité d’adoption d’une nouvelle constitution.

Contrairement à une conception qui avait été défendue à l’époque, fondée sur l’article 51 de la Constitution de 2010 « Le Président de la république peut, après avoir consulté le Président de l’Assemblée Nationale, soumettre à référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics… », le juge constitutionnel a plutôt puisé ses ressources tant dans l’esprit de la Constitution que dans les valeurs reconnues par les principes généraux de droit (PGD), pour donner une suite favorable à la possibilité pour le Président de la République de soumettre à référendum un projet de nouvelle constitution.

En effet, c’est dans l’avis N° 002/2019/CC du 19 décembre 2019 que le juge constitutionnel a donné une suite favorable au Président de la République d’initier le projet de constitution. Pour ce faire, il s’est appuyé notamment sur l’article 21, al. 2 « Le peuple de Guinée détermine librement et souverainement ses institutions et l’organisation économique et sociale de la nation ». Dès lors, il a mis en œuvre l’option souverainiste de la Constitution comme moyen pour le Président de la République de soumettre à référendum le projet d’une nouvelle constitution. Il a décidé donc que le peuple étant souverain, dispose du droit légitime, à travers le Président de la République, de se doter d’une nouvelle constitution.

Adoptée par référendum après des cas de morts de manifestants opposés à son avènement, la Constitution guinéenne du 06 avril 2020 a connu « trois visages ».

a. La constitution des politiques (première version) :

Le péché originel de la Constitution de 2020 est de n’avoir pas connu un organe de rédaction officiellement identifié. Même dans les rangs du parti au pouvoir d’alors, un mystère planait sur l’identité de ses rédacteurs.

Proposé par l’exécutif, le projet de constitution de 2020 comportait des dispositions audacieuses (notamment celles relatives aux candidatures indépendantes) qui exprimaient un certain élan de rupture par rapport à la pratique électorale, même si globalement, ledit projet n’était qu’une relecture de la Constitution de 2010. Mais l’on se rendra compte que ces « promesses constitutionnelles » n’étaient que des artifices qui consistaient à aboutir à une constitution concoctée, voulue par les politiques du pouvoir.

Le peuple dont la Constitution a vocation de régir, a été pris en tenaille par la constitution des politiques et la constitution du juge.

b. La constitution du peuple (deuxième version) :

Consulté le 22 mars 2020 pour se prononcer par référendum, le suffrage du peuple, (89, 76 % de OUI) qui devait légitimer le projet de constitution en vue de son appellation « CONSTITUTION DE L’ÉTAT GUINÉEN », s’est exprimé dans les urnes même si la transparence du scrutin référendaire est plus ou moins discutable (nul besoin de faire un développement y afférent). L’espoir nourri chez certains guinéens sera déçu à la fin du processus constituant. Car le projet de constitution adopté par référendum ne sera pas enfin de compte, le texte constitutionnel qui était voulu.

Intervenue en dernière position, c’est l’onction donnée par le juge constitutionnel (confirmée par un décret de promulgation du président de la république) qui emportera et sera donc définitive.

c. La constitution du juge (troisième version) :

En faisant sienne la constitution des politiques, alors qu’il était le gardien de la Constitution, le juge constitutionnel a posé un mauvais précédent dans l’histoire constitutionnelle de la Guinée. La voix du peuple exprimée dans les urnes est sacrée ; elle ne saurait être modifiée.

En effet, c’est dans l’arrêt N° AE 007 du 03 avril 2020 que la Cour constitutionnelle a proclamé les résultats définitifs du référendum du 22 mars 2020 pour l’adoption d’une nouvelle constitution. C’est en se fondant sur l’article 93, al. 3 de la Constitution « La Cour constitutionnelle veille à la régularité des élections nationales et des référendums… » que la Cour dira que « le projet de constitution adopté par 89, 76 % de OUI contre 10, 24 % de NON, devient la Constitution de la république de Guinée après sa publication au journal Officiel de la république ».[6]

Poursuivant sa dynamique, après que des falsifications (y aurait-il falsification en cas de changement de terminologie pour dire la même chose ?) du projet de constitution aient été constatées, la juridiction constitutionnelle rendra l’arrêt N° AC 014 du 11 juin 2020 pour déclarer, en se référant à son arrêt du 03 avril 2020, que le projet de constitution adopté par référendum le 22 mars a déjà été promulgué par décret D/2020/073/PRG/SGG du 06 avril 2020 et publié au journal Officiel de la république, le 14 avril 2020.

Dans cet arrêt, la juridiction constitutionnelle avait été saisie par une quinzaine de députés (de la mouvance présidentielle notamment) et une plate-forme de la société civile aux fins d’invalidation de la Constitution promulguée. Rien n’en a été ! Car la solution de droit donnée par la haute juridiction consistait à préserver sa propre jurisprudence (une certaine défense de l’unité de l’ordre juridique).  En ce sens, le juge qui avait déjà opté pour l’examen en la FORME sans aller au FOND dans sa saisine sur le projet de constitution, (arrêt N° 002/2019/CC du 19 décembre) ne pouvait, logiquement, se prononcer sur la substance du projet de Constitution dont certaines dispositions ont été falsifiées.

Cependant, cette logique de défense de sa jurisprudence a péché dans son refus de rétablir les dispositions du projet de constitution qui ont fait l’objet de falsifications. Car il était temps, puisque le juge constitutionnel a le dernier mot (caractère définitif de ses décisions), de redonner au peuple ce qu’il avait exprimé dans les urnes.  Quelle occasion ratée !

En termes de responsabilité, il faut se demander de savoir qui avait commis ces falsifications ?  Certaines voix s’étaient fait entendre, notamment celle du Barreau de Guinée, pour demander des poursuites contre les présumés auteurs, conformément aux dispositions du Code Pénal s’agissant de l’infraction de « faux en écriture publique »[7]. Mais rien n’en a été ! Et malheureusement, c’est sur la base de cette constitution que l’élection présidentielle de 2020 sera organisée sur fond de crise et suivie de violences post-électorales qui ont fait un bilan humain et matériel désastreux.

Une fois cette page tournée, nous entrons dans la phase de la transition régie par une Charte.

Bien que ne faisant pas partie des articulations de cette tribune (raison évoquée plus haut), tout de même un regard furtif sur la Charte de la Transition avant de faire une prospective sur la prochaine constitution (impossible de deviner LES GRANDES ORIENTATIONS ou de pronostiquer sur la date d’adoption).

Promulguée dans la foulée des CONCERTATIONS NATIONALES, quelques jours (27 septembre 2021) après la prise du pouvoir par l’armée[8], la Charte de la Transition appartenant à la catégorie des chartes octroyées, a le mérite d’être la Constitution de la transition étant entendu que c’est une première (nouveauté dans les transitions en Afrique noire francophone) car les transitions précédentes en Guinée n’étaient pas régies par un texte spécial. Ainsi, les actes pris par les autorités notamment le Président de la Transition sont référencés à ladite Charte. Cependant, son cycle de vie est en cours jusqu’après la promulgation de la prochaine Constitution.

Par ailleurs, seulement quatre organes sont consacrés par la Charte de la Transition : Comité

National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), le Président de la Transition, le Gouvernement et le Conseil National de la Transition. Trois (3) institutions (la Cour suprême, la Cour des Comptes et la Haute Autorité de la Communication) de la Constitution de 2010 ont été réhabilitées après leur dissolution prononcée dans le premier discours de prise du pouvoir.  Après ce tour d’horizon sur l’essai de bilan du constitutionnalisme, nous aborderons, dans les lignes qui suivent, quelques options constitutionnelles qu’on pourrait espérer dans la prochaine constitution.

II. UN NOUVEAU CONSTITUTIONNALISME EN GESTATION ? : DES OPTIONS CONSTITUTIONNELLES À ESPÉRER DANS LA PROCHAINE CONSTITUTION 

Pensée dans une perspective d’avenir, la prochaine constitution aura un grand défi à relever en ce qui concerne le début d’un constitutionnalisme plus audacieux.

Salutaires sont les efforts qui sont en train d’être fournis relativement au processus d’écriture de la future constitution. Des échanges entre les conseillers nationaux et les citoyens à travers le pays (constitutionnalisme de terrain), au symposium sur LE CONSTITUTIONNALISME GUINÉEN organisé par le CNT (constitutionnalisme-scientifique) en passant par le DÉBAT D’ORIENTATION CONSTITUTIONNELLE (constitutionnalisme de forum)-plusieurs propositions déposées au CNT, on peut nourrir l’espoir que le reste du processus constituant connaîtra l’INCLUSIVITÉ qui est tant réclamée par les parties prenantes.

Cela permettrait-il de porter le constitutionnalisme guinéen aux fonts baptismaux d’une nouvelle ère de gouvernance constitutionnelle ?

Tout dépendra du modèle de Constitution qui sera choisi car la coexistence de la constitution sociale et la constitution politique devrait permettre au peuple de trouver son compte.  Politique et sociale (Maurice Hauriou), la Constitution, dans ces deux dimensions, tient compte des gouvernants et gouvernés dont la verticalité des rapports est au cœur d’une démocratie.

A. LA GARANTIE « ESPÉRÉE » DE LA CONSTITUTION POLITIQUE

La construction d’un véritable équilibre institutionnel, sorti des décombres de la transition, passera par le modèle de constitution politique qui sera choisi.

Il ne sera pas traité ici, de la nature du régime politique de la future constitution car une réelle analyse y afférente ne pouvant être faite qu’à l’aune du contenu du texte constitutionnel lui-même.  Ce qui importe ici, c’est l’encadrement de la fonction présidentielle.

  1. Par la rationalisation des attributions du Président de la République

L’un des péchés originels du constitutionnalisme africain a toujours été de bombarder le Président de la République de pouvoirs exorbitants, faisant qu’il phagocyte toutes les autres institutions. Le droit de dissolution de l’Assemblée nationale, le pouvoir de nomination sans filtre (possibilité pour un autre pouvoir d’auditionner les pressentis à certaines fonctions), aux fonctions essentielles de l’appareil étatique ont toujours existé dans son escarcelle.

En Guinée, en analysant le « code génétique des constitutions »[9], on arrive au constat que l’essentiel des « pouvoirs constitutionnels » est placé sous « l’ADN » du Président de la république. Il est la plus forte des institutions. L’autre avait dit que sa fonction était « la clé de voute… »[10].

La situation devrait s’améliorer à travers des dispositions constitutionnelles futures en vue de non pas dépouiller le Président de la République de l’ensemble ou l’essentiel de ses pouvoirs mais de les encadrer, les rationaliser [11] en vue de trouver un équilibre. En ce sens, les propositions de cette tribune sont de deux ordres essentiellement.

Premièrement, la consécration d’un « stabilisateur constitutionnel » des clauses limitatives du nombre de mandats présidentiels. Dans le but d’affadir l’appétit du pouvoir pour le président en fonction, une solution de garantie du respect de la limitation du nombre de mandats présidentiels pourrait être consacrée. Ce serait de prévoir une disposition consistant à priver, le Président en fonction, initiateur d’une modification constitutionnelle dans ce sens, des effets bénéfiques d’une telle réforme (impossibilité pour lui de briguer plus de deux mandats, consécutifs ou non). Une fois n’est pas coutume mais celle-ci commence par une fois. Il serait mieux d’y penser.

Deuxièmement, la consécration d’un filtre pour certaines nominations du Président de la République. Pour la commodité de cette réflexion, il est séant que nous limitions le cadre à la nomination des juges constitutionnels. En plus des conditions (excepté l’âge qui contraste avec la volonté de mettre la jeunesse au cœur de la gouvernance ; il ne figure pas dans la majorité des systèmes de justice constitutionnelle[12] relativement aux conditions de désignation des juges constitutionnels) posées par les constitutions de 2010 et de 2020, on peut proposer un mécanisme d’audition des pressentis à la fonction de juge constitutionnel.

Ce mécanisme consistera en l’audition (ce mécanisme est en vigueur en France depuis la réforme de 2008 relativement à la désignation des membres du Conseil constitutionnel) des futurs juges constitutionnels par une commission spéciale de chacune des deux chambres du parlement (à défaut, par une commission spéciale de l’Assemblée nationale). Après audition, si les trois cinquièmes (3/5) des membres de ladite commission votent OUI, le pressenti pourrait être nommé juge constitutionnel. Un vote (3/5) NON empêcherait le Président de la République de le nommer.

Certes c’est un mécanisme importé qu’il faudrait ensuite tropicaliser à l’ordonnancement juridique guinéen. Mais il constituera un fort pilier d’encadrement de la procédure de nomination des juges constitutionnels.

Il serait également mieux de réhabiliter deux choses : 1-la pluralité des entités de désignation des juges constitutionnels (article 100 de la Constitution de 2010). L’indépendance du juge n’étant pas que textuelle, elle est surtout morale[13] ; chaque juge exercera ses fonctions selon ses propres convictions. 2-Pour la durée et le non renouvellement du mandat, réhabiliter l’article 107 de la Constitution de 2020).

Ces choix permettraient de réhabiliter « certaines bonnes consécrations » des trois dernières constitutions de notre pays.

Sortir des logiques « d’import-export constitutionnel absolu » pour faire des institutions qui reflètent les réalités de notre société constitue l’un des défis majeurs pour la prochaine constitution.

2. Par le remodelage des institutions :

« …il n’y a pas de droit sans cadre social… »[14]. Le droit, d’une manière générale, sert à régir une société. Il doit donc refléter les réalités sociales de l’entité qu’il est appelé à régir.

Après des décennies passées dans « l’import-export constitutionnel » (des dispositions fondamentales de la Constitution guinéenne de 2010 étaient inspirées de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990), la Guinée doit désormais tenir compte de son passé politique et constitutionnel, des circonstances du moment pour penser et mettre en place des institutions marquées par le sceau du « GÉNIE GUINÉEN ». Le remodelage institutionnel dont il s’agit, requiert une pluralité d’apports disciplinaires.

En effet, la quête d’une telle identité institutionnelle devrait tenir compte de la sociologie constitutionnelle qui permet d’imprimer aux normes juridiques leur dimension sociale. Ceci éviterait le déphasage entre normes juridiques et réalités sociales-décalage souvent en œuvre en Guinée-pour enfin permettre au peuple de se retrouver dans les textes que font ses représentants. En procédant ainsi, on sortira des idées reçues selon lesquelles « la Guinée a toujours eu les meilleurs textes ».

Aussi généreuse que puisse être une telle proposition, elle ne résiste pas à la dynamique comparative qui commande qu’on s’inspire parfois des autres. Car aucun texte juridique ne sort ex nihilo ! Il faut rappeler que « toute l’histoire des constitutions, à part quelques prototypes originaux, est faite d’imitation [15] ». Ce procédé d’imitation, pourrait être, dans des proportions gardées, mis en œuvre sans que le phénomène de « pèlerins constitutionnels » ne prenne le dessus sur les efforts, la trouvaille de l’organe de rédaction de la prochaine constitution. Cela nous évitera une « constitution clé en main » !

Après ces mots sur la constitution politique, place est aux propositions relatives à la constitution sociale.

B. LA GARANTIE « ESPÉRÉE » DE LA CONSTITUTION SOCIALE

Une constitution n’est pas que la litanie des dispositions relatives aux institutions. En tant qu’éclaireuse du droit constitutionnel substantiel (deuxième objet d’étude), la constitution sociale met à la portée des citoyens un certain nombre de droits et procédés qui permettent leur participation à la mise en œuvre effective d’un État de droit.

C’est dans ce cadre que, l’accès au juge constitutionnel et les candidatures indépendantes, sont abordés ici, à titre propositionnel.

1-Par une dualité optionnelle de saisine du juge constitutionnel :

L’ambivalence des procédés d’accès au juge, proposés ici, marque l’intérêt qu’il y a à attirer l’attention du constituant sur leur l’importance.

a. La consécration « espérée » du droit de saisine directe du juge constitutionnel par le citoyen

:

 

Alors que les arcanes de la justice constitutionnelle sont ouverts au citoyen béninois-au Benin « toutes les voies mènent au juge », le constituant guinéen a toujours tenu le citoyen à bonne distance de l’espace du contentieux constitutionnel. Les enjeux constitutionnels de la prochaine constitution commandent/recommandent de prévoir un accès direct du citoyen au juge constitutionnel.

En tant que surveillant direct, le citoyen contribuerait au respect de la Constitution par les pouvoirs publics dans l’exercice de leurs compétences respectives. En faisant participer le citoyen au contentieux constitutionnel, le constituant garantirait son œuvre contre la tentation des autorités publiques souvent au cœur des violations de la Constitution.

Mais aussi pertinente que semble être une telle proposition (si elle était retenue), elle n’est pas sans courir un risque, celui de « recours fantaisistes ». Car les recours fantaisistes, en provoquant une « ruée des citoyens vers le juge constitutionnel », conduiraient certains citoyens à considérer ce dernier comme le détenteur de toutes les solutions. Le juge risquerait donc d’être considéré, selon les propos de Jutta Limbach, ancienne présidente de la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne, comme « une armoire des chagrins de la nation ».

À défaut, un autre procédé, cette fois détourné, pourrait permettre d’atteindre l’office juge constitutionnel : c’est l’exception d’inconstitutionnalité.

b. La consécration « espérée » du procédé de l’exception d’inconstitutionnalité :

Pour garantir le respect des droits des citoyens, une autre voie, cette fois, rallongée vers le juge, devrait leur être ouverte en vue d’une bonne mise en œuvre de l’État de droit.

Pour Pierre Avril et Jean Gicquel, l’exception d’inconstitutionnalité est « un incident de procédure dans le cadre d’un procès, à l’occasion duquel un justiciable met en cause la conformité d’une loi à la Constitution. Après en avoir examiné le caractère sérieux, le juge, saisi au fond, est appelé à statuer lui-même (États-Unis), soit à renvoyer à la Cour constitutionnelle, au titre d’une question préjudicielle (Italie, Allemagne) ». Anciennement consacré (Constitution du 07 mai 2010 mais supprimé par la Constitution du 06 avril 2020), un tel système, s’il était prévu dans la prochaine Constitution, consisterait à garantir les droits fondamentaux des citoyens.

En tirant les leçons de sa pratique-rejet des recours, souvent sur fond de « mal fondée l’exception d’inconstitutionnalité »[16], l’exception d’inconstitutionnalité serait un pis-aller à la saisine directe du juge constitutionnel par le citoyen.

 Après ces procédés promouvant l’accès du citoyen au juge constitutionnel, nous allons, à présent, aborder les candidatures indépendantes, restées jusque-là, non autorisées dans les élections nationales.

2-Par la consécration d’un second procédé de conquête du pouvoir : les candidatures indépendantes

Dans l’histoire politique de la Guinée, le citoyen (individuellement pris) a toujours été tenu à distance en ce qui concerne les candidatures indépendantes aux élections nationales. Avec son double statut d’électeur et d’éligible, (s’il remplit les conditions requises), le citoyen participe à l’expression du suffrage, condition nécessaire à la démocratie électorale. Dès lors, aucune barrière (même s’il faut éviter des candidatures fantaisistes) ne devrait l’empêcher de se porter candidat, à titre indépendant, dans les élections, qu’elles soient nationales ou locales (pour les dernières, les candidatures indépendantes sont autorisées).

Aux antipodes de la démocratie libérale, la non-autorisation des candidatures indépendantes semble un frein à la diversité des choix politiques que devraient bénéficier les électeurs lors des consultations électorales. Les candidatures indépendantes ne consisteraient donc pas à la déprofessionnalisation de la carrière politique. Elles conviennent plutôt aux principes de la démocratie dont le respect a été défendu par la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples. D’où la dimension jurisprudentielle de la question, qui mérite d’être rappelée ici.

La non-autorisation des candidatures indépendantes est contraire, selon une certaine interprétation, aux instruments juridiques notamment l’article 13 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Ainsi, l’alinéa 1er de l’article 13 dit que « Tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis, ce, conformément aux règles édictées par la loi ».

En effet, la Cour a, dans l’affaire Mtikila c/ l’État Tanzanien, jugé contraire à la Charte africaine des droits de l’homme (notamment l’article 13), toute mesure tendant à écarter d’une compétition électorale, des citoyens d’un pays. Sur le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays et la liberté d’association, elle précise en cela que « Toute loi qui exige du citoyen d’être membre d’un parti politique avant de se présenter aux élections présidentielles, législatives et locales est une mesure inutile, qui porte atteinte au droit du citoyen de participer directement à la vie politique et constitue donc une violation d’un droit ». À la Cour de continuer « Le fait que le défendeur (l’État tanzanien) exige de ses citoyens d’adhérer à un parti politique et d’être investis par celui-ci comme préalable pour se porter candidats aux élections, locales, législatives ou présidentielles constitue une entrave à la liberté d’association, puisque les individus sont contraints d’adhérer à une association ou d’en créer une, avant de pouvoir se porter candidats à des postes électifs ».

Cette position de la Cour devrait faire des échos (en Afrique) en vue de l’autorisation des candidatures indépendantes dans les systèmes électoraux de ses États-membres (même s’il faut rappeler que les États sont les seuls souverains quant au choix de leurs systèmes électoraux).

Pendant toutes ces années, en Guinée, le caractère discriminatoire des dispositions constitutionnelles (les articles 26 de la Loi Fondamentale de 1990, 29 de la Constitution de 2010 et 42 de la Constitution de 2020) y afférentes produisait des effets négatifs sur la qualité des candidats présentés lors des élections. En ce sens, il faut rappeler que le juge de la Cour suprême, avait rejeté, en prélude à la présidentielle de 1993, les candidatures d’El Hadj Bouna Kéita et de Souleymane Kaba, pour défaut de qualité.

Dès lors, ces restrictions favorisent des candidatures médiocres alors que des hommes plus compétents, non affiliés aux partis politiques ne sont pas autorisés à participer aux élections nationales.

En tout état de cause, qu’elles soient indépendantes ou présentées par les partis politiques, les candidatures devraient être conséquemment examinées par le juge électoral. Il devrait, être aidé, dans ce sens, par des services compétents (vérification de la licéité des sources de financement des activités du parti qui présente un candidat et le même procédé sur les sources de revenu d’un candidat indépendant), en vue d’éviter la validation de la candidature d’une personne de moralité et de comportement douteux (le blanchiment d’argent, de capitaux et le financement du terrorisme peuvent être cités ici).

Après avoir exploité toutes ces ressources constitutionnelles, jurisprudentielles et politiques, on peut faire, dans l’intérêt de la démarche choisie, des remarques conclusives, orientées sur les institutions et les droits fondamentaux qui n’apparaissent pas clairement dans le développement.

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                                                   REMARQUES CONCLUSIVES :

En parcourant le catalogue institutionnel et substantiel (droits fondamentaux) des constitutions guinéennes (Loi fondamentale du 23 décembre 1990, Constitution du 07 mai 2010, Constitution du 06 avril 2020), on peut établir les remarques suivantes :

  1. Au plan institutionnel :

  • La Loi fondamentale de 1990 :

Elle est la Constitution qui a, pour une première fois, consacré une certaine séparation des pouvoirs (même si on sait que dans la pratique il y a eu beaucoup de violations de ce principe). Les relations de l’exécutif avec les autres institutions étaient plutôt condescendantes. Le Président de la République, clé de voûte des institutions, était le maître de jeu dont la crainte provoquait des chevauchements dans bien de situations. Car même au sein du couple exécutif dont il est le « mâle », son Premier Ministre est toujours resté comme figurant.

Il y avait souvent un décalage entre le droit et la pratique. Cela confirme les propos de Jean Rivero quand il dit qu’« À la différence des satellites, les institutions restent rarement sur l’orbite sur laquelle leurs promoteurs les ont placées ».

  • La Constitution de 2010 :

Elle a renforcé, en tout cas dans sa consécration, le principe de séparation des pouvoirs (article 2) ; consacré des institutions nouvelles (Cour constitutionnelle, CENI, Médiateur de la république, Cour des Comptes…) dont le fonctionnement était, en général, court-circuité par l’ombre du Président de la République.

Malgré la consécration de son poste, le Premier est resté comme un figurant constitutionnel, « un pare-choc, un fusible » entre le Président de la République et le peuple.

  • La Constitution de 2020 :

Elle était le cadre de renforcement ex post des institutions de la Constitution de 2010. En réalité, les mêmes institutions avaient été reconduites avant leur dissolution à la suite de la prise du pouvoir par le CNRD.

2. Au plan substantiel (droits fondamentaux) :

  • La Loi fondamentale de 1990 :

Elle avait consacré 18 articles (de l’article 5 à l’article 23) sur les droits fondamentaux. Ce qui traduisait le prix que le constituant de 1990 attachait auxdits droits. Même s’il faut relever que leur multiple violation mettait en mal l’État de droit pourtant proclamé comme leitmotiv politique.

  • La Constitution de 2010 :

 En rallongeant la liste des droits fondamentaux de 18 (Loi Fondamentale) à 22 articles (de l’article 5 à l’article 26), le constituant de 2010 y avait consacré de la nouveauté notamment le droit d’accès à l’information publique (article 7), le droit de pétition (article 10) et le devoir de l’État d’assurer la diffusion et l’enseignement de la Constitution et autres textes relatifs aux droits humains (article 25). Cet effort du constituant sera complété par la consécration d’une institution de protection et de promotion (INIDH) des droits humains.

Malgré les difficultés dans le fonctionnement de l’INIDH, il faut noter que sa consécration comme institution de protection et de promotion des droits humains était une avancée dans le destin desdits droits.

  • La Constitution de 2020 :

 

29 articles étaient consacrés aux droits fondamentaux (de l’article 5 à l’article 33).

Cependant, cette abondance numérique de ces droits n’est pas un critère fondamental dans l’appréciation de leur degré de protection.

On se rend donc compte, que malgré l’abondance dans leur consécration, leur degré de protection n’en était pas un corollaire car leur violation a souvent été dénoncée. Ce triptyque CONSÉCRATION, PROTECTION ET VIOLATION a fait dire au Professeur René Déni Ségui qu’« En Afrique, les droits fondamentaux sont abondamment consacrés, insuffisamment protégés et constamment violés ».

Il ressort de ce qui précède, que les convergences constitutionnelles sur les institutions et les droits fondamentaux sont que :

  • le Président de la République est une hyper-institution dont il faudrait, dans la prochaine constitution, rationaliser les attributions.
  • les droits fondamentaux ont connu un cycle qui devrait, dans la future constitution, être amélioré en consacrant notamment la saisine directe du juge constitutionnel par le citoyen.

Aussi fécondes que pourraient être l’analyse et les propositions faites dans cette tribune, il faut oser dire que les textes à eux seuls ne résoudront pas les problèmes. Car il est très important, en référence au passé de notre pays, d’avoir des grands Hommes (intègres).

À ce stade de construction de notre jeune démocratie, contrairement au propos de Barack Obama tenus au Ghana en 2009, nous avons besoin d’hommes plus intègres (forts) pour faire des institutions fortes. Les ÉtatsUnis ont eu d’abord des hommes plus intègres (forts) qui ont fait par la suite des institutions devenues plus fortes.

Ce sont les Hommes qui font les institutions, tant par la qualité des textes qu’ils élaborent mais surtout par leur sens élevé de l’intérêt général.

                                     Ousmane DIABY, enseignant en droit à l’UGLC-Sonfonia. 

[1] Rapport de la rencontre d’experts sur le constitutionnalisme en Afrique de l’Ouest, Dakar, 27 et 28 novembre 2006, Open Society Iniative for West Africa (OSIWA), p.5.

[2] « La première est celle de l’imitation du droit constitutionnel du colonisateur, la deuxième recherche une voie constitutionnelle spécifique. La troisième génération des droits constitutionnels des États décolonisés renoue, à vrai dire, avec le mouvement constitutionnel des indépendances, mais enrichie des évolutions contemporaines du droit constitutionnel concernant, en particulier, la justice constitutionnelle ». Voir Pierre-Caps, ‘’ Les droits constitutionnels des pays colonisés d’Afrique et d’Asie’’-extrait de ‘’ Droits constitutionnels étrangers’’, PUF, 2015. Michel Louis Martin, quant à lui, s’interroge sur une quatrième « Pour un constitutionnalisme de quatrième génération ? »

[3] Voir Frédéric Joel AIVO, ‘’ La Constitution béninoise du 11 décembre 1990 : Un modèle pour l’Afrique’’? Mélanges en l’honneur de Maurice AhanhanzoGLÉLÉ, l’Harmattan, 2014, P. 38.

[4] Voir Augustin LOADA, ‘’ La limitation du nombre de mandats présidentiels en Afrique francophone’’, p.3).

[5] Assemblée constituante en France, 1791.

[6] Journal Officiel de la République, Numéro spécial, 14 avril 2020.

[7] (Articles 585, 586 et 587 du Code pénal).

[8] (Comité National du Rassemblement pour le Développement-CNRD-le 05 septembre).

[9] S’inspirant de la génétique en médecine, Stéphane Mouton, dans un article, parle du « code génétique des constitutions françaises ».

[10] Michel Debré devant le Conseil d’État pendant le processus d’écriture de la Constitution française du 04 octobre 1958.

[11] (Allusion non faite forcément au régime parlementaire rationalisé allemand).

[12] Systèmes européen-kelsenien (concentré) et américain (diffus). Il existe aussi le système mixte (Afrique du Sud).

[13] Robert Badinter disait que « le juge doit pouvoir exercer son devoir d’ingratitude à l’égard de l’autorité de nomination ».

[14] Bernard Durand, Histoire comparative des institutions.

[15] Jean Rivero, ‘’ Les effets d’imitation en droit administratif étranger’’.

[16] Quelques arrêts de la Cour constitutionnelle en font mention.

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